Vous avez été assistante sociale, élue de Valenciennes, parlementaire… Vous disposez d’une grande expérience dans le logement, notamment social…
Le logement, c’est un des grands combats de ma vie ! Mon parcours, d’abord comme assistante sociale puis comme élue, m’a permis de voir de près les réalités quotidiennes des Français, notamment des plus fragiles. J’ai toujours été convaincue que le logement, c’est bien plus qu’un simple toit : c’est un droit fondamental, un levier essentiel pour l’inclusion sociale, l’accès à l’emploi, à l’éducation… Plus tard, mon expérience en tant que parlementaire, notamment sur des dossiers sociaux, m’a renforcée dans cette conviction. J’ai vu combien les enjeux sont cruciaux et complexes. Le retour d’un ministère de plein exercice du Logement implique une responsabilité accrue, non seulement envers les acteurs du secteur, mais aussi envers les Français qui attendent des solutions concrètes.
Le logement, c’est bien plus qu’un simple toit : c’est un droit fondamental.
C’est en effet la première fois, depuis 2017, que le gouvernement se dote d’un ministère de plein exercice en matière de logement. Qu’est-ce que cela change concrètement ?
C’est une reconnaissance claire de l’importance capitale de ce secteur. Comme l’avait rappelé le Premier ministre dans son discours de politique générale, le logement est la première dépense des Français. Il n’a jamais été relégué au second plan pour nos citoyens, et il est donc naturel qu’il ne le soit plus au sein du gouvernement. Avoir un ministère de plein exercice permet d’avoir une administration dédiée, d’avoir un cabinet conséquent composé de 15 conseillers, à la hauteur des enjeux, d’être présent à tous les conseils des ministres et, surtout, d’avoir un dialogue direct avec Matignon et les autres ministères comme Bercy, sans aucun intermédiaire.
Or, le logement, c’est une politique du temps long mais il faut être en capacité d’agir vite. La situation actuelle appelle à des réponses rapides qu’un ministère de plein exercice peut nous aider à donner.
La réalité budgétaire du pays, jugée « très grave » par le – précédent – Premier ministre Michel Barnier, permet-elle de mener des projets vraiment structurants en matière de logement ?
Nous traversons une période financièrement difficile, mais cela ne signifie pas qu’il faut renoncer à des projets structurants. La crise est l’occasion de repenser nos méthodes, d’optimiser les ressources et de renforcer les partenariats avec les acteurs privés, les collectivités locales et les bailleurs sociaux.
Notre but est de relancer le secteur du logement tout en respectant les contraintes budgétaires. Pour cela, deux leviers. Le premier est d’accélérer les démarches pour que les projets de construction sortent plus vite de terre. Cela passe par exemple par la simplification des normes d’urbanisme et de construction. Il s’agit aussi de simplifier la délivrance des autorisations d’urbanisme et des recours aux dérogations du Plan local d’urbanisme (PLU). Le second levier est d’accompagner la baisse des taux d’intérêt du livret A, sur lequel est indexé l’essentiel des emprunts des organismes HLM, et ce dès février prochain. Cette mesure peut redonner des capacités financières aux bailleurs sociaux pour qu’ils relancent des projets de construction ou de rénovation.
Est-il vraiment possible de concilier le besoin en logements – il en faudrait 400 000 de plus par an d’après l’Union nationale des aménageurs (UNAM) – et les enjeux environnementaux soulevés par la loi « Climat et Résilience » ?
La tâche est difficile, mais pas impossible. Aujourd’hui, nous faisons face à un double enjeu : répondre au besoin pressant de logements tout en respectant nos engagements environnementaux.
La clé sera la co-construction. Nous devons travailler main dans la main avec les élus locaux, les parlementaires, les professionnels de l’immobilier et la société civile. En ce qui concerne l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols à l’horizon 2050 par exemple, la loi « Climat et Résilience » ne doit pas constituer un verrou. Pour éviter que la loi soit vue comme un blocage, nous devons y injecter une approche différenciée. Cela signifie proposer des ajustements qui facilitent la mise en oeuvre du ZAN, sans renoncer à son ambition. Tout est une question d’équilibre : il faut trouver le bon rythme et savoir s’adapter aux réalités du terrain. Quoiqu’il en soit, la protection de nos sols est une nécessité. Consommer 20 000 hectares par an nuit à notre souveraineté agricole et ne permet pas de répondre à l’urgence climatique.
Le prêt à taux zéro (PTZ) a connu de nombreuses évolutions en 2024. En quoi son prolongement jusqu’en 2027 et son élargissement à l’ensemble du territoire (et non plus à certaines zones tendues) permet-il de répondre à la crise, à la fois sur le marché du neuf et de l’ancien ?
L’extension du PTZ combinée avec la baisse des taux de crédits devraient par ailleurs favoriser le retour des primo-accédants. Mais nous devons faire plus. Nous aimerions aussi donner aux préfets les moyens d’accélérer la construction et adapter les normes pour mieux répondre aux attentes des primo-accédants. Toutes les propositions qui visent à faciliter le recours au crédit immobilier tout en sécurisant les emprunteurs dans leur parcours d’accession à la propriété sont observées avec attention.
Quelles mesures sont à l’étude pour faciliter la rénovation des biens, notamment des passoires thermiques ?
Aujourd’hui, la France compte encore 4,8 millions de passoires énergétiques, soit 16 % des résidences principales. Toutefois, nous avons réussi à rénover 400 000 de ces logements entre 2022 et 2023, ce qui témoigne d’une dynamique positive dans nos efforts de rénovation. Il est essentiel de combiner notre exigence de résultats en matière de lutte contre le réchauffement climatique avec la nécessité de réduire les coûts pour les ménages. Pour répondre à cet enjeu, j’ai défendu et obtenu la stabilité des critères d’aide MaPrimeRénov’. Cela pourrait permettre de rénover 350 000 logements supplémentaires en 2025.
Le « stop and go » de l’année 2024 a créé de l’insécurité pour les propriétaires et les bailleurs souhaitant améliorer leur logement. Nous devons rendre ces aides plus accessibles, afin de faciliter le parcours vers la transition énergétique. Par ailleurs, les propriétaires qui souhaitent rénover leur logement ont aussi la possibilité de se rendre dans les « France Renov ». Des conseillers spécialisés les accompagneront dans leur projet afin de sécuriser les parcours.
Le Premier ministre Michel Barnier a récemment indiqué que le diagnostic de performance énergétique (DPE) serait « simplifié et adapté ». Quelles nouvelles règles sont attendues ?
Ce sujet n’est pas qu’une question de réglementation, mais un impératif pour notre environnement et pour le pouvoir d’achat des locataires, qui subissent les factures qui s’envolent. C’est aussi un sujet de santé publique : un tiers des Français ont déclaré avoir eu froid l’hiver dernier. Je soutiens donc la proposition de loi portée par les députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz qui permet de clarifier les règles applicables. À partir du 1er janvier 2025, les propriétaires ne pourront pas signer de nouveaux contrats de location pour les logements classés G par le DPE. La proposition de loi permettra ainsi d’assouplir et d’adapter le calendrier dans certains cas : si un propriétaire passe outre cette interdiction, le locataire pourra demander des travaux. Si ceux-ci ne sont pas réalisés, il aura le droit d’intenter un recours en justice. Cela pourrait entraîner une baisse du loyer jusqu’à ce que les travaux nécessaires soient effectués.
Cependant, puisqu’il faut aussi reconnaître la complexité de certaines situations, je propose des dérogations, par exemple lorsque des travaux ont été votés par une copropriété mais n’ont pas été réalisés ou lorsqu’un locataire s’oppose aux travaux.
Michel Barnier a annoncé la possibilité, pour les départements qui le souhaitent, d’augmenter les droits de mutation. Cette mesure risque-t-elle de décourager un peu plus les primo-accédants, qui font actuellement un timide retour sur le marché immobilier ?
Le travail que je fais sur le logement doit permettre de relancer la construction et, en cascade, d’augmenter les recettes fiscales de l’État et des collectivités. La baisse des taux et les mesures que je soutiens, sur le prêt à taux zéro pour le neuf ou sur l’exonération de frais de succession sur les donations pour l’achat de résidences principales, vont soutenir la production et les transactions. Il faut mettre ces mesures en face de la hausse du taux des droits de mutation à titre onéreux, dont je rappelle qu’elle est facultative, temporaire et qu’elle ne concerne pas le logement neuf.
En parallèle, le marché locatif est en chute libre : le nombre d’annonces a diminué de presque 60 % en 5 ans d’après la FNAIM. Avec quelles mesures relancer l’investissement locatif ?
Dans l’intervalle, je regarde avec attention les propositions des parlementaires pour trouver des pistes de transition. Je pense à l’amendement qui permet de réaliser sur une période de 12 à 18 mois une donation à ses enfants ou à ses petits-enfants, exonérée d’impôts pour l’achat d’un logement neuf. Cette mesure permettrait de mobiliser davantage « les capitaux dormants ».