La profession de commissaire de justice a été instituée depuis le 1er juillet 2022 et résulte de la fusion entre les métiers d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. En qualité d’officiers publics et ministériels, ils procèdent à l’exécution des décisions de justice et des titres exécutoires ainsi qu’aux ventes judiciaires.
Une diversification progressive vers l’immobilier
Ces derniers n’en sont en effet pas à leur première expérience dans l’immobilier puisque depuis 2011 ils peuvent exercer à titre accessoire l’activité d’administration d’immeubles. Cette activité a même été étendue en 2015 aux biens des collectivités territoriales pour lesquels les commissaires de justice, en exécution d’un mandat, peuvent prendre en charge la gérance et l’encaissement des revenus tirés des immeubles. Concrètement, comme pour tout propriétaire, le commissaire de justice apprécie la conformité du bien aux obligations légales, fait la publicité du bien à louer, sélectionne les locataires en fonction des besoins exprimés par les collectivités, vérifie leur solvabilité, rédige le contrat de bail, dresse les constats d’état des lieux d’entrée et de sortie, ou encore procède au recouvrement des loyers, des charges et des impayés le cas échéant.
Les services de médiation et de négociation immobilière constituent ainsi une nouvelle corde ajoutée à un arc d’activité déjà dense. Le décret publié cet été permet en effet à tout commissaire de justice d’exercer à titre accessoire l’intermédiation immobilière, en vue de la vente d’un bien dont il assure déjà l’administration.
« Le droit de l’immobilier est au cœur des activités principales et accessoires du commissaire de justice. États des lieux, constats de conformité locative, missions de gestion locative ou syndics de copropriété sont autant d’exemples de compétences d’intervention du commissaire de justice dans le domaine immobilier. L’intermédiation immobilière complète ces expertises acquises qui seront mises au service d’un marché immobilier qui impose une vision d’ensemble et une sécurisation pour des transactions de plus en plus complexes », souligne Benoit Santoire, président de la Chambre nationale des commissaires de Justice.
Qu’en pensent les syndicats des professionnels de l’immobilier ?
Une nouvelle concurrence jugée déloyale qui n’est guère au goût de l’UNIS qui a engagé un recours gracieux auprès du Premier ministre contre le décret du 3 juillet afin de faire abroger le texte. « Ouvrir cette activité aux commissaires de justice, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Il y aura toujours la tentation d’aller plus loin », a ainsi déclaré Danielle Dubrac, présidente de l’Unis. Et de souligner : « Les commissaires de justice ont un monopole sur certains actes. En profiter, même accessoirement, pour aller au-delà, c’est entrer en force dans le marché concurrentiel, provoquant ainsi une rupture de concurrence fondée sur un abus de qualité d’officier ministériel. »
Le président de la FNAIM, Loîc Cantin se veut, quant à lui, plus mesuré : « Nous avons en effet pris connaissance de cette mesure mais qui reste pour nous un épiphénomène. Il n’est en effet pas nécessaire de s’apitoyer en permanence sur de nouveaux intervenants qui viendraient grignoter quelques parts de marché. Si nous déplorons bien entendu cet élargissement, ce dernier est sans doute mesuré puisqu’il se limite à une transaction opérée dès lors qu’un huissier de justice dispose d’un mandat de gestion du bien devant être vendu. » Et d’ajouter : « Notre combat est ailleurs : contre l’intermédiation non maitrisée et non réglementée pour nos trois métiers. »
A noter que le cabinet de Michel Barnier a désormais deux mois pour répondre au recours gracieux déposé par l’Unis. A réception de la réponse ou en l’absence de réponse dans un délai de deux mois, cette dernière pourra alors introduire un recours contentieux devant le Conseil d’Etat.