L’occasion de faire le point sur la signature électronique et la signature scannée (I) et de s’interroger sur les actes « mixtes » (II).
I – Signature électronique et signature scannée
La signature scannée n’est pas une signature électronique, revenons tout d’abord aux définitions (A) pour voir l’affaire qui a été soumise à la Cour de Cassation (B) et en tirer les enseignements (C).
A) Les définitions
La signature électronique se définit comme « un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle se rattache. La fiabilité du procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. » (2)
Il existe plusieurs types de signatures électroniques avec des niveaux de sécurité et de présomptions de fiabilité différents (simple, avancé, qualifié).
Une signature scannée n’est pas une signature électronique, c’est la copie d’une signature manuscrite qui peut être réalisée par toutes personnes et apposée sur tous documents. Ce procédé ne garantit donc
pas l’identification de la personne, ni l’acte auquel la signature scannée se rattache.
Pour autant est-elle dénuée de toute valeur ? C’est la question qui a été soumise récemment à la Cour de cassation (1).
B) Le pitch
Dans cette affaire, une promesse unilatérale de vente de parts sociales avait été consentie. Les promettants refusant de s’exécuter, le bénéficiaire a assigné en exécution.
Les « promettants » contestaient la signature de la promesse au motif qu’il s’agissait d’une signature scannée et non d’une signature électronique. Le « bénéficiaire » quant à lui soutenait qu’entre commerçants la preuve du consentement peut être rapportée par tous moyens (3), qu’il appartient à celui qui conteste sa signature de prouver qu’il n’en est pas l’auteur et qu’en déboutant le bénéficiaire au motif que les auteurs des signatures n’étaient pas identifiés, la Cour d’appel avait renversé la charge de la preuve.
Sur la liberté de la preuve entre commerçants, la Cour relève que c’est un nouvel argument soulevé pour la première fois en cassation et qu’elle ne peut se prononcer.
L’argument conserve donc toute sa pertinence et il est fort probable qu’il soit à nouveau présenté devant la Cour de cassation si une autre affaire s’y prête.
Sur la portée d’une signature manuscrite scannée, la Cour juge que le procédé est valable mais ne peut cependant être assimilé à une signature électronique « qui bénéficie d’une présomption de fiabilité par application de l’article 1367 alinéa 2 du Code civil. ». La Cour, après avoir rappelé l’analyse de la Cour d’appel, juge que c’est à bon droit que les juges du fond ont déduits que la preuve de l’accord du consentement à la cession par les promettants n’était pas rapportée.
C) Les enseignements
Si la numérisation d’une signature manuscrite ne bénéficie pas de la présomption de fiabilité d’une signature électronique, la Cour juge cependant que le procédé du scan est valable.
Ainsi, en lui-même le scan d’une signature n’est pas illégal mais insuffisant. Il peut donc être complété par d’autres éléments de preuve rapportant la preuve de l’accord d’une personne déterminée à un acte déterminé.
Cette décision confirme de précédentes décisions jugeant que « la seule signature scannée (…) est insuffisante pour s’assurer de l’authenticité de son engagement juridique comme ne permettant pas une parfaite identification du signataire » (CA Fort-de-France, ch. civ., 14 déc. 2012, n° 12/00311 ; en ce sens également, CE. n°351931 du 17 juillet 2013).
En cas de signature scannée et de contestation, ce sont donc les circonstances spécifiques de chaque affaire qui seront étudiées au cas par cas pour savoir si elles permettent de s’assurer de l’authenticité de l’engagement. En l’espèce, la fourniture des cartes d’identité des « promettants » et la production d’autres documents n’ont pas été considérées comme suffisantes et n’ont pas permis de démontrer la preuve de leurs accords.
À l’inverse, dans une autre affaire de 2022 (4), la Cour de cassation a retenu la validité d’un contrat de travail à durée déterminée signé par l’employeur au moyen d’une signature numérisée. Elle a jugé que la signature du gérant n’était pas contestée, qu’il était habilité à signer un contrat de travail et qu’une signature manuscrite numérisée ne valait pas absence de signature.
Ainsi, si la signature numérisée n’est pas assimilée à une absence de signature, il est très vivement conseillé de recourir aux signatures électroniques avancées ou qualifiées pour renforcer la présomption de fiabilité.
II – Les actes mixtes
De nouveaux outils induisent de nouvelles pratiques. Si la jurisprudence sur les signatures manuscrites numérisées se dessine, d’autres cas voisins pourraient lui être soumis dans les prochaines années. Par
exemple qu’en est-il des actes mixtes ?
Nous appellerons actes mixtes ceux qui sont signés de façon manuscrite et électroniquement. Typiquement ce peut être un mandat ou une offre d’achat, signé électroniquement par une partie, envoyé par mail à l’autre, qui imprime, signe de façon manuscrite et retourne le document signé par mail. Ce type de situation peut se rencontrer quand une partie ne peut pas utiliser de signature électronique. À ma connaissance, la jurisprudence n’a pas statué sur un tel cas.
Pour les actes dont les signatures sont nécessaires à la validité de l’acte, comme un mandat (5), on peut très sérieusement s’interroger sur la validité dudit mandat puisqu’il y a uniquement des scans ou des impressions de signatures. Ainsi aucune partie ne détient un acte original avec des signatures originales qu’elles soient manuscrites ou électroniques. Or même à supposer qu’il soit soutenu qu’une signature scannée n’équivaut pas à une absence de signature (4), et que le mandat serait écrit, le mandat, pour autant, ne serait fait ni en autant d’originaux que de parties, ni sur un support durable garantissant l’intégralité de l’acte.
Enfin, si la nullité est retenue, s’agirait-il d’une nullité relative, susceptible
de ratification, ou d’une nullité absolue ? L’interprétation de la Cour de cassation serait la bienvenue sur ces points.
S’agissant des actes dont l’écrit n’est pas une condition de la validité, telle qu’une offre d’achat, la solution pourrait être différente. En effet rappelons que les articles 1583 et 1113 et suivants du Code civil ne posent pas comme condition de validité la signature des parties de sorte que les parties peuvent être juridiquement engagées par un accord verbal, des échanges de courriers ou de mails (Cf. article « L’accord sur la chose et le prix » publié le 7/04/2021 sur le site du Journal de l’Agence).
En conclusion, il est déconseillé d’utiliser des signatures électroniques et manuscrites pour un même acte et il convient de privilégier le même type de signature pour toutes les parties, à savoir uniquement des signatures manuscrites ou uniquement des signatures électroniques.
1) Cass.com, 13 mars 2024, n° 22-16487
2) 1367 du Code civil.
3) L 110-3 Code de commerce.
4) Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-19.841, Publié au bulletin.
5) Article 6 loi Hoguet et 1375 du Code civil et 1375 du Code civil.
6) Cf. CA Lyon 6 oct 2015, n° 13-03858.