Comme à chaque grande échéance électorale, le marché immobilier se fige attendant de savoir quel est son avenir. Cette fois-ci, le phénomène de crispation est d’autant plus important que le séisme était inattendu. Pour la communauté immobilière, tous les indicateurs sont à l’arrêt.
Dans l’incertitude, recourir à l’expertise comme gage de stabilité
« Une catastrophe », « un geste assassin pour l’immobilier », commente Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers à propos de la dissolution. Interrogé par le Journal de l’Agence, il confie : « si le sentiment d’une reprise, ou tout du moins d’un soubresaut pouvait se faire ressentir ces dernières semaines, c’est désormais le calme plat dans les agences immobilières. Les appels se tarissent, les rendez-vous s’annulent et à en croire nos confrères de la promotion immobilière, les annulations de programmes sont plus nombreuses que les réservations de logements ».
Il poursuit : « Malheureusement, il serait illusoire de penser que tout reprendra le 7 juillet à l’issue du scrutin. Selon le camp politique qui se démarquera, les règles du jeu, qu’elles soient civiles, juridiques, fiscales, financières et bien sûr immobilières, pourront changer du tout au tout, et nous ne sommes pas prêts d’en connaître les détails. En tout cas pas avant la loi de finances 2025 qui sera votée à la fin de l’année 2024. De ce fait, les ménages n’ont aucune visibilité, ils sont dans l’incertitude à tous points de vue et perdent la confiance nécessaire à la réalisation de leurs projets immobiliers. Car si chaque foyer a ses propres capteurs, sa propre sensibilité citoyenne et politique, tous savent bel et bien que l’immobilier est conditionné par la décision publique.».
Pour Monsieur Buzy-Cazaux, l’heure est donc à l’expertise, sans passion mal placée. « Je recommande aux professionnels du secteur de ne pas mélanger leurs opinions personnelles et leur savoir-faire professionnel. L’idée n’est pas de communiquer leurs craintes et convictions aux clients, mais au contraire, de les rassurer par une expertise rationnelle, gage de stabilité ».
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En l’absence de politique du logement, se mobiliser pour faire la différence sur le terrain
« Le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français et le logement est d’ailleurs le premier poste de leurs dépenses » ajoute Bernard Cadeau, ancien président d’Orpi. « En période d’incertitude et de déficit ces finances publiques, il me paraît donc pertinent de leur adresser un message de raison. Auprès des candidats à l’accession, on peut rappeler l’importance de détenir un actif immobilier en période d’instabilité et auprès des bailleurs, il paraît également judicieux de généraliser la souscription d’une Garantie Loyers Impayés, dans le cas où la loi anti-squat serait éventuellement abrogée ».
« Que deviendrons les taux d’intérêt d’ici quelques mois, quelques années, que décideront le Haut Conseil à la Stabilité Financière et le Fonds Monétaire International épinglant le déficit de nos dépenses publiques… nul ne le sait. De surcroît, les programmes proposés par les candidats aux élections législatives à l’égard du logement ne sont pas clairs, voire irréalisables en termes de dépenses publiques ou de constitutionnalité. Nous sommes donc dans ce que je pourrais appeler un mille-feuilles garni de différentes couches d’incertitudes et de changements, une recette en tous points hostile au logement ».
Il conclut : « Sans s’appuyer sur une politique publique qui sera contrainte à l’austérité, il appartient donc à la communauté immobilière toute entière de se mobiliser. D’une part, en parlant d’une seule voix pour être écoutée des futurs élus politiques. Et d’autre part, en s’appuyant sur la maîtrise qui est propre aux professionnels du terrain pour trouver des solutions ».
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