L’objectif du JDA : sonder les signaux faibles auprès de ceux qui œuvrent sur le terrain, comprendre leur vécu et leur ressenti face à la conjoncture, questionner leurs problématiques et défis mais aussi, découvrir la stratégie qu’ils ont choisi pour naviguer dans un secteur souvent tourmenté.
Aujourd’hui, Dorian Lemaître a accepté de nous parler de son expérience de terrain. Avec son associé Patrick Gouazé, expert immobilier, il dirige depuis 2014 le réseau d’agences indépendantes Logis Conseil, composé de cinq agences physiques (dont une agence de Kerangat spécialisée dans les biens haut de gamme), implanté dans les Hauts-de-Seine depuis 1988.
Quelle est la dynamique actuelle de votre activité de transactions dans les Hauts-de-Seine ?
Dorian Lemaître : « Tout d’abord, je dois dire que je connais parfaitement mon secteur géographique puisque j’y ai grandi et j’y travaille depuis une belle vingtaine d’années. Nous comptons cinq agences immobilières implantées dans les communes de Chatenay-Malabry, Bourg-la-Reine, Châtillon et Sceaux.
Concrètement, pour nous comme pour nos confrères le marché de la transaction est laborieux depuis une vingtaine de mois. Nous avons enregistré une baisse de notre volume de transactions de 40 % sur un an et c’est une tendance baissière que nos voisins notaires nous confirment.
Et pour cause, face à tous les freins que l’on connaît (difficultés d’accès aux crédits, inflation, etc.), les acquéreurs de notre secteur — comme ailleurs — sont dans une phase d’attentisme, ils ont vu leur pouvoir d’achat immobilier chuter de 30 % en moyenne et attendent que les prix continuent de baisser en espérant qu’ils s’ajustent à leurs nouvelles capacités financières.
Face à eux, les vendeurs ne sont pas sereins non plus : ils ont souvent acheté leur bien au prix fort il y a quelques années et espèrent évidemment faire une plus-value. Mais s’ils sont désireux d’être accompagnés et conseillés, ils sont cependant tendus quand vient l’annonce du prix de mis en vente estimé, car celui-ci peut ne pas correspondre à leurs attentes, parfois décorrélées du marché. Cela implique de réelles discussions pédagogiques avec eux. Malheureusement, s’il peut arriver qu’ils renoncent à baisser leur prix, il nous ait déjà arrivé de refuser de prendre leur mandat. C’est inédit, mais c’est une décision que nous prenons pour préserver la satisfaction de nos clients ».
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Comment se porte votre branche de gestion locative ?
Dorian Lemaître : « Alors qu’à la reprise du réseau en 2014, Logis Conseil gérait un portefeuille de 120 lots en gestion, il s’établit aujourd’hui à environ un millier. Nous avons donc connu un beau développement de notre activité de gestion locative. Aujourd’hui, cette branche représente une petite moitié de notre chiffre d’affaires global (notamment compte-tenu du fait de la baisse des transactions). Et nous continuons à gagner des parts de marché sur notre secteur. Selon moi, cela s’explique par la qualité de nos services : nous pratiquons une gestion un peu à l’ancienne, de qualité et de proximité, avec des gestionnaires dédiés qui connaissent leurs dossiers sur le long terme ».
« C’est ce que nous rapportent les clients qui nous confient leur lot : ils sont en quête de gestionnaires de biens accessibles, dévoués et investis dans la durée, qui leur apportent une réelle valeur ajoutée. De plus, nous prenons soin de laisser le temps à nos gestionnaires de s’investir pour le développement de leur portefeuille de gestion».
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Quel est le moral de votre équipe ?
Dorian Lemaître : « Il est évident que ce marché en dents de scie met le moral des agents immobiliers à rude épreuve ! Si l’ascenseur émotionnel qu’impliquent la rentrée et la sortie de mandats n’est facile à gérer pour personne, les plus jeunes en particulier, n’ont jamais connu de telles crises et il est important de les remotiver ».
« C’est cette persévérance que je souhaite partager avec mon équipe. Même s’il m’arrive de rentrer le soir le moral dans les chaussettes, je redouble d’efforts le lendemain car le choix d’être gérant d’un groupe d’agences immobilières m’apporte beaucoup de satisfaction ».
La crise de l’immobilier a-t-elle fragilisé les finances de votre groupe d’agences indépendantes ?
Dorian Lemaître : « Je ne saurais cacher que les deux dernières années nous ont mis au défi. Chez Logis Conseil, nous avons dû faire face à la chute du marché immobilier et donc à celle de nos recettes alors même que nos charges ont augmenté du fait de notre croissance externe ; nous avons repris deux nouvelles agences en 2023. Heureusement, notre structure a su résister aux secousses grâce à la bonne gestion financière mise en place.
Quand tout allait bien il y a quelques années, nous avons fait le choix de constituer une trésorerie solide pour notre groupe, au lieu de nous récompenser sur le court terme avec des salaires plus élevés. C’est un choix dont je suis particulièrement heureux, puisqu’il nous permet de durer et même, d’être aujourd’hui dans une période de croissance !
Notre réseau a en effet la chance de grandir grâce à de formidables collaborateurs qui ont la volonté de progresser avec notre groupe et de le faire grandir. Je pense notamment à Aymeric Jeusse, directeur commercial depuis 20 ans sur le secteur, et à Léo Philippe, qui a débuté alternant et est aujourd’hui directeur d’agence et associé. Ensemble, ils travaillent actuellement à la reprise de nouvelles agences Logis Conseil et même, à la création d’un réseau de mandataires sous notre enseigne ! ».
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Quelle est la stratégie qui vous permet de vous démarquer sur votre secteur ?
Dorian Lemaître : « Notre recette réside dans la régularité et la continuité de nos actions de prospection et de communication, sur le terrain comme sur les réseaux sociaux (nous sommes par exemple très actifs sur notre page Instagram). Depuis des années, nous semons des graines pour nous faire connaître sur notre territoire d’ancrage. Notre approche est résolument locale. Nous organisons par exemple des actions communes avec les commerces et les associations proches de chez nous, nous distribuons des goodies lors des fêtes d’écoles, nous sponsorisons des clubs sportifs locaux… Un jour on m’a même dit : « Vous pourriez être le maire de la ville ». Cette remarque m’a touchée en ce qu’elle témoigne selon moi de la belle image de marque et du capital confiance dont nous bénéficions sur notre périmètre.
Evidemment, cette belle visibilité est un travail d’équipe quotidien ! Nos collaborateurs sont les premiers ambassadeurs de notre marque et ils effectuent un travail méthodique et appliqué de relationnel et de suivi remarquable, toujours avec empathie. C’est, selon moi, la recette de notre réussite ».