S’il est vrai que deux banques ont communiqué sur des grilles de taux à 30 ans, il convient de relativiser ces effets d’annonces et de repositionner les choses dans le contexte actuel. D’autant que parallèlement, les nouveaux défenseurs des consommateurs ressortent, avec la hausse des taux de ces derniers mois, l’argument du « trop cher » déjà entendu à maintes reprises par le passé.
Et tout cela en écho avec une décision toute récente du Haut Conseil à la Stabilité Financière (HCSF) qui a décidé d’assouplir la durée maximum des prêts pour l’achat d’un logement où les besoins de rénovation représenteraient au moins 10 % d montant total de l’opération.
Le HCSF en incohérence avec les dispositifs d’aide à l’accession
Ce qui est incroyable avec les décisions du HCSF de limiter à 25 ans la durée de remboursement, c’est que les dispositifs d’aides à l’accession (Prêt conventionné, Prêt à Taux Zéro, Prêt Accession Sociale) prévoient tous une durée d’amortissement jusqu’à 30 ans. Ce même organe a décrété, le 4 décembre 2023, assouplir légèrement sa position en permettant aux banques d’octroyer des prêts sur 27 ans, dès lors qu’il y aura un montant de travaux représentant au moins 10 % du montant total du projet, et ce sans que cette situation oblige les banques à utiliser leurs marges de dérogation sur les règles fondamentales. Un signal pour les jeunes ménages ou les ménages modestes.
30 ans n’est pas une durée nouvelle, ni exceptionnelle
Si on fait référence à un passé proche, la durée trentenaire faisait totalement partie de la gamme de solutions de financement. Certes, ce n’est pas une coutume en France, surtout parce que les taux sont essentiellement fixes et que les banques prennent un risque important, mais en fonction des cycles de réaménagement du territoire, le 30 ans a été souvent utilisé comme instrument d’aide à l’achat immobilier.
D’autant que la duration des prêts demeure très stable
La duration est la durée réelle de détention du crédit par l’emprunteur. En France, sur les logements destinés aux résidences principales, la moyenne se situe entre 7 et 9 ans. En prenant en considération cette donnée de duration, la différence entre un prêt initialement contracté sur 25 ans et un autre sur 30 ans se retrouve dans deux éléments :
– Le différentiel de taux d’intérêt : il est réel à ce jour car on sort d’une période très tendue sur les marchés, mais il n’y avait que quelques points de base entre 25 et 30 ans avant le conflit russo-ukrainien.
– Le capital restant dû lors du remboursement anticipé. Sur 30 ans on amortit plus doucement le capital emprunté.
Un exemple :
Pour un prêt de 100 000 € contracté au même taux de 4,25 % (hors assurance) sur 25 ans, au bout de 8 ans, le capital restant dû sera de 78 334,74 €, auquel il faudra ajouter les indemnités de remboursement anticipé (1 825,50 €). Pour un même prêt contracté toujours au taux de 4,25 % hors assurance mais sur 30 ans cette fois, au bout de 8 ans, le capital restant dû sera de 84 086,62 € (+ IRA de 1 905,02 €) La différence n’est pas négligeable mais elle ne fera pas non plus basculer la décision de renoncer au projet d’un candidat à l’accession. Et plus les taux vont rebaisser plus la différence sera réduite.
Un encadrement très protecteur des crédits
L’argument de la Banque de France pour avoir pesé si fort dans la décision du HCSF de plafonner à 25 ans la durée d’amortissement portait sur le risque d’endettement des ménages. Or les taux des crédits sont fixes pour leur quasi totalité — du moins en financement de résidence principale —. L’allongement de la durée n’emporte donc aucun risque direct sur la capacité de remboursement. La seule donnée plus délicate à maîtriser est l’allongement de la période où l’emprunteur doit rembourser. Or, on a déjà évoqué la stabilité avérée de la durée réelle de détention du crédit.
Et encore cette moyenne valant pour tous les territoires et toutes les catégories d’emprunteurs.
Quelle alternative aux prêts longs ?
Aux détracteurs des durées longues d’endettement, s’oppose forcément la marge de manœuvre dont dispose le candidat à l’accession. Les leviers sont limités. D’abord, le montant : il dépend des conditions du marché, de la quantité d’apport personnel et de l’endettement maximum possible pour l’emprunteur. Ensuite, le taux d’intérêt : il s’agit là encore de conditions de marché sur lequel le candidat au prêt n’a pas grande prise. La durée, enfin. A défaut d’avoir un pouvoir sur ces composantes, le projet ne pourra pas se réaliser et il faudra trouver une alternative à l’achat.
Astuces pour réduire les risques
Comme on l’a dit, le taux d’endettement maximum préserve, a priori, la capacité de remboursement de l’emprunteur. Son calcul à l’origine du crédit engage toutefois le banquier à vérifier que la situation ne se dégrade pas de façon prévisible. On peut aussi imaginer que la situation économique et financière de l’emprunteur s’améliore, ce qui donnera une capacité d’épargne supplémentaire au fil du remboursement du prêt.
Dans ces conditions, l’emprunteur peut consommer cette épargne en demandant à procéder à des remboursements anticipés partiels. Il y a un coût (les IRA) mais celui-ci est calculé sur le capital remboursé, pas sur le capital restant dû. Si l’épargne est plus conséquente, l’emprunteur peut même envisager de renégocier les conditions de son emprunt pour en réduire la durée finale. Enfin, il peut solliciter, dès la souscription du crédit, une clause de modulation qui lui permettra d’accélérer le remboursement du prêt, en augmentant les échéances de remboursement afin de coller à l’évolution de sa situation financière améliorée. Cela permettra de réduire là aussi la durée d’amortissement. C’est une disposition actionnable facilement, non facturée la plupart du temps.