On aura longtemps attendu le titulaire du portefeuille du logement au Gouvernement. L’attendait-on pour mettre en œuvre la feuille de route définie par Gabriel Attal dans son discours de politique générale ? Franchement non, tant ces engagements sonnent creux. On l’attend pour exister et faire que le pays trouve comment répondre aux besoins en logements des Français.
Guillaume Kasbarian a face à lui un Everest : jamais les indicateurs de santé du logement n’ont été aussi généralement dégradés, avec une accession à la propriété en berne et un taux de propriétaires occupants en recul, une division par deux des investissements locatifs, dans le neuf comme dans l’existant, un marché des locations privées trombosé, des files d’attente en HLM interminables, et une production de nouveaux logements à l’étiage historique. La transition écologique du parc existant, quant à elle, se fait trop lentement.
Des remèdes homéopathiques pour un mal d’une exceptionnelle gravité
Peut-on dire que le programme annoncé par le chef du Gouvernement soit à la mesure du défi ? Certainement pas. Il commence par affirmer la volonté de « déverrouiller le logement », avant de diagnostiquer un problème à la fois d’insuffisance d’offres et d’affaiblissement économique de la demande. Gabriel Attal a aussi eu soin de rappeler que le logement relevait du projet de vie et que le détenir sécurisait la période de la retraite. La suite n’apporte que des remèdes homéopathiques à un mal d’une exceptionnelle gravité.
En particulier, aucun choc d’offre ne sera provoqué par les mesures détaillées. La plus concrète, l’identification de 20 territoires engagés où les procédures seront accélérées pour construire plus vite, sur le modèle des sites olympiques, mènera à 30 000 logements dans trois ans, alors qu’il est nécessaire de construire plus de 150 000 unités annuelles supplémentaires par rapport à la production actuelle. La transformation de bureaux en logements, favorisée par une proposition de loi en cours de vote, sera du même ordre. Quant à la simplification, des normes sans doute, des contraintes administratives nécessairement, elle produira des effets à moyen terme.
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Pour le logement social, le maintien de la rémunération du livret A a montré qu’il ne suffisait pas. En 2023, au moins 35 000 logements ont manqué pour atteindre les objectifs définis par l’État lui-même. Le prêt complémentaire de très long terme de 2 milliards d’euros par la Banque des territoires, ajouté par Gabriel Attal à la panoplie, n’est pas rien, mais sa fonction — à savoir permettre l’achat de terrains malgré leur prix élevé — est perverse : il va favoriser l’inflation foncière. Enfin, l’intégration des logements intermédiaires dans le quota de HLM de la loi SRU, n’entraînera pas de production. Elle ne fera que modifier la définition des logements entrant dans le décompte officiel, en allégeant la conscience des maires réticents à autoriser la construction de logements sociaux.
Ailleurs dans son discours fondateur, le Premier ministre parle de « déverrouiller les syndics ». Abaisser les barrières à l’entrée avec la conviction de faire baisser le montant des honoraires revient à paupériser la profession aux premières loges de l’effort de mutation environnementale des immeubles. L’idée est dangereuse. La resolvabilisation de la demande ne trou-
vera pas sa source dans la réduction du prix des services, et en revanche la sécurité du consommateur en sera menacée.
Là non plus, on n’a pas le sentiment du réalisme. Il va falloir soutenir la demande sans état d’âme, avec des leviers puissants, tels un PTZ.
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Agir dans l’urgence et traiter les problèmes de fond
Il appartient à Guillaume Kasbarian d’écrire une politique du logement à part entière, loin de l’impressionnisme qui prévaut aujourd’hui. Au demeurant, le Parlement y cède aussi. Lutter contre les excès des locations meublées touristiques de courte durée ne tient pas lieu de relance de l’investissement locatif, comme vouloir une garantie universelle des loyers ne déclenchera pas d’élan d’investissement.
Le ministre du Logement va devoir accomplir deux grandes missions : agir dans l’urgence avec une justesse chirurgicale, et traiter les problèmes de fond, comme la cherté des logements, l’absence d’aménagement du territoire équilibré ou encore la complexité paralysante. Une gageure. La complicité de la filière du logement dans son ensemble lui sera précieuse et à cet égard il lui restera à apprivoiser la partie la plus sociale. Son initiative parlementaire contre le squatt et les impayés de loyer, avant son atténuation par le Sénat, a été perçue comme excessivement dure, tandis qu’elle a reçu les suffrages des représentants de propriétaires et des mandataires. La modification de la loi SRU constituera à cet égard une épreuve politique délicate pour le nouveau titulaire du portefeuille du logement.
Quoi qu’il en soit, il faudra que dans l’adversité, les forces vives du secteur soient solidaires pour éclairer Guillaume Kasbarian, et ne tirent pas à hue et à dia.