En premier lieu, posons les règles de principe pour clairement appréhender les distinctions entre le contrat de nourrice, la délégation et leurs conséquences.
Qui est le propriétaire des mandats
Partant du principe que l’on ne peut vendre que ce dont on est propriétaire, il convient d’identifier le propriétaire juridique des mandats. Il n’y a pas à ma connaissance de jurisprudence spécifique sur le sujet mais une approche à la fois opérationnelle, juridique et pragmatique permet d’aboutir à la réponse. Pour déterminer qui est le titulaire d’un mandat ou d’un portefeuille, il convient de se poser une question : qui l’a enregistré ?
En effet, l’agent immobilier, l’administrateur de biens et le syndic ont l’obligation d’enregistrer, dans un ordre chronologique, sur un registre spécial dit le registre des mandats, les mandats qui leur sont consentis et de reporter le numéro d’enregistrement sur lesdits mandats. Le professionnel de l’immobilier qui est désigné comme mandataire au mandat et qui l’a enregistré sur son registre en est le titulaire et peut les transférer à titre onéreux à un tiers sous certaines réserves (cf ci-après).
L’occasion de rappeler le nombre de registres des mandats qu’un professionnel doit tenir. S’il a des activités de vente, gestion locative et syndic il doit avoir deux registres des mandats et ce quel que soit le nombre de ses établissements secondaires : un registre pour les activités de la mention « Transactions sur immeubles et fonds de commerce » (1) et un registre des mandats pour les activités de gestion immobilière et de syndic (2).
Contrat de nourrice ou délégation
Ceci étant posé, quid du contrat de nourrice et de la délégation ? Il s’agit de contrats voisins mais distincts. Le contrat de nourrice n’a pas de définition juridique car c’est une création de la pratique. Opérationnellement, il a été créé pour répondre, notamment, à la problématique de seuils (100 ou 200 lots) et de rentabilité évoquée dans l’article la « croissance externe en gestion locative » publié dans ce numéro. Schématiquement, il s’agit d’un partenariat entre deux agences dont l’une gère l’activité de gestion locative (la nourrice) et l’autre l’activité de vente et de location (l’agence partenaire). Les contrats peuvent prévoir des conditions de reprise de la gestion locative par l’agence partenaire sous certaines conditions. Les conditions varient selon les contrats. Dans ce modèle d’organisation, c’est la nourrice qui apparait sur le mandat de gestion locative comme le mandataire et qui enregistre ledit mandat sur son registre. Juridiquement c’est donc la nourrice qui est propriétaire des
mandats de gestion.
La délégation est un autre modèle dans lequel l’agence partenaire du précédent schéma est titulaire du mandat de gestion et sous-traite à une autre agence tout ou partie de sa mission par exemple la gestion administrative, comptable, juridique. Ainsi l’agence partenaire est titulaire du mandat de gestion, l’inscrit sur son registre mais la mission est réalisée, en tout ou partie, dans le cadre de la sous-traitance par une agence tierce.
Dans ce cas, en cas de cession de portefeuille, l’agence dite partenaire est propriétaire des mandats et peut les céder (sous réserve de certaines conditions). Dans cette organisation, les modalités de résiliation de la délégation devront avoir été négociées lors de la conclusion du contrat. A noter que cette organisation, implique notamment deux postulats au regard de la réglementation Hoguet :
1- Que l’agence partenaire, titulaire du mandat de gestion, ait l’option « Gestion immobilière » sur sa carte professionnelle
2- Que le mandat de gestion stipule la faculté expresse de déléguer les encaissements et la mission.
Que vendre ?
En matière de cession de fonds de commerce, de portefeuille ou de branche autonome d’activité (c’est-à-dire hors les cas de cession de parts ou d’actions), la cession de contrat est soumise à l’autorisation du co contractant. Cette autorisation peut être donnée par avance (1216 du Code civil). Si vous avez un contrat de nourrice vous pouvez alors, sous réserve de l’accord de votre co-contractant, céder le bénéfice dudit contrat à un tiers afin de lui permettre le cas échéant de bénéficier d’une faculté de reprise. Attention, si vous n’avez pas de mandat de gestion à « votre nom », ni de carte Gestion vous ne pouvez pas vendre une activité d’administrateur de biens.
Si vous êtes titulaires de mandats de gestion que vous déléguez, vous pouvez en respectant les conditions de résiliation de la délégation, y mettre fin pour exercer vous-même l’ensemble des missions du mandat de gestion ou présenter un successeur.
Enfin, dans tous les cas de changement de mandataire d’un mandat de gestion, les modalités de transfert de mandats sont des clauses qui peuvent, selon les cas, être négociées. Elles sont déterminantes du prix de vente au même titre que les coefficients de valorisation de la clientèle. Enfin, les clauses de transfert de mandats, quand elles sont stipulées ne solutionnent pas toujours toutes les obligations réglementaires Loi Hoguet. Cependant des solutions existent, simplifiant les pratiques opérationnelles et favorisant un prix de cession plus élevé. Pour plus de détail consulter l’article « Cession, fusion et transfert des mandats ».
La cession des d’activités réglementées par la loi Hoguet est une opération spécifique. Que vous soyez vendeur ou acquéreur, en vous rapprochant d’un professionnel connaissant ce type d’opérations, il saura vous conseiller dans le cadre des négociations, vous informer des usages et vous assister dans le cadre de la rédaction des actes.
À lire aussi : « Vendre un portefeuille de gestion », Caroline Dubuis-Talayrach, avocat.
1) Article 72 du décret dit Hoguet du 20 juillet 1972.
2) Article 65 du décret dit Hoguet du 20 juillet 1972.