En 2023, le nombre de mises en chantier a chuté de 22 % pour atterrir à 286 000 unités, s’approchant des plus bas niveaux historiques de 1992 (275 000). Quel regard portez-vous sur cette crise du marché du logement neuf, qui représente environ 27 % de l’activité du bâtiment ?
Du fait de l’effondrement du nombre de mises en chantier, mais aussi du nombre de permis de construire – divisé par deux en deux ans ! – le marché du logement neuf vit une crise grave. En 2023, la production de logements neufs a baissé de 8 %. Cette récession a de lourdes conséquences économiques, sociétales… La FFB dénombre environ 3 000 postes perdus en un an, sans compter les défaillances d’entreprises. Et la situation devrait continuer de se dégrader en 2024 : on anticipe un recul de 16 % des mises en chantier et de 12 % du nombre de permis, ce qui correspondra à une chute d’activité de 21 % en volume. Le chiffre d’affaires du bâtiment devrait ainsi reculer de 5,5 %. Cette baisse entraînera l’emploi dans son sillage avec la destruction, dès 2024, d’environ 90 000 postes.
Pour enrayer cette crise, la FFB a co-créé l’Alliance pour le Logement, aux côtés des professionnels de l’immobilier, dont ceux de la FNAIM et de l’UNIS. Quelle était votre ambition ?
Il y a trois ans, nous avons commencé à collaborer avec plusieurs partenaires à l’occasion des États Généraux de la Construction, qui marquaient le début de 9 mois de travaux et de réflexion sur le bâtiment du futur. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés ! Entre temps, la crise du logement neuf a pris de l’ampleur et nous avons décidé de parler d’une seule voix, via l’Alliance pour le Logement. Nous pensions que cette collaboration allait faire réagir le gouvernement. Il n’en est rien, certains de nos dirigeants n’ayant aucune appétence pour le logement et pour son utilité. Lorsqu’il a fallu faire adopter le budget 2024 par l’Assemblée nationale, les débats relatifs aux mesures que nous avions proposées ont tous été balayés par la succession de 49.3, décidée par l’exécutif !
Quelles mesures la FFB soutient-elle pour relancer le marché du neuf ?
Pour limiter la casse, il est nécessaire de redéployer le PTZ neuf à 40 % sur tout le territoire et de revaloriser ses barèmes, qui datent de 2016. Nous demandons également le retour au Pinel de 2022 dans l’attente de la mise en place du statut de bailleur privé, avant que le marché locatif ne se trouve entièrement sclérosé. Enfin, puisque le recours à un accompagnateur est obligatoire pour les particuliers souhaitant mener des rénovations énergétiques d’ampleur, nous aimerions que les entreprises du bâtiment dûment qualifiées puissent devenir « Mon Accompagnateur Renov ». Car en l’état, leur nombre est insuffisant (300, contre 2 500 initialement prévues) et leur répartition est hétérogène en France. Des idées, on en a plein les cartons. Maintenant, il faut prendre des décisions !
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Le gouvernement souhaite « décentraliser » la politique du logement afin que les élus puissent décider de la politique qu’ils jugent la plus adaptée à leur territoire. Que pensez-vous de ce projet ?
Nous l’avons rappelé via l’Alliance : nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un vague projet de décentralisation, qui revient à masquer l’absence de politique en matière de logement. Aujourd’hui, cette proposition de décentraliser relève plutôt d’une incantation. Donner le pouvoir aux élus, oui. Mais comment ? De quelle manière financer cette
décentralisation ? Quel organe de contrôle pour éviter que certaines régions soient privilégiées par rapport à d’autres ? Là aussi, nous avons besoin de savoir précisément où placer le curseur. Nous sommes encore et toujours dans le flou. Il est urgent que le gouvernement précise rapidement ses lignes directrices pour donner de la lisibilité aux élus comme aux professionnels et enfin porter une vision globale du logement.
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La sortie de crise passera-t-elle également par une meilleure collaboration entre les professionnels du bâtiment que vous représentez et les agents immobiliers de terrain ?
Oui, car même si nous nous connaissons bien et que nous collaborons déjà ensemble, nous pourrions améliorer nos synergies. Et ce serait d’autant plus pertinent en période de crise ! Ce serait par exemple intéressant de croiser davantage nos données. Via le réseau des CERC, nous produisons des observatoires régionaux qui constituent des aides à la décision pour les acteurs locaux. Il serait intéressant de corréler les résultats de ces sondages avec ceux que mènent les professionnels de l’immobilier sur les aspirations des Français en matière de logements neufs, les zones où le marché est le plus tendu, les territoires à réindustrialiser d’urgence… Cette approche nous permettrait de faire davantage de prospective sur le sujet du logement.
Le CV d’Olivier Salleron
Après avoir été diplômé de l’IUT Bordeaux 1 puis de l’Ecole supérieure d’informatique et de gestion, Olivier Salleron débute sa carrière professionnelle en tant que professeur d’informatique. En 1993, il monte une entreprise de chauffage, de climatisation et de plomberie en Dordogne. Président de la FFB Nouvelle Aquitaine à partir de 2017, il devient vice-président de la Fédération en juin de la même année. Il est finalement élu président de la FFB en 2020, en remplacement de Jacques Chanut.
La FFB, en quelques chiffres
- 1ère organisation patronale dans le bâtiment ;
- 50 000 entreprises adhérentes (qui emploient 70 % des salariés du secteur) ;
- 166 milliards d’euros HT de chiffre d’affaires en 2022