9 pistes pour relancer la machine immobilière à coût zéro

Ayant pour vocation de soutenir et donner de la voix à l’industrie immobilière, le Club des Penseurs AVIV-SeLoger a fait sa rentrée fin janvier avec un débat sur le thème “Comment relancer à coût zéro la machine du logement?”. Un sujet stimulant insufflé par David Lacroix, président de Maisons Berval et président du Pôle Habitat FFB d’Ile-de-France.

Ce qu’on nous rappelle souvent : Le logement est une ligne de coût proche des 36 milliards en 2024

Certes, le logement a aujourd’hui un coût, avec l’addition des aides à l’accession à la propriété, à l’investissement locatif et à la rénovation, pour un montant de 41,5 milliards en 2022, et plus proche de 36 milliards dans la loi de finances initiale pour 2024, ce qui classe encore le budget du logement en 4ème position dans la hiérarchie des postes budgétaires de la nation. On notera que le budget du logement n’a cessé de baisser depuis 2017, contribuant chaque année un peu plus à la réduction des dépenses publiques.

Ce qu’on oublie de souligner : Le logement c’est aussi un poids lourds des recettes fiscales

Dans le même temps, le logement a apporté toujours plus de recettes fiscales à l’État, avec 96,7 millards de recettes en 2022.

Jusqu’à présent, les acteurs de la filière ont attendu que soient prises des dispositions ayant un coût, mais d’un rapport incontestable, telles que l’extension du PTZ ou encore la mise en place d’un statut fiscal équitable et stable de l’investisseur privé dans le neuf et l’existant rénové.

Les acteurs ont aussi souvent plaidé pour des solutions de simplification et d’allègement règlementaires, ainsi que pour la sécurisation des gestes. Ainsi pour MaPrimeRenov, la FFB plaide pour l’abandon de la condition impérative de changement de vecteur énergétique, au profit d’une approche par le gain de performance, ou encore pour que le recours aux entreprises qualifiées Mon Accompagnateur Rénov soit systématique pour les rénovations d’ampleur.

S’agissant des autorisations d’urbanisme, la filière prône que des commissions de médiation examinent les permis de construire rejetés alors qu’ils sont conformes au PLU, ainsi que l’accélération du traitement des contentieux.

1.Adopter une définition intelligente du coût zéro 

Les acteurs de la filière s’accommodent mal de la vision étroitement comptable des dépenses publiques en faveur du logement et attendent à cet égard une évolution, urgente en outre, lorsque la santé des entreprises et la satisfaction des besoins en logements sont en jeu. Une vision d’économiste, considérant que l’effort public tient lieu d’investissement, doit s’imposer, avec la logique du ROI (return on investment) et du rapport estimé de l’euro investi.

2.Accorder un crédit politique majoré à la filière reconnue comme une authentique        industrie

Les Penseurs balaient devant leurs portes… Ils considèrent que la dispersion des voix affaiblit l’impact de la filière, notamment pour obtenir des aides. Une simplification du paysage syndical est vivement souhaitée. Comme il est attendu une évolution des messages et des discours des organisations professionnelles, ou des enseignes les plus écoutées: les positions trop corporatistes, ou ne mettant pas suffisamment au cœur des préoccupations la dimension sociétale et environnementale, ne seront désormais plus audibles. Les Penseurs considèrent qu’au prix de cette approche qui témoigne d’une plus grand attachement à l’intérêt général, la filière devrait être vue comme une authentique industrie et non comme simplement représentative de services. Son impact sur l’emploi et la création de valeur ajoutée est indiscutable, et il n’est pas aujourd’hui perçu par les décideurs.

3.Proposer une maîtrise du coût du foncier et des actions visant à faciliter l’acte de construire

Plusieurs actions sont préconisées:

  • Alléger les normes de production et ménager une pause normative, en s’arrêtant à la RE2020. La norme pour l’accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR), qui a déjà été allégée, pourrait encore faire l’objet d’une rationalisation supplémentaire. L’élan de simplification, que le Premier ministre vient de placer en tête de l’action pour le logement, ne doit pas être freiné par le corporatisme; l’ensemble des acteurs du bâtiment, de la construction et de la rénovation doit jouer le jeu.
  • Engager une didactique de l’opinion sur la densification et la surélévation, qui concerne les immeubles collectifs mais aussi la maison individuelle, avec des concepts de maisons à étage ou de maisons mitoyennes
  • Conduire les promoteurs et les constructeurs de maisons individuelles à se diversifier vers la transformation du bâti existant, par l’extension, la surélévation, la rénovation, l’adaptation au vieillissement des occupants, la modernisation de l’architecture
  • Encourager la densification des terrains déjà artificialisés, par exemple par la construction dans le jardin (build in my backyard) pour les propriétaires de maisons bâties sur des emprises de grande superficies dans les décennies antérieures.
  • Revoir la fiscalité de la cession des terrains constructibles, en prenant en compte la valorisation due aux aménagements, à l’urbanisation et aux équipements publics: il serait équitable que la plus-value soit calculée et taxée par rapport à l’origine de la valorisation et de l’enrichissement du propriétaire vendeur du terrain. Cette disposition permettrait aussi de tempérer le prix des terrains à destination de la construction.
  • Transformer en logements les bureaux vacants, obsolètes, ou devenus inutiles du fait de la baisse des besoins liée au télétravail. À cet égard, la proposition de loi à l’examen du parlement visant à faciliter la transformation de bureaux en logements constituera lorsqu’elle aura été votée et promulguée un outil précieux. Entre autres dispositions, elle crée un permis de construire réversible, avec des destinations successives, elle flèche les immeubles concernés vers les CROUS en vue de résidences pour les étudiants, elle permet la perception par les communes de la taxe d’équipement même sans augmentation de surface, elle exonère le changement d’affectation en copropriété du vote par l’assemblée générale.
  • Procéder à une évaluation fiable des logements vacants mobilisables et travailler à leur remise sur le marché, par des dispositifs fiscaux adaptés -notamment le Denormandie-, et des aides spécifiques des collectivités locales concernées et d’Action Logement. Cette action peut se doubler du conventionnement des logements pour abonder l’offre locative à loyer accessible ou à loyer social.

 4.Rendre les règles et les procédures plus digestes et efficaces

  • Instituer une obligation de médiation par le préfet de région pour les permis de construire refusés malgré leur conformité au plan local d’urbanisme
  • Accélérer le traitement des contentieux d’urbanisme
  • Réaliser des études d’impact systématique des chartes locales imposées par les maires aux promoteurs
  • Accélérer la dématérialisation des dépôts et des instructions de demande de permis de construire instaurée par la loi ELAN
  • Rallonger de 2 ans la validité des permis de construire
  • Autoriser le changement de destination d’une opération dont l’autorisation de construire est en cours de validité

5.Agir pour faire baisser le coût du logement

  • Déployer la formule du découplage du foncier et du bâti dans les opérations de promotion et de construction pour les accédants à la propriété, en multipliant les programmes en bail réel solidaire (BRS) et en étendant cette solution aux logements intermédiaires voire aux logements libres. On créerait ainsi un bail réel libre (BRL), comme le préconisait le rapport du député Lagleize en 2019.
  • Promouvoir les solutions innovantes d’accession, telles que Neoproprio, formule fondée sur le bail emphytéotique et le principe de la propriété temporaire, l’accédant acquérant la moitié du prix du bien à l’entrée du contrat puis versant 1% du prix par an, avec possibilité de sortie permanente et de rachat par la société foncière cocontractante,l’éventuelle plus-value constatée étant partagée.

6.Impliquer l’entreprise directement dans le logement des salariés

Sans qu’il s’agisse de modifier l’obligation de participation des entreprises à l’effort de construction par le versement de la contribution obligatoire concernant les sociétés de 50 salariés et plus, les Penseurs estiment urgent de permettre aux employeurs, y compris les  plus petites structure, de mettre à disposition des logements de façon directe. La fiscalité applicable à ces opérations de production et de d’acquisition devrait leur être favorable pour les inciter à cette action. Nombre d’entre elles, dans des secteurs en tension pour lesquels fournir le logement constitue un atout déterminant, y sont prêtes. Le député Dominique Da Silva avait d’ailleurs signé en 2023 une proposition de loi allant dans ce sens.

7.Assouplir les règles fiscales

Permettre le droit à l’expérimentation et l’adaptation locale des dispositifs fiscaux, comme avec le Pinel breton, lorsque les élus démontrent qu’une situation particulière et des besoins exceptionnels en logements l’exigent.

Cette évolution devrait être permise par la future loi sur la territorialisation des politiques du logement.

8.Libérer les énergies

  • Objectiver les décisions d’encadrement des loyers: à ce jour, ce sont les maires qui en considération de la situation de marché de leur commune peuvent demander au gouvernement le droit d’encadrer les loyers d’habitation. La future loi de décentralisation de la politique du logement leur permettra de se dispenser de l’aval de l’État. Il faudra alors une procédure incontestable pour démontrer le besoin et qu’y soient associés les professionnels locaux de la location et de la gestion.
  • Abaisser les barrières à l’entrée des locations privées, par exemple en généralisant les garanties contre les impayés pour rassurer les bailleurs.

9.Adapter les modalités de crédit immobilier

Les Penseurs considèrent que le Haut conseil de stabilité financière est déconnecté de la réalité économique des ménages et que les critères qu’il édicte ferment excessivement l’accès au logement, à l’accession comme à l’investissement. Plusieurs voies pour que l’intervention de cette autorité prudentielle n’empêtre pas le marché:

  • Suspendre les critères du HCSF pendant une année et évaluer la situation
  • Faire entrer au conseil d’administration de l’instance un député et un sénateur, pour un contrôle par le parlement de la pertinence de l’élaboration des règles
  • Assujettir l’instance à un rapport annuel relatif aux résultats de son action en matière de réduction des risques et de production sécurisée des crédits. À cet égard, une proposition de loi doit être prochainement déposée par le député Lionel Causse, président du Conseil national de l’habitat.

Les Penseurs déplorent en outre le retard pris par le gouvernement pour mettre en place, comme il s’y est engagé, une commission chargée d’examiner les dossiers de crédit ayant fait l’objet d’un refus de prêt et d’analyser le bien-fondé de la décision de l’établissement prêteur. Ils suggèrent aussi que des formules nouvelles ou déjà utilisées par le passé viennent compléter l’offre des banques:

  • La portabilité des prêts d’un propriétaire accédant à un autre pour le même bien à la faveur d’une cession
  • Le prêt in fine, qui dissocie le paiement des intérêts de l’amortissement du capital, en particulier pour alléger les mensualités en première période de remboursement. Cette formule pourrait être couplée avec le rétablissement de la déductibilité fiscale plafonnée des intérêts d’emprunt.

 

Le Club des Penseurs a démontré lors de cette séance de débat sa capacité à travailler de façon réaliste, préférant l’allègement des contraintes à tous les niveaux aux aides consommatrices de budget: le discours de politique générale du Premier ministre, prononcé une semaine après, s’est fondé sur le besoin de lever les freins pour relancer le logement. Les propositions du Club éclaireront la mise en œuvre de cette politique frugale.

 

Club des penseurs à l’initiative de Franck Le Tendre (AVIV-SeLoger) sous le parrainage d’Henry Buzy Cazaux (IMSI). Débat inspiré par David Lacroix (Maison Berval, FFB Ile de France) en présence également des penseurs Caroline Arnould (CAFPI),  Bernard Cadeau (Ex Orpi),  Henri de Lacoste (MDH),  Olivier Descamps (IAD),  Danielle Dubrac (UNIS),  Alexandra François Cuxac (AFC construction),   Arnaud Hacquart (Imo Direct),  Thomas Lefebvre (AVIV),  Xavier Lépine (IEF),  Juliette Mel (M2J Avocats),  Mickaël Nogal (Convergences), Laurent Permasse (Sofiap),  Lydie Rodriguez (Elyade),  Cécile Roquelaure (Empruntis),  Jean-Claude Szaléniec (HARES Conseil). Avec la participation également de Sébastien Kuperfis (Junot). Sous la coordination d’Isabelle Wanclik (AVIV-SeLoger).

 

 

 

 

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