En immobilier et d’une manière générale, la qualification d’apporteur d’affaires désigne une situation de fait dans laquelle une rémunération est versée à une personne extérieure à l’Agence, en récompense d’un renseignement lequel porte principalement sur la possibilité de conclure une affaire.
En la matière, le risque juridique concerne principalement la requalification des sommes versées en salaire. Sur ce sujet, plusieurs situations doivent être distinguées :
A– L’indicateur fournit un renseignement de manière spontanée, occasionnelle, épisodique et avec la plus grande liberté :
La Cour de cassation rejeta au mois de mars 1990 (3) le pourvoi formé par l’Urssaf réclamant la requalification des sommes versées en salaire et le versement des cotisations sociales correspondantes.
La Cour considérait qu’une personne qui apportait son concours de manière spontanée et ponctuelle, en toute autonomie, sans directive ni contrôle, n’intervenait pas à titre professionnel. Les commissions versées à cette occasion ne constituaient pas la rémunération d’un travail salarié, mais récompensaient un service rendu (4).
Par cet arrêt, la Cour excluait le conflit d’affiliation et jugeait que le versement d’une rétribution à un indicateur extérieur à l’Agence n’était pas un indice suffisant pour conclure à l’existence d’une relation d’employeur à salarié.
Cette position fût de nouveau retenue en décembre 1990 (5) , puis en septembre 1991 (6) .
De jurisprudence constante désormais, le versement d’une rémunération est, à lui seul, un indice insuffisant pour conclure à l’existence d’une relation d’employeur à salarié.
En revanche, l’intervention de l’indicateur doit rester très « occasionnelle », faite avec la « plus grande liberté » et la rémunération versée doit être d’un montant « modique et raisonnable ». Seul l’inspecteur de l’Urssaf, au vu de tous ces éléments, sera à même de juger, si les versements peuvent être exemptés de l’assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale (7).
- L’indicateur intervient « très occasionnellement » :
Le caractère répétitif et habituel du service rendu par un même indicateur doit être proscrit.
Selon la jurisprudence de la Cour, l’intermédiation devient un exercice habituel (et non plus « très occasionnel ») dès la deuxième opération (8) réalisée à quelques mois d’intervalle. Aucun texte ne définit précisément le caractère « très occasionnel » de l’intervention. La prudence reste de mise et chaque situation doit être examinée dans son individualité (9).
- L’indicateur fournit spontanément une information avec la plus grande liberté :
L’indicateur, souvent inconnu de l’Agence, ne doit être chargé d’aucune diligence, ni ne doit recevoir aucune consigne. Pour que cette intervention reste tout à fait occasionnelle, spontanée et libre, il est déconseillé de signer des contrats d’apporteur d’affaires. L’écrit (10) reste toutefois de rigueur au titre de la traçabilité comptable des sommes versées par l’Agence.
- L’indicateur perçoit une rémunération « modique », « variable » et « raisonnable » récompensant un service rendu :
Il n’existe aucun montant maximum de gratification dont le dépassement aurait pour conséquence l’assujettissement des sommes versées aux cotisations et contributions de sécurité sociale. En revanche, l’idée générale est celle de la « modicité » de la somme (11). Ni le code du travail, ni celui de la sécurité sociale, ne définissent précisément le terme de « modicité », ni ne fixent de maximum toléré (12).
Les Syndicats préconisent de ne pas dépasser 15 à 20% des honoraires encaissés par l’Agence. Ce montant s’apprécie également en fonction de l’affaire immobilière apportée, il est donc variable à tout point de vue (13). Enfin, ce versement doit – en principe – être aléatoire et conditionné à la réalisation de l’affaire (14) .
B – L’indicateur fournit une information dans un lien de subordination :
Si la Cour de cassation estime que le versement d’une rémunération est un indice insuffisant à lui seul pour caractériser l’existence d’une relation d’employeur à salarié, elle a jugé en revanche que des sommes suffisamment importantes ayant un caractère de régularité et de fixité, rémunérant une activité profitable au débiteur de la somme et accomplie à sa demande, sous son contrôle ou sa direction, constituent des éléments de salaire (15).
C’est notamment le cas lorsque l’Agence qui verse la rémunération exerce sur l’indicateur un pouvoir de direction, de sanction et de contrôle, ou tout du moins, définit de manière unilatérale des conditions d’intervention dans le cadre d’un service organisé. Ces éléments constituent des indices probants du lien de subordination (16).
C- L’indicateur exerce une véritable activité professionnelle comme indépendant :
Si l’assujettissement au régime général ne peut pas toujours être prononcé, un risque demeure pour l’indicateur d’être assujettit au statut de travailleur indépendant, c’est le cas lorsque l’inspecteur relève l’existence d’une activité à caractère professionnel. Cette activité doit donner lieu à immatriculation, et pour le domaine de l’immobilier, respecter les prescriptions posées par la loi Hoguet et son décret d’application. Les sommes attribuées sont alors déclarées dans le revenu professionnel du travailleur dans les conditions de droit commun.
D – L’indicateur exerce une activité professionnelle en tant que salarié d’une entreprise tierce :
Une dernière situation doit être envisagée, celle de l’indicateur salarié d’une tierce entreprise.
L’article L.242-1-4 du code de la sécurité sociale indique que « Toute somme ou avantage alloué à un salarié par une personne n’ayant pas la qualité d’employeur en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt de ladite personne est une rémunération assujettie aux cotisations de sécurité sociale et aux contributions […]. »
Ainsi, si la rémunération est octroyée au salarié d’une entreprise tierce, en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt de l’Agence et réalisée dans le cadre de son activité professionnelle, alors cette rémunération est assujettie aux cotisations de sécurité sociale. Les conditions et modalités d’application de ce dispositif sont explicitées par la circulaire interministérielle (17) dont on retient, notamment, que :
– Si l’information apportée par un indicateur est obtenue dans le cadre de son activité professionnelle : cela donnera lieu au versement d’une rémunération par l’Agence, laquelle sera tenue de déclarer et payer les cotisations sociales obligatoires (selon la nature de l’activité professionnelle exercée par l’indicateur il s’agira d’une contribution libératoire ou d’un assujettissement au régime de droit commun).
(Cf : Notons que la rémunération que l’Agence verserait directement à l’employeur du salarié indicateur, ne sera pas concernée par ce régime d’assujettissement à charge pour l’employeur de la répartir à la suite).
– A contrario, si l’information apportée par l’indicateur est obtenue en dehors de son activité professionnelle, donc dans le cadre de sa vie personnelle : cela donnera lieu à une rémunération qui sera exonérée de cotisations sous réserve de respecter les conditions indiquées au point A de cet article.
L’Agence devra se renseigner en amont sur le statut de l’indicateur, l’identification de l’employeur, ainsi que sur le contexte dans lequel l’information est obtenue. Elle devra tenir à disposition de l’inspecteur la copie de l’écrit remis à l’indicateur, tout justificatif quant au statut d’intervention, ainsi que les références de l’affaire apportée.
Pour en savoir davantage sur le régime social des sommes versées à un salarié par une personne tierce à l’employeur :
Téléchargez la Lettre Circulaire N°2012-0000042 du 3 avril 2012
Sources :
(1) Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.
(2) Décret n°72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce.
(3) Cour de cassation, Chambre sociale, du 29 mars 1990, 87-15.391,
(4) Il va s’agir généralement s’agir d’un service rendu par un tiers, une connaissance, un voisin, un commerçant de proximité, un retraité, un artisan etc.
(5) Cour de Cassation, Chambre Sociale, 13 décembre 1990, n°88-15.778 – La Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que le versement d’une rétribution à une personne extérieure à l’entreprise est insuffisant à lui seul pour caractériser l’existence d’un travail salarié. Ainsi, les sommes modiques allouées par une société à des indicateurs d’affaires n’ont pas à être soumises à cotisations dès lors qu’elles étaient allouées de manière occasionnelle, en contrepartie d’une information ponctuelle aboutissant à la conclusion d’un contrat, en dehors de toute directive et de tout contrôle.
(6) Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 1991, 89-16.357 : La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Colmar au motif que celle-ci n’a pas recherché si l’absence de service organisé et de lien de subordination entre la société et les informateurs excluait l’existence d’une relation d’employeur à salarié, ce que le versement d’une rétribution ne suffit pas à caractériser. La Cour de cassation rappelle ainsi le principe selon lequel la simple rémunération ne suffit pas à établir l’existence d’un contrat de travail.
(7) En fonction du nombre d’interventions, des conditions d’interventions et de l’adéquation des montants perçus au regard de l’affaires conclue.
(8) Cass.crim.,2 novembre 1978, n°77-93464 : Un expert immobilier qui recherche par voie d’annonce dans la presse des acquéreurs éventuels à des propriétés mises en vente par des tiers et qui les fait visiter, commet une infraction aux articles 1er et 16 de la loi du 2 janvier 1970, s’il n’est pas titulaire de la carte professionnelle prévue à l’article 3 de la loi précitée.
(9) Chaque situation doit être examinée dans son individualité. Seul l’inspecteur de l’Urssaf, au vu de tous les éléments de faits constatés lors d’un contrôle, sera à même de juger, notamment en fonction du nombre d’interventions de l’intéressé, des conditions de ces interventions et de l’adéquation des montants perçus au regard de chaque affaires conclues si les sommes versées peuvent ou non être exemptées de l’assiette des cotisations
(10) Ces contrats pourraient, selon les termes maladroitement employés, laisser croire qu’il existe une collaboration. Les Syndicats mettent à disposition des modèles de « Lettre d’engagement » qui correspondent mieux.
(11) Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 1981, 80-12.330 : Le versement d’une rémunération est insuffisant à lui seul pour caractériser l’existence d’un travail salarié. Par suite une société n’est pas tenue de cotiser sur le montant des commissions versées par elle à des informateurs lui ayant procuré des clients dès lors que ces informateurs, souvent inconnus de la société, agissant avec la plus entière liberté, ne sont chargés d’aucune diligence, ne reçoivent aucune consigne et n’ont aucun secteur, que pour la plupart, leur intervention est très occasionnelle et qu’ainsi il apparaît que la commission modique, qui ne leur est versée que si le client signalé passe un contrat et présente de ce fait un caractère aléatoire, récompense un service rendu et ne constitue pas la rémunération d’une activité exercée pour le compte de la société et sous la subordination de celle-ci.
(12) Chaque situation doit être examinée dans son individualité. Seul l’inspecteur de l’Urssaf, au vu de tous les éléments de faits constatés sera à même de juger, notamment en fonction du nombre d’interventions de l’intéressé, des conditions de ces interventions et de l’adéquation des montants perçus au regard de chaque contrat conclu si les sommes en cause peuvent ou non être exemptées de l’assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale.
(13) Sa forme peut aussi varier : pourcentage des honoraires, forfait exprimé en euros, bon d’achat etc..
(14) L’effectivité de la vente n’est pas toujours une condition du versement.
(15) En application des articles L.311-2, L.242-1 et L.136-1-1 du code de la sécurité sociale.
(16) Cour de cassation, Chambre sociale, 20 février 1997, 95-15.569 : La Cour de cassation estime que la cour d’appel aurait dû rechercher si les bénéficiaires des commissions exécutaient un travail dans un lien de subordination sous l’autorité de la société et si celle-ci avait le pouvoir de leur donner des ordres et des directives, ce qui constitue un indice du lien de subordination.