Quid de la volonté politique de soutenir le logement ?
Lorsque j’ai assisté à la réunion de lancement de la Conférence nationale pour le logement (en novembre 2022), il fallait écouter avec beaucoup d’attention la cheffe économiste de la direction générale du Trésor, Madame Agnès Benassy-Quéré, car ses propos étaient en contradiction avec le discours politique de Christophe Bechu et de Olivier Klein.
Selon elle, la France construit beaucoup (ce qui est vrai par rapport aux pays européens ), le parc de logements est important (c’est aussi exact par rapport à nos amis européens), le taux d’occupation diminue et la transaction est dynamique. Bercy avait posé son diagnostic : il y a suffisamment de logements en France ou du moins, le mythe des besoins de 500 000 logements de plus chaque année avait du plomb dans l’aile.
On peut donc légitimement penser que la volonté politique n’est pas de soutenir à tout prix l’un des piliers de la politique du logement : l’accession.
Surtout en ces temps d’inflation. La France ne manquerait pas de logement, sinon il n’y aurait jamais eu 1 200 000 transactions en France. Elle manquerait de logements abordables. Toutes les tendances politiques considèrent que le prix du logement est trop élevé dans ce pays, soutenu en cela par le milieu patronal, soucieux d’une mobilité professionnelle fluide et compatible avec leurs politiques salariales.
Si, pour nos acquéreurs, l’effet revenu et l’effet taux ont largement contribué à gommer l’effet prix, et soutenu l’activité ces dernières années, je pense que le gouvernement a fait le choix de laisser s’opérer une correction naturelle sur les prix, permettant de resolvabiliser des primo-accédants, d’autant qu’il semble que les salaires ont plutôt suivi l’inflation.
Faut-il s’en offusquer?
Prudence quant aux aides et interventions de l’État
On peut réclamer des aides à corps et à cri, tant il est vrai que nous sommes libéraux quand tout va bien et un peu moins quand le marché montre des signes de faiblesses. Mais sur le fonctionnement du marché, c’est-à-dire la formation de l’offre, son prix, l’expression de la demande, doit-il être sous la perfusion de la puissance publique ou plutôt de l’argent public ?
J’entends bien que les aides représentent 40 milliards d’euros et que le logement rapporte 90 milliards au budget de l’état. Cependant, je fais partie de ceux qui pensent que plus l’Etat interviendra dans le fonctionnement du marché de la transaction, plus il exigera des contreparties des acteurs de ce marché, comme par exemple le plafonnement des honoraires à l’image de ce qui existe pour les honoraires de transaction sur les investissements PINEL.
Mieux vaut consacrer l’argent public à l’aide à la rénovation et à la création d’un statut du bailleur privé.
L’hyper règlementation du marché de la location et le blocage depuis 2014 de nos honoraires de locations pour les locataires est une autre illustration de cet interventionnisme discutable, qui n’a pas fait progresser les parts de marché des professionnels. De ce point de vue un véritable travail sur une reconnaissance du professionnel tiers de confiance reste à construire.
Le rapport de l’Autorité de la concurrence doit nous alerter sur une certaine perception de notre valeur ajoutée qui ne nous est pas favorable. Le caractère cyclique du marché de la transaction n’est une découverte pour personne.
C’est un moment redoutable pour nos entreprises par ce que j’appelle « l’effet ciseau ». L’ajustement entre les capacités d’emprunt et le niveau de prix prend du temps et contribue à une chute brutale d’activité qui met à rude épreuve les trésoreries des agences immobilières, et le moral de nos collaborateurs. D’autant que nos forces de vente ont été dimensionnées pour un marché de 1 100 000 transactions et que, comme par ailleurs j’ai eu l’occasion de le démontrer, les gains de productivité ont été nuls, et les rémunérations hypertrophiées à cause de la concurrence des modèles. L’autorité de la concurrence a elle-même relevé la faiblesse de nos marges.
Faut-il remettre en question nos coûts et nos méthodes ?
Dans ce contexte délicat, je suis surpris de ne pas entendre une remise en question et une réflexion sur nos coûts et sur nos méthodes.
Sur nos coûts, en engageant une refonte de la grille de lecture de notre productivité qui doit passer aussi par une notion de volume de vente (et non uniquement de chiffre d’affaire) par collaborateur, pour gagner en compétitivité en préservant les marges. Cette compétitivité pourrait être dissuasive vis-à-vis de certaines professions réglementées qui pourraient être tentées de rechercher un relais de croissance sur la transaction. Les commissaires de justice ne cherchent-ils pas de nouveau à obtenir le droit de faire de la transaction ?
Il faut se poser les bonnes questions sur les habitudes de certains fournisseurs en termes d’augmentation de tarif et de retour sur investissement. Sur ce point, être le leader ne veut pas dire être le meilleur.
Pendant la période de confinement, la profession avait fait d’énormes progrès sur les visites à distances, suscitant une confiance des consommateurs sur nos outils, à l’instar de ce qu’a su faire Airbnb. Il est temps de reprendre cette marche en avant sans avoir peur de je ne sais quelle substitution entre l’humain et le digital. La technologie ne dictera les usages qu’à la seule condition que le facteur humain soit très qualitatif.
Il reste 30% du marché entre particuliers à conquérir : sur un marché de 900 000 transactions cela en représente 270 000. Si cette part passe à 20%, les professionnels récupèrent une partie significative des volumes perdus du fait du retournement du marché.
Quand à la baisse des prix par le jeu naturel du marché, voulu par le gouvernement, souhaitons qu’elle soit rapide pour atteindre un palier qui redonne confiance au secteur bancaire et aux acquéreurs. Il faut également espérer que cette baisse ne soit pas contredite par un reflexe massif de retrait des vendeurs.
Sur le long terme ne doutons pas que l’immobilier, cette valeur affective, tangible, transmissible, et de rendement reste la valeur préférée des français. Cette valeur doit être servie par une profession innovante compétitive et formée.