Et si l’auto-rénovation était aussi une solution ? Ce n’est pas nouveau. L’Anah (Agence nationale de l’habitat) avait déjà lancé quelques expérimentations sur le sujet au cours de la précédente décennie, elle a relancé l’idée au printemps par la voix de sa directrice générale. Et si l’auto-réhabilitation bénéficiait également des précieux subsides de l’État ? Dans Le Monde, en avril, Valérie Mancret-Taylor, y voyait une « une voie, un axe de travail vraiment pertinent et intéressant ».
Apparemment, côté ministère du Logement, on y semble plutôt favorable. La députée Marie-Christine Dalloz (Les Républicain, Jura) avait interpellé le gouvernement en relayant les inquiétudes des professionnels du bâtiment, la réponse ministérielle tombée début octobre n’est pas de nature à la rassurer. Au contraire, le ministère loue les avantages de cette auto-réhabilitation qui pourrait « contribuer à la massification des travaux de rénovation et l’atteinte des objectifs nationaux ambitieux ».
Auto-rénovation vertueuse pour le ministère…
L’intérêt le plus évident est que l’auto-réhabilitation coûte moins cher, « en particulier dans le contexte actuel d’inflation des prix des travaux et des matériaux ». Autrement dit, c’est peut-être une solution pour lever le frein financier sur lequel butte souvent la rénovation des ménages. Deuzio, l’auto-réhabilitation aidée serait aussi une réponse pour lancer rapidement des travaux « notamment dans certains territoires en tension sur l’offre de professionnels du bâtiment ».
Enfin, les propriétaires seraient d’autant plus attentifs à la qualité des travaux, qu’ils sont directement concernés par l’impact sur leur facture énergétique. Côté DPE, cela ne changerait rien, puisque depuis 2021, les diagnostiqueurs prennent déjà en compte les travaux effectués par des particuliers, à condition qu’ils aient les factures d’achat de matériaux.
Bref, le ministère n’y voit que du bon à première vue. Bien sûr, les particuliers bricoleurs ne bénéficieraient pas de MaPrimeRénov’ conditionnée par la détention du label RGE, mais un soutien financier de l’État n’est pas exclu. Le ministère fixe toutefois des conditions, cette auto-rénovation devra être un minimum encadrée : « Le Gouvernement juge donc pertinent de s’intéresser au phénomène d’auto-rénovation, et en particulier à celui de l’auto-rénovation accompagnée (ARA), correspondant aux rénovations réalisées par le propriétaire lui-même, accompagné et conseillé par un professionnel du bâtiment, souvent en lien avec une association spécialisée. »
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… source de dérives pour les professionnels du bâtiment
A éplucher la réponse ministérielle, on se dit même que le gouvernement prête à cette auto-réhabilitation, davantage qu’un simple « intérêt ». Un travail est d’ailleurs mené pour lever les « obstacles actuels au développement de l’ARA : le manque de cadre juridique, le contrôle de la qualité des travaux, le manque d’offres de formation des professionnels, ainsi que l’éventuelle ouverture de certaines aides financières à destination de cette pratique ».
Si la mesure réjouira sans doute les magasins de bricolage, en revanche, du côté des professionnels du bâtiment, la pilule ne passe pas. On y voit une forme de concurrence déloyale, et on alerte sur les dérives éventuelles comme le risque de travail dissimulé, et une promotion de « l’amateurisme dans un domaine où plus que jamais nous avons besoin de compétences acquises et mises régulièrement en pratique ».
Quant à savoir si les professionnels du bâtiment sauront répondre à la massification des rénovations énergétiques, avec plus de 200.000 emplois supplémentaires à créer d’ici 2030, la Fédération française du bâtiment se veut rassurante : « Avec 600.000 salariés intervenant dans les entreprises détentrices du« RGE », le secteur du bâtiment saura s’adapter à la montée en puissance de ce marché de la rénovation énergétique », écrit-elle dans un communiqué.