« Baromètre LPI – iad août 2023 : les métropoles sont pénalisées par les niveaux des prix » Michel Mouillart

Durant l’été, la baisse des prix des logements anciens s’est accélérée en Ile de France. A contrario, les prix augmentent toujours dans la plupart des villes de province. Et alors qu’habituellement les ventes de logements anciens diminuent fortement en août, elles n’ont pas reculé cette année.
LPI iAd août 2023

Recul des prix des logements anciens en août

Le mois d’août n’est guère propice à l’augmentation des prix des logements anciens. Au coeur de l’été, la demande est habituellement moins nombreuse et une éventuelle pression sur les prix se fait moins vive. Suivant leur profil saisonnier, les prix ont donc baissé durant le mois d’août, à un rythme d’ailleurs comparable à celui observé en 2021 et 2022. Ainsi, après plusieurs mois d’affaissement de la demande et un début de l’été médiocre, les prix signés mesurés en niveau trimestriel glissant ont reculé en août : – 1.5 % en glissement trimestriel sur l’ensemble du marché (- 1.6 % pour les appartements et – 1.5 % pour les maisons).

C’est sur le marché des appartements où la demande est bridée par les exigences d’apport personnel (compte tenu des niveaux de prix pratiqués dans les grandes villes) que le recul des prix est le plus sensible : – 0.4 % sur un an à fin août, avec un mouvement de repli qui se renforce en Ile de France, pendant que les augmentations (souvent rapides) persistent en province. En outre, les prix affichés baissent maintenant de 1.0 % en trimestre glissant, après une embellie au printemps dernier.

Sur le marché des maisons, l’augmentation des prix constatée au cours du printemps sur un marché totalement déséquilibré a cédé la place au repli, durant l’été. Néanmoins, les prix signés augmentent toujours sur un an : mais leur rythme de progression ralentit au fil des mois, avec + 1.0 % à fin août, contre + 5.6 % en début d’année.

Baisse générale des prix du neuf durant l’été

Au cours des trois derniers mois, les prix des logements neufs ont encore reculé, tant sur le marché des appartements que sur celui des maisons. En effet, la réalisation des projets immobiliers des ménages reste entravée par des conditions économiques peu favorables, alors que les dispositifs de soutien publics se dégradent toujours, aussi bien sur les marchés de l’accession que sur ceux de l’investissement locatif privé. La pression de la demande sur les prix est ainsi au plus bas, d’autant que les exigences d’un apport personnel élevé imposées par la Banque de France restent fortes et brident les candidats à un achat immobilier.

Sur le marché des maisons individuelles, les prix ont ainsi reculé de 1.5 % sur trois mois, à fin août. Mais comme leur baisse ne se constate que depuis la fin du printemps, la progression est toujours soutenue, sur un an : + 8.2 %, comme en janvier dernier.

En revanche, sur le marché des appartements les prix reculent pour le 6ème mois consécutif : la baisse a encore été de 1.7 % au cours des derniers mois. Car sur ce marché de promoteurs pénalisé par les difficultés de revente des logements anciens qui se renforcent depuis plus d’un an, le niveau des prix des logements commercialisés handicape la demande. Les prix y sont 2 fois supérieurs à ceux des maisons et le resserrement de l’accès au crédit rend impossible la réalisation des achats : même pour des ménages secundo accédants aux revenus plus confortables que ceux des acquéreurs de maisons individuelles.

Des augmentations de prix toujours rapides en province

Les évolutions des prix des appartements anciens diffèrent très largement entre les villes de 40 000 habitants et plus. En Ile de France et dans les grandes villes de Province parmi les plus chères, les prix reculent ou ne progressent que très lentement : les biens les plus chers désertent le marché face à une demande bridée par les contraintes d’apport personnel et la demande se recentre sur le moyen de gamme (en prix, voire en qualité). Les prix baissent aussi en province dans les villes petites et moyennes les plus exposées aux conséquences de la crise économique et sociale actuelle, à un rythme souvent rapide. Mais le plus souvent, les prix progressent toujours en province, parfois très rapidement : cela se constate dans des villes où les prix sont 4 à 5 fois plus faibles que sur Paris par exemple (donc 2 à 2.5 fois moindres que dans les grandes capitales régionales), ainsi que sur ces grandes villes toujours très dynamiques au plan économique, surtout lorsque leurs prix ont su rester accessibles à la demande.

A fin août, la baisse des prix des appartements anciens se renforce encore en Ile de France : elle concerne 90 % des villes de plus de 40 000 habitants et s’affiche à un rythme moyen de 3.6 % sur un an (niveau annuel glissant). Le mouvement de baisse se diffuse partout sur le territoire francilien et la baisse est maintenant d’au moins 4 % sur un an dans le tiers des villes franciliennes (à un rythme moyen de 5.8 %).

En revanche, les hausses de prix concernent 63 % des villes de province. La hausse est alors de 5.6 %, en moyenne : les prix progressent même d’au moins 6 % dans 25 % des villes, pour une augmentation moyenne de 10.1 % (elle est d’au moins 10 % dans 11 % des villes, pour + 13.5 % en moyenne). Si dans certaines villes les évolutions paraissent plus hésitantes depuis le printemps, la hausse est toujours bien ancrée dans la plupart des villes provinciales.

Des métropoles pénalisées par les niveaux des prix

Dans les grandes métropoles (Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes, Paris, Rennes et Strasbourg), les prix des appartements anciens reculent, à un rythme qui se renforce au fil des mois et est généralement plus rapide dans la ville-centre qu’en périphérie. Même s’il s’est atténué depuis plusieurs mois, le déplacement de la demande vers les communes périphériques a sensiblement modifié les modèles d’évolution des prix qui se constataient par le passé, dans le contexte d’un rationnement de l’accès au crédit particulièrement pénalisant dans les villes les plus chères.

Néanmoins, dans d’autres métropoles (Brest, Marseille, Nice et Toulouse, voire Grenoble et Rouen), les prix des appartements anciens progressent toujours, aussi bien dans la ville-centre qu’en périphérie. En outre, dans quelques métropoles les prix de la ville-centre restent inférieurs à ceux des communes périphériques : sur Brest Métropole, où l’offre est notoirement insuffisante au regard des projets de développement économique du territoire ; ou sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence où la réduction de l’offre de biens disponibles à la vente déséquilibre fortement le marché.

En outre, dans la plupart des métropoles, le ralentissement de la hausse des prix des maisons observé jusqu’au début de l’été cède la place à un repli lent et modéré, en dépit d’une préférence de la demande pour la maison individuelle toujours vive (corollaire de la perte d’attractivité de l’habitat collectif) : partout, les niveaux des prix pratiqués deviennent plus difficiles à soutenir pour des acheteurs potentiels contraints par le resserrement de l’accès au crédit. Seules les métropoles de Marseille et de Nancy connaissent encore une progression assez rapide des prix des maisons.

Poursuite de l’augmentation des marges

Les marges de négociation progressent toujours, sur un marché de l’ancien déprimé. En août, elles se sont établies à 6.9 % pour l’ensemble du marché (soit 47 % au-dessus de leur moyenne de longue période), en hausse de 65 % sur un an.

Une telle évolution se constate aussi bien sur le marché des appartements (+ 57 % sur un an, à 6.3 %) que sur celui des maisons (+ 71 % sur un an, à 7.4 %). Une telle situation a été rarement observée depuis le début des années 2000. Car la demande est prise en étau entre des prix des logements anciens rigides à la baisse, n’affichant au mieux qu’un recul modéré, et des exigences bancaires concernant le niveau de l’apport personnel. La plupart des acheteurs doit en effet obtenir une réfaction sur les prix proposés par des vendeurs afin de finaliser leurs projets : mais la négociation est toujours difficile, les vendeurs n’acceptant pas facilement de baisser les prix affichés et préférant se retirer du marché sauf lorsqu’ils doivent vendre « à tout prix » (un prêt relais, un changement professionnel ou familial, …).

Enfin, le niveau des marges reste le plus élevé dans les régions où les prix sont bas (Champagne-Ardenne, Limousin ou Lorraine, par exemple) : en dépit de la faiblesse des prix signés qui a permis à la demande de mieux résister qu’ailleurs, la finalisation des ventes suppose une révision des prix affichés afin de s’adapter à un contexte économique local peu porteur. En revanche, les marges sont souvent les plus faibles dans les régions où les prix restent à (très) haut niveau (Ile de France, PACA ou Rhône-Alpes) et entravent l’accès au marché, compte tenu du resserrement de l’accès au crédit : la faiblesse des marges y révèle la situation de pénurie d’une offre rarement prête à perdre sur le produit de la vente.

Une pause dans la dégradation ou simple embellie ?

Habituellement en d’août, les ventes de logements anciens à des particuliers descendent à leur plus bas niveau de l’année. Ainsi, après un mois de juillet qui enregistre un très bon niveau d’activité, les ventes reculent généralement de 25.8 %, en moyenne et sur longue période. Mais cette année, le profil intra annuel des ventes est bouleversé : après un mauvais mois de juillet, le plus mauvais de ces 20 dernières années, faisant lui-même suite à un mois de juin tout aussi médiocre, les ventes ont fait montre d’une résistance inattendue en août. Elles sont même en progression de 1.7 % par rapport à août 2022, s’affichant à un meilleur niveau que durant les mois d’août des années 2012 à 2016.

Pourtant, les taux des crédits immobiliers ont encore augmenté et la contrainte de taux d’effort (ne pas dépasser les 35 %, dans le cas général) qui avait été définie par la Banque de France en 2019 n’a pas été allégée. Mais depuis juin dernier l’offre bancaire se relève doucement, les établissements de crédit pouvant maintenant bénéficier d’une meilleure rentabilité sur leur production, en raison des augmentations des taux des crédits intervenues depuis une année.

La question se pose néanmoins de la solidité du rebond actuel des ventes, de son inscription dans la durée. Et quoiqu’il en soit dans les mois à venir, l’activité enregistrée sur les 8 premiers mois de 2023 est de 10.5 % inférieure à celle de 2022 et de 28.1 % moindre que celle de la période correspondante de 2019, avant la mise en oeuvre du rationnement du crédit par la Banque de France.

Des évolutions très différentes entre les régions

Le mois d’août 2023 a été inhabituel, avec des ventes de logements anciens à des particuliers meilleures que celles réalisées il y a un an. Néanmoins, en raison d’un mauvais début d’été, l’activité des trois derniers mois est en recul de 12.2 %, en glissement annuel. Et même si les conditions de crédit sont (presque) comparables partout sur le territoire métropolitain, l’évolution des ventes diffère entre les régions.

Comme cela se constate depuis le début de l’année, les ventes stagnent en Bourgogne (après une année 2022 qui avait été très mauvaise) et en Champagne-Ardenne. Et elles augmentent de 8 % dans le Limousin. Dans ces régions, le niveau des prix pratiqués permet de répondre aux exigences d’un apport personnel élevé et l’offre de crédits a pu s’adapter aux contraintes imposées par la Banque de France sans (grandes) difficultés.

En revanche, dans d’autres régions (Alsace, Franche-Comté, Ile de France, Midi-Pyrénées, Nord-Pas de Calais, PACA et Rhône-Alpes), l’activité recule à un rythme soutenu et supérieur à la moyenne nationale : de l’ordre de 15 %. Sur ces territoires, le niveau des prix pratiqués qui n’ont bien souvent que lentement reculé depuis un an écarte du marché ceux des candidats à un achat dont l’apport personnel est devenu insuffisant au regard des contraintes imposées. Et lorsque les prix sont restés soutenables, compte tenu des exigences d’apport personnel, les niveaux de revenus des candidats à un achat sont insuffisants (Franche-Comté, et Nord-Pas de Calais, essentiellement).

Ailleurs la demande recule de l’ordre de 5 % : donc à un rythme deux fois moindre qu’au début de l’été.

À Paris

À Lyon

À Marseille

Michel Mouillart: Michel Mouillart est Professeur émérite à l’Université et FRICS (Fellow de la Royal Institution of Chartered Surveyors). Il est Docteur d’Etat en Economie et Docteur sur travaux en Economie et Financement du Logement. L’essentiel de son action dans le secteur du logement a consisté en la réalisation d’études et de recherches sur le secteur de l’immobilier résidentiel. Il a ainsi mis en place ou contribué au développement de nombreux observatoires qui ont trouvé leur place dans le système d’informations sur le logement privé en France. Il assure la direction scientifique de ces observatoires : les crédits aux ménages (Fédération Bancaire Française) depuis 1989, les loyers du secteur locatif privé (CLAMEUR) de 1998 à 2019, la production de crédits immobiliers aux particuliers (Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers) depuis 1999, l’accession à la propriété (Institut CSA) depuis 1999, l’Observatoire Crédit Logement/CSA depuis 2007 et l’Observatoire LPI sur les prix des logements neufs et anciens depuis 2011. En tant que personnalité qualifiée, il a été nommé et il siège au Conseil National de l’Habitat depuis 1990. Il a ainsi été Président de nombreux groupes de travail du Conseil National de l’Habitat, dont récemment le groupe « Redynamiser l’accession à la propriété » (2023). Il avait aussi été rapporteur des « Rencontres ConstructionAménagement du Territoire » de l’Assemblée Nationale de 1989 à 2001. Par ailleurs, et toujours en tant que personnalité qualifiée, il a été membre du Conseil National de l’Information statistique (1991-2000), de la Commission des Comptes du Logement 1992-2014) et de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale (2006-2013). De même, il a été Administrateur de l’Office HLM de la ville de Nanterre (1983-2014) et de la Fédération Nationale Habitat et Développement (2008- 2015). Depuis 2010, il est membre du Conseil de Développement du Pays de Brest, toujours en tant que personnalité qualifiée. Et depuis 2015, il est administrateur de SOLIHA-Finistère. Auteur régulier de nombreux articles dans des revues scientifiques ou professionnelles, il a publié ou participé à la publication de nombreux ouvrages sur l’économie et le financement du logement. Il est par ailleurs Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.