Nous sommes mi-2023 et la crise de l’immobilier est là. L’explosion des taux d’intérêt (plus de 2 % en un an !) conjuguée au recul du pouvoir d’achat et à des conditions d’accès au crédit toujours plus difficiles ont mis le marché en berne. Il y a moins d’acheteurs, les mandats sont hors-jeu en raison de la baisse des prix, et le nombre de transactions fond comme neige au soleil. Résultat : 500 fermetures d’agences en 12 mois. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Dans une situation comme celle-ci, il y a deux comportements possibles : s’arrêter et attendre que la tempête passe ; ou se relever et avancer malgré tout. Le bon choix dépend des ambitions de chacun. Mais si vous voulez sortir de là en vainqueur, alors il n’y a pas d’alternative : il faut progresser plutôt que stagner, se former plutôt que désespérer. Et faire de la crise une opportunité.
Pourquoi les professionnels de l’immobilier tournent-ils en rond ?
Mon métier, c’est le marketing immobilier. Et depuis le début de l’année, j’entends tous les jours la même chose :
- « Tu sais, c’est la crise… »
- « On ne reçoit plus d’appels… »
- « La pige, c’est mort… »
Je ne vous parle que des plaintes les plus fréquentes. À chaque fois, je réponds la même chose : « Génial, ça veut dire que tu as enfin le temps de travailler à une nouvelle stratégie ! ».
Oui, « enfin le temps ». Parce que le temps, c’est bizarrement ce qui manque aux conseillers immobiliers quand on leur parle de formation, de changement de vision, de nouveaux leviers d’acquisition. Ils n’ont pas le temps. Ils n’ont pas l’énergie. Ils n’en ont pas besoin. Car tout va bien. Car tous les voyants sont au vert. Si mon business tient la route, que je rentre des mandats et que le chiffre d’affaires augmente, pourquoi diable devrais-je modifier quoi que ce soit ?
Lorsque tout va bien, les professionnels ne cherchent pas à progresser : ils se contentent de tourner en rond. Ils courent après leur ombre.
Et puis, la crise arrive. Désormais, on a du temps. Mais on est forcé de réduire les dépenses (il n’y a plus d’argent qui rentre). On est contraint de se serrer la ceinture (on n’a plus de mandats). C’est le tournant de la rigueur. On prend peur. Alors, on a le réflexe d’attendre que ça passe – parce que, oui, ça va passer, à un moment donné la crise laissera place à une nouvelle période de croissance (et puis tant pis si des agences ont fermé leurs portes dans l’intervalle : c’est la sélection naturelle du marché). On se cale sous la table, on se protège la tête, et on fait le dos rond – comme en plein tremblement de terre.
Laissez-moi vous dire une chose : ce n’est pas le meilleur comportement possible. Pas si vous ambitionnez de vous extraire de la crise en champions.
À tout cela, on me répond souvent : « Oui, mais en ne bougeant pas un muscle, on prend moins de risques. » Ce n’est pas tout à fait vrai. Parce qu’à n’importe quel moment, un morceau de toit peut vous tomber sur la tête. Parce qu’à tout instant, le sol est susceptible de se dérober sous vos pieds. En pleine tempête, la bonne solution n’est pas toujours de lever l’ancre et d’attendre gentiment que le soleil montre le bout de son nez. Parfois, la meilleure défense, c’est l’attaque.
En réalité, la crise n’est pas une calamité. C’est un levier d’action. C’est une opportunité. Celle de se former, de découvrir de nouvelles possibilités d’action, de monter en compétences, de se différencier de la concurrence – bref, de se réinventer.
La crise tue la pige immobilière… et révèle l’importance des leviers d’acquisition à long terme
Crise ou pas crise, il faut toujours chercher à avancer. Lorsque tout va bien, on doit prendre le temps d’ouvrir son esprit aux nouvelles technologies et aux méthodes marketing innovantes, afin de nourrir sa stratégie d’acquisition. Et lorsque tout va mal, il n’est pas trop tard : à condition de réagir vite, on peut encore défier la crise et changer de vision métier. Cela suppose de remettre en cause des habitudes bien ancrées.
Pour illustrer ce problème, j’aime bien donner l’exemple de la pige. Par expérience, je sais qu’il s’agit du levier d’acquisition privilégié par la grande majorité des conseillers immobiliers. À tel point que beaucoup d’entre eux ne comptent que sur cette pratique pour remplir leur stock de biens, quitte à faire reposer leur business exclusivement sur des mandats de mauvaise qualité.
Il est vrai que la pige a ses avantages. Je l’ai moi-même pratiquée de mon temps. Mais elle ne fonctionne que dans un marché dynamique, lorsque les acheteurs se bousculent au portillon. Quand ceux-ci se font rares, la pige s’effrite et tombe en morceaux – parce qu’elle arrive en bout de course, au moment où les décisions sont prises, où les dés sont joués. La crise tue la pige. Car la pige, au fond d’elle-même, n’a rien à offrir.
À l’inverse, en devançant les attentes des vendeurs et des acheteurs, en allant les chercher bien en amont de leur projet immobilier, on s’assure de rentrer des mandats de meilleure qualité, avec régularité. On tisse des contacts que l’on pourra accompagner sur le long terme, puis fidéliser.
Et quand la crise éclate, on peut piocher dans sa liste de contacts et dans son stock de mandats, avec un avantage déterminant : ces gens-là nous connaissent depuis longtemps et nous font pleinement confiance. Cela ne peut pas être le cas d’un vendeur auquel on parle pour la première fois au téléphone pour le convaincre de nous confier un 17e mandat simple.
Avancer pour ne jamais rester coincé dans son métier
Passer de la pige à l’acquisition de contacts qualifiés, c’est une évolution majeure pour un conseiller immobilier. Cela ne se fait pas en claquant des doigts : il faut beaucoup de volonté pour y parvenir. Surtout, il faut avoir envie d’avancer.
Là est le secret. Pour vaincre la crise, il faut vouloir avancer sans cesse. Évoluer dans son métier pour ne pas rester coincé. Se former aux changements réglementaires. S’intéresser aux innovations. Intégrer les nouveaux comportements. Et revenir aux fondamentaux du travail de conseiller immobilier – le relationnel, la communication, le marketing, l’offre, la valeur ajoutée.
Mais aussi : anticiper les périodes plus difficiles. Se préparer à l’imprévu.
Ne soyez pas comme la dinde de Noël. La dinde mange tous les jours le repas qu’on lui amène, sans jamais entrevoir le danger. Pendant 1 000 jours, elle se nourrit goulûment. Le 1001e jour, pourtant, le cuistot débarque sans le repas, mais avec le couteau dans la main. (L’allégorie n’est pas de moi : je l’emprunte à Nassim Nicholas Taleb qui s’en sert pour critiquer la méthode de raisonnement par induction.)
Soyez comme le renard. Le renard chasse sans faire le fanfaron. Le renard reste attentif à son environnement, les yeux et les oreilles ouverts. Il écoute. Il flaire. Il ne se contente pas de ce qu’on lui sert sur un plateau. Le renard est malin, il apprend à partir de ses expériences et ne reproduit pas deux fois la même erreur. Il change de territoire lorsque c’est nécessaire – quand il vient à manquer de nourriture. Bref, il est méfiant et agile, curieux et très adaptable.
Soyez comme le renard, toujours en mouvement, toujours le regard fixé vers l’avant. Soyez prêt à changer de vision métier lorsque le besoin s’en fait sentir. Et soyez tout le temps en mouvement : une fois la crise passée, vous aurez pris une avance considérable sur tous vos concurrents qui, eux, se seront mis sur le bas-côté pour attendre des jours meilleurs.
Découvrez en vidéo les conseils décapants de Frédéric Eppler pour vous encourager à changer de vision… et non pas de job !