« La valeur verte : entre résistance et engagement des agents » Sébastien Bourbon, IFIC Groupe

La « valeur verte » d’un bien est une notion encore peu maîtrisée par les agents immobiliers. Et pour cause, aucune définition officielle ne faisant consensus n’en a pour l’instant été établie.

À titre de repère, on peut retenir que la « valeur verte » d’un bien repose sur trois éléments clés : ses performances énergétiques, sa gestion durable et son utilisation vertueuse par son propriétaire ou son occupant (c’est-à-dire son utilisation dans le respect des principes du développement durable).
Pour l’heure, la réglementation existante ne se concentre que sur le premier aspect de la valeur verte, à savoir les performances énergétiques et environnementales des logements, notamment grâce au diagnostic de performance énergétique (DPE). En revanche, les aspects de la gestion durable et l’utilisation vertueuse du bien ne font pour l’instant l’objet d’aucune réglementation contraignante à l’égard des agents immobiliers, qui peinent finalement à appréhender concrètement cette « valeur verte ».

C’est ce que nous apprend une étude réalisée pour l’Observatoire des Stratégies des Acteurs de l’Immobilier (OSAI) en décembre 2022 auprès de 190 agents immobiliers.

La « valeur verte », une notion encore mal identifiée

Il faut bien reconnaître que les agents immobiliers ne semblent avoir qu’une compréhension partielle de la valeur verte, notion qu’ils limitent principalement aux aspects énergétiques et à l’écologie des matériaux. Lorsqu’on les interroge sur les composantes de cette valeur, ils sont peu à considérer les problématiques liées aux pollutions et nuisances générées par le bien, à la gestion de l’eau et des déchets, ou à ses effets sur la santé. Nul doute qu’une vision plus complète leur serait utile pour mieux envisager les opportunités liées à ce sujet !

De fait, la « valeur verte » ne suscite pas encore le même niveau d’intérêt chez tous les agents immobiliers. L’étude réalisée pour l’OSAI révèle des divergences de perception allant de l’indifférence à l’enthousiasme. Quand certains considèrent qu’il s’agit d’une idée prometteuse à approfondir (46 % des agents immobiliers interrogés) ou d’un concept pertinent (33 %), d’autres la perçoivent plutôt comme un élément marketing creux (14%), voire une notion importée qui ne convient pas au marché immobilier (7 %).

 

 

Trois postures stratégiques

Face à cette divergence d’appréhension, l’étude réalisée pour l’OSAI révèle trois principales attitudes des agents immobiliers face à la « valeur verte » : certains se contentent de respecter au minimum la réglementation, d’autres montrent un engagement limité sans s’impliquer excessivement et enfin, d’autres encore adoptent une approche plus volontaire en dépassant le cadre normatif. Trois postures en découlent : l’attentisme, la temporisation et l’avant-garde.

D’abord, l’attentisme conduit les agents à subir une réglementation de plus en plus contraignante sans réellement tirer parti des opportunités qui en découlent. Ensuite, la temporisation traduit quant à elle une indécision qui peut entraîner le risque de se faire dépasser par ses concurrents. Enfin, la stratégie d’avant-garde permet aux agents immobiliers de renforcer leur légitimité auprès des clients en se positionnant en tant qu’experts sur ce thème qui fait l’objet d’une forte demande. In fine, cela reflète une gestion inégale en interne de la « rente cognitive » des agents liée à la « valeur verte ».

La « rente cognitive » des agents pour exploiter les opportunités

La « rente cognitive » correspond aux connaissances accumulées par un acteur économique, qui constituent un capital à mobiliser à des fins stratégiques. Selon les résultats de l’étude réalisée pour l’OSAI, force est de constater que les agents immobiliers mobilisent de manière inégale leur rente cognitive pour tirer parti de la « valeur verte » dans un contexte économique difficile. On constate que la moitié des agents cherchent à en tirer un avantage stratégique en développant une réelle expertise (38 %) ou une maîtrise avancée (12 %) de la « valeur verte », tandis que l’autre moitié se contente d’un suivi minimal ou d’une valorisation interne limitée. Ces derniers pourraient bien passer à côté d’une belle opportunité !

 

 

Miser sur la « valeur verte » auprès des vendeurs

En effet, pourquoi ne pas davantage envisager de travailler sur la « valeur verte » dans la relation avec les vendeurs ? Pour les agents immobiliers, cela présente un double intérêt stratégique. Dans un marché difficile, ceux-ci peuvent obtenir plus de mandats en se faisant force de conseil sur la « valeur verte » qui préoccupe les vendeurs. Ils peuvent également présenter cette valeur comme un levier économique, permettant de limiter, voire contrecarrer, la baisse des prix observée sur le marché immobilier.

Alors, comment se positionner auprès des vendeurs ? D’abord, sur le plan économique, les agents doivent informer les vendeurs des impacts potentiels de la « valeur verte » sur leur bien immobilier, et la présenter notamment comme un levier permettant de maintenir sa valeur. Sur le plan environnemental, les professionnels peuvent également guider les vendeurs vers des pratiques d’utilisation plus durables et vertueuses de leur logement, et les inviter à partager ces bonnes pratiques avec leur acquéreur. Enfin, on pourrait aussi prendre en compte le volet social de la « valeur verte », en proposant aux vendeurs de partager des informations favorisant l’intégration locale de leur acquéreur !

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