1. Le Constat
Le niveau des taux des commissions des agents immobiliers en France serait de 5,78% TTC contre 3,3% HT, selon l’Autorité de la Concurrence, pour l’ensemble des pays de l’Union. Notons en premier lieu que l’on compare un taux HT et un taux TTC (sic…) … Il s’agirait donc en fait de 4,08% HT.
Ainsi, pour un bien immobilier de 300 000€, il en résulterait une différence de 4 500€, suivant que l’on a recours à un agent immobilier en France, ou « en moyenne » dans le reste de l’Europe…
A supposer que les chiffres communiqués par l’ADLC sont par ailleurs pertinents.
L’ADLC ne précise pas pourquoi la majorité des Français s’adresse à un agent immobilier. Il n’est effectué aucune comparaison entre le niveau des prestations des agents immobiliers français avec celui des professionnels espagnols par exemple, le niveau de responsabilité, la complexité de la législation portant sur la vente d’un bien…
Poursuivant un raisonnement qui relève du sophisme, l’ADLC croit déceler l’origine du « mal » : la rémunération au résultat : « Tous les mandats n’aboutissent pas à une vente, et ne donnant dès lors lieu à aucune rémunération, le professionnel va fixer ses honoraires en internalisant ce risque ». La mutualisation, voilà la maladie !
L’ADLC n’explore pas de nombreuses pistes bien connues qui pourraient avoir un impact sur les prix.
A pathologie audacieuse, thérapeutique lourde, alors que les agents immobiliers ne bénéficient d’aucun monopole et qu’à l’occasion de la vente d’un bien immobilier le vendeur a libre choix de s’adresser à un professionnel ou pas, de choisir un professionnel (notaire, plateforme, agent immobilier…). Il est proposé par l’ADLC deux solutions : l’échafaud ou la tronçonneuse.
2. Option 1 : l’échafaud
La loi HOGUET est décapitée en ce qui concerne l’activité d’entremise immobilière en matière de vente de biens immobiliers.
Plus de rémunération liée au résultat, d’assurance RCP, de niveau de compétence requis, plus de critère de moralité… le Far West…
Seul subsisteraient quelques règles minimales de formalisme du mandat et l’arrêté de 2017 concernant l’affichage et les annonces immobilières.
C’est oublier que la loi HOGUET est une loi de police destinée à protéger le consommateur et non un dispositif destiné à protéger le professionnel.
3. Option 2 : la tronçonneuse
L’ADLC propose une option 2 : « tronçonner » le parcours immobilier …
L’estimation d’un bien, la constitution du dossier de vente, la diffusion d’annonces, les visites, le compromis de vente seraient « déréglementés » et pourraient être exercés par tous professionnels, sans être liées au résultat.
En revanche la sélection des acquéreurs et la négociation devraient être réalisées soit par le vendeur qui n’a pas recours à un professionnel, soit par un agent immobilier titulaire d’une carte professionnelle (ou une profession réglementée telle que notaire, avocat, géomètre-expert…) lequel n’aurait droit à une rémunération qu’au résultat.
Concrètement, l’agent immobilier proposerait un « pack préparatoire » qui pourrait être à plusieurs niveaux en fonction des moyens de commercialisation mis en place, et ce en concurrence avec d’autres acteurs économiques… En outre il serait prévu des honoraires complémentaires en cas de résultat, rémunérant l’activité de sélection des acquéreurs et de négociation. En quoi cela va-t-il favoriser la baisse du coût d’un agent immobilier ? En quoi ce découpage protège t-il le consommateur ?
Pour forcer la démonstration, l’ADLC précise que la Cour de cassation a défini l’entremise immobilière comme englobant la sélection des clients et la négociation du prix de vente. C’est inexact. La Chambre Suprême intègre dans l’activité d’entremise immobilière la visite physique des biens, la recherche d’acquéreur. Et un examen plus attentif de la jurisprudence permet de déceler des hésitations en ce qui concerne non pas la publication d’annonces mais la gestion des appels téléphoniques des personnes intéressées par le bien immobilier, en dépit d’une décision surprenante rendue par la Cour d’Appel de PARIS le 18 novembre 2022 concernant PAP. Notons toutefois qu’une analyse a contrario de cette décision isolée conduit à retenir que l’examen des conditions nécessaires à l’efficacité juridique de l’acte de vente, la vérification du titre de propriété du vendeur, l’existence de servitudes, de contraintes administratives, la consistance matérielle du bien relèvent d’une activité d’agent immobilier titulaire d’une carte professionnelle. Il s’agit donc bien ici de la « constitution du dossier de vente » voire de « l’estimation » …
Le découpage proposé par l’ADLC n’a pas le fondement juridique qui est brandi ni de pertinence économique. L’intérêt du consommateur est totalement imperceptible.
4. Les solutions
En raisonnant par analogie on s’attaque aux agents immobiliers en soutenant qu’ils sont les plus riches d’Europe… pourquoi ne pas revisiter les droits de mutation lesquels seraient également les plus chers du monde occidental et ne favorisent pas la fluidité du marché ?
La complexité du parcours immobilier doit conduire à une plus grande protection du consommateur. Les agents immobiliers, qui ont la confiance des Français, disposent des outils permettant de sécuriser les transactions. Des pistes sont à explorer. L’ADLC a choisi la disruption. Soyons disruptifs…
- Baisse des droits de mutation ou du moins absence de perception des droits de mutation sur les honoraires de l’agent immobilier lorsque ces derniers sont à la charge du vendeur,
- Police de la carte professionnelle (poursuites systématiques du parquet à l’encontre des acteurs économiques qui ne détiennent pas de carte professionnelle),
- Parution du décret définissant le niveau de formation minimum requis pour tout collaborateur d’un agent immobilier,
- Allègement des contraintes réglementaires inadaptées à la profession d’agent immobilier, tout en en maintenant l’existence (par exemple TRACFIN…)
- Nouvelle saisine de l’ADLC concernant les portails immobiliers, la concentration observée dans le secteur et le niveau de rémunération de ces acteurs économiques,
- Obligation pour un vendeur d’un bien immobilier de signer aux clauses et conditions du mandat,
- Sanctions civiles, voire pénales à l’encontre d’un acquéreur d’un bien immobilier (tiers au mandat) qui évince le professionnel, titulaire d’un mandat, alors qu’il a signé un bon de visite. Plus généralement sécurisation de l’activité de l’agent immobilier,
L’ADLC a rendu son avis. Fort heureusement :
« On n’exécute pas tout ce qui se propose ; Et le chemin est long du projet à la chose »
Le Tartuffe de Molière ne l’ignorait pas.