Afin de respecter le principe de non discrimination, la loi du 6 janvier 1978 interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses même en cas d’accord exprès des intéressés. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) participe au respect de ce principe en veillant à la parfaite application de la loi informatique et libertés qui protège les locataires en garantissant qu’aucune donnée excessive ne soit collectée sur eux et en limitant la diffusion des informations les concernant.
Les traitements de données informatisés
par Sandra Naulet,
Expert en vie des affaires
L’informatique permet à toute personne d’enregistrer un nombre considérable de données sur les personnes, mais aussi de les traiter rapidement, de les comparer et de les conserver longtemps en mémoire. Ces traitements de données sont réglementés lorsqu’ils portent sur des données ayant un caractère personnel, c’est-à-dire relatives à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Ainsi, la Cnil n’admet les traitements automatisés de données à caractère personnel que si les conditions suivantes sont respectées :
– Le consentement de la personne concernée a été recueilli au préalable.
Différents contrôles de la Cnil ont permis de démontrer que l’information sur la possibilité de s’opposer à la collecte de telles données et à la possibilité de les faire rectifier était insuffisante.
– Le traitement de données est effectué de manière loyale et licite, sous peine de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Est déloyal le fait pour une société de collecter et de communiquer à des tiers des annonces immobilières publiées sur Internet par des particuliers, dès lors que cette collecte a eu lieu à l’insu de ces derniers (Conseil d’Etat, 5 septembre 2008). Collecte d’informations et non-discrimination
– Le traitement de données est effectué pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne doit pas être utilisé ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités.
Ne satisfait pas à ces conditions la tenue d’un « fi chier des impayés locatifs » (Conseil d’Etat, 27 avril 2010). La Cnil veille à ce que de tels fichiers ne soient pas mis en place car ils seraient contraires à la loi du 30 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et à l’article L. 300-1 du Code de la construction et de l’habitation.
– Les données sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs.
Différents contrôles ont ainsi révélé que des agences immobilières exigeaient des candidats à la location de fournir certaines pièces préalablement à la conclusion d’un bail, alors que la loi exclut expressément ces pièces du dossier locatif ou qu’elles sont inutiles pour le bailleur (photographie d’identité, carte d’assuré social, jugement de divorce, extrait de casier judiciaire…) (article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989). De même, certaines agences immobilières sont allées jusqu’à renseigner une zone de commentaires libres sur les candidats à la location ou ceux déjà en place, commentaires jugés excessifs voire insultants.
– Les données sont exactes, complètes et si nécessaire mises à jour.
– Les données sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées.
Certaines agences conservaient sans limitation de durée les données concernant des candidats non retenus ou des locataires n’étant plus en place dans le logement.
La Cnil a prononcé un avertissement à l’encontre d’une agence immobilière qui n’avait pas répondu à la plupart de ses courriers, ni à sa mise en demeure, ce qui montre sa volonté de poursuivre et de sanctionner tout organisme qui s’opposerait à son action.
La déclaration à la Cnil
En application de la «loi informatique et libertés» du 6 janvier 1978 refondue par une loi du 6 août 2004, préalablement à leur mise en oeuvre, ces traitements automatisés de données à caractère personnel doivent faire l’objet d’une déclaration auprès de la Cnil. C’est une procédure de droit commun. Pour les fichiers de données les plus courants « dont la mise en oeuvre n’est pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés », la Cnil a établi des normes destinées à simplifier l’obligation de déclaration. Ces normes précisent notamment la nature des données, la finalité du traitement, les destinataires des informations. Ainsi, les traitements qui correspondent à ces normes font l’objet d’une déclaration simplifiée de conformité.
Deux normes sont susceptibles de s’appliquer en matière de gestion immobilière :
– la norme simplifiée n° 21 relative à la gestion et aux négociations des biens immobiliers (délibération n° 03-067 du 18 décembre 2003) ;
– la norme simplifiée n° 48 relatives aux fichiers de clients et prospects (délibération n° 2005-112 du 7 juin 2005) Dans certains cas, des dispenses de déclarations sont prévues comme pour les fichiers de gestion des fournisseurs comportant des personnes physiques qui respectent les finalités défi nies par la Cnil.
Il est également possible de désigner une personne en qualité de « correspondant informatique et libertés » (CIL), qui permet ainsi d’être exonéré des déclarations préalables pour les traitements ordinaires et courants. Cette désignation doit faire l’objet d’une déclaration à la Cnil. Le correspondant peut être un employé de l’entreprise ou un tiers mais doit posséder « les qualifications requises pour exercer sa mission ».
L’interdiction des discriminations
L’action de la Cnil s’inscrit dans la lutte contre les discriminations et le respect du droit au logement qui est un droit fondamental. En effet, en application de la loi du 6 juillet 1989, personne ne peut se voir refuser la location d’un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses moeurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
En pratique, tout agent immobilier ne sera autorisé qu’à vérifier la solvabilité du locataire sans s’attacher à sa condition même s’il a reçu des ordres précis pour effectuer une sélection entre les candidats. Il aura même l’obligation de refuser un mandat qui comporterait une distinction prohibée dans le choix du locataire ou bien de passer outre des consignes reçues et de conclure le bail avec une personne ne remplissant pas les exigences du propriétaire.
Ont ainsi été reconnus coupables de discriminations et condamnés à une amende et au paiement de dommages intérêts :
– un bailleur et un agent immobilier ayant échangé des propos téléphoniques démontrant l’existence de pratiques discriminatoires dans le cadre de la conclusion d’un bail d’habitation ;
– un agent immobilier pour avoir subordonné la location à l’exigence de la fourniture d’une caution de nationalité française par le candidat locataire de nationalité étrangère ;
– deux agences immobilières appartenant au même réseau, qui utilisaient un code informatique destiné à identifier les propriétaires ne désirant pas louer leur bien à certains candidats locataires en raison de leur origine raciale ou ethnique.
Un candidat locataire qui se verrait refuser une location pour l’une de ces raisons peut invoquer les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal qui définissent la notion de discrimination et punissent le fait « de refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ». En application de ces dispositions, tout agent immobilier peut donc être condamné pour pratiques discriminatoires et encourt une peine d’emprisonnement de 3 ans et une amende de 45 000 euros. Le client pourrait recourir au Défenseur des droits qui s’est substitué depuis le 1er mai 2011 à la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et l’égalité) et qui peut être saisi directement ou par l’intermédiaire d’un député, d’un sénateur ou d’un représentant français au parlement européen, ou conjointement avec une association. Le Défenseur des droits pourra également se saisir d’office s’il a connaissance de pratiques discriminatoires. Celui- ci dispose de pouvoirs d’investigation importants lui permettant notamment de demander des explications, d’auditionner des personnes, de consulter des documents ou même dans certains cas de procéder à des vérifications sur place. Il pourra même proposer une transaction qui prendra la forme du paiement d’une amende qui ne pourra excéder 3 000 euros pour une personne physique ou 15 000 euros pour une personne morale.
La Halde a ainsi pu juger que le fait pour une agence de diffuser des offres en les réservant aux seuls fonctionnaires, excluant donc les ressortissants extracommunautaires, est une discrimination indirecte.