Pourquoi avoir réalisé cette étude ?
Nous avons saisi l’opportunité qu’offrait un appel d’offre de recherche lancé par le POPSU (à la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages du Ministère de la Transition écologique) avec le financement du Réseau rural français. Cet appel d’offre s’intitulait « Exode urbain : impacts de la pandémie de COVID-19 sur les mobilités résidentielles ». Nous en avons été lauréats et avons pu, grâce à son financement, explorer ce sujet brûlant mais mal documenté de l’exode urbain. Personnellement, ma motivation a été de développer une réponse plus solide que celle que j’avais déjà pu élaborer à chaud à partir de mes travaux sur les dynamiques migratoires en France. Grâce à la recherche que nous avons pu mener, j’offre des réponses plus satisfaisantes et surtout, des résultats consolidés aux questions que les journalistes et les acteurs de la ville et de l’immobilier me posent.
Comment a-t-elle été effectuée et sur quoi s’appuie-t-elle ?
Nous avons travaillé à partir des données du site d’annonces immobilières leboncoin qui est à ce jour le plus consulté en France. Non seulement, ce dernier a l’avantage d’attirer toutes sortes de catégories de population et donc d’être représentatif de la population, mais il couvre également les marchés qui nous intéressaient en premier lieu : c’est-à-dire les marchés ruraux, en général détendus. Une partie du travail a consisté à exploiter les données de navigation du site leboncoin qui donnent des renseignements d’une part, sur le lieu depuis lequel l’internaute consultait des annonces ; et d’autre part sur la localisation des biens qu’il consultait.
Cette double géolocalisation a permis de développer pour la première fois une analyse du réseau complet des projections géographiques des Français dans le cadre de leurs projets immobiliers. En parallèle, nous avons également réalisé une enquête par questionnaires auprès des utilisateurs du site leboncoin afin de donner un peu de corps aux projections reconstituées grâce aux données de navigation. Ces dernières ne nous permettaient pas d’avoir des précisons sur les caractéristiques d’âge ou encore les catégories socio-professionnelles des internautes, en particulier des urbains en quête d’un logement à la campagne. En outre, nous avons pu travailler grâce à cette enquête par questionnaires sur les intentions et les aspirations des internautes, sans oublier de leur poser la question de la place de la crise sanitaire dans les facteurs de déclenchement de leur projet.
Quelles grandes lignes ressortent aujourd’hui de cette étude ?
Dans un premier temps, nous pouvons établir qu’il n’y a pas eu d’exode urbain dans le sens où l’on a assisté à des projections massives de l’urbain vers le rural. Si l’on peut reconnaître que ces projections se sont légèrement accentuées au cours du premier confinement lorsque la France était totalement à l’arrêt, force est de constater que ces dernières se sont rapidement tassées pour revenir aux tendances pré-Covid fin 2021.
En parallèle, trois mouvements se sont renforcés avec la crise sanitaire :
– Tout d’abord, la métropolisation, selon laquelle les métropoles attirent à elles et se nourrissent d’échanges importants entre elles et en leur sein.
– La périurbanisation, qui s’alimente de flux sortants des espaces urbains.
– Le renforcement de l’attractivité des villes moyennes qui était déjà en œuvre avant la crise sanitaire.
Parmi les autres points de l’étude intéressants à souligner, il faut noter que la plupart des projections qu’on observe ciblent des territoires qui sont moins tendus que le territoire de départ.
Enfin, contrairement aux idées préconçues véhiculées par la presse, les catégories socio-professionnelles supérieures occupant un emploi télétravaillable sont sous-représentées parmi les candidats au départ à la campagne, contrairement aux profils qui approchent de l’âge de la retraite qui sont, quant à eux, sur-représentés.
Quelles conclusions faut-il en tirer pour les années à venir ?
Il est aujourd’hui essentiel de se donner les moyens au fil de l’eau de suivre les marchés, les projections des Français et éventuellement leur achat au moment de leur passage à l’acte afin de saisir de manière un peu objectivée les effets de crise. Après avoir parlé pendant des mois à tort de l’impact de la crise sanitaire sur ce fameux exode urbain, on entend aujourd’hui parler d’un retour en ville à cause de la crise énergétique et de l’inflation. De la même manière que la presse s’est un peu trop précipitée dans des interprétations sur la crise sanitaire et de ses effets sur les projets des Français, cette nouvelle crise mérite aujourd’hui beaucoup plus de précautions et un détour par la recherche, l’exploitation des données.
Pour en savoir plus :
Consultez les résultats du rapport « Un exode urbain post-Covid ? »
Claire Juillard
Claire Juillard est docteur en sociologie, spécialiste de la ville, du logement et des marchés immobiliers.
Elle a co-fondé et co-dirigé pendant sept ans la Chaire Ville et Immobilier à l’Université Paris-Dauphie et offre dorénavant ses services aux acteurs de l’immobilier au sein d’Oggi Conseil, sa propre agence de conseil et de recherche.
Elle intervient tant en amont qu’en aval des projets, dans une démarche d’expertise et de production de contenus à forte valeur ajoutée. Elle développe en parallèle une activité éditoriale à partir de recherches qu’elle réalise grâce à la souscription financière de partenaires issus de l’immobilier.Mob : 06 63 80 81 42