“ Les évolutions démographiques de la France sont claires : en 2040, 15% de la population sera âgée de plus de 75 ans (soit 10,1 millions de personnes). Sans oublier que plus d’1 français sur 4 aura plus de 65 ans” souligne Enrique Muzard, sociologue et co-Président du Club de l’évaluation.
Les questions posées par le vieillissement sont multiples
- le maintien à domicile et ses conditions, dont l’adaptation technique des logements, sachant que 65% des Français veulent vieillir chez eux,
- le financement de son coût,
- les formules de résidences service adaptées
- la capacité d’accueil des résidences médicalisées: de 600000 chambres à ce jour disponibles, dont 40% dans le secteur public, il faudra passer à plus d’un million dans les 15 ans à venir.
- l’aptitude des personnes concernées ou de leur famille à financer cette forme d’hébergement. Rappelons que le tarif médian national d’un EHPAD est de l’ordre de 2000€ par mois face à une retraite mensuelle moyenne de 1800€ pour un homme et de 1000€ pour une femme. Sans surprise, plus de 3/4 des occupants des EHPAD sont incapables d’y subvenir sans aide.
- les solutions juridiques pertinentes pour le grand âge, qu’il s’agisse de financer grâce à l’immobilier, de rénover en étant âgé ou encore de transmettre.
Le Collège des Penseurs SeLoger, constitué avant les élections présidentielles de 2022, avait rendu un manifeste avec des priorités et des idées issues d’une réflexion collégiale inter-disciplinaire. La question du logement des nos ainés y était déjà adressée au travers de diverses idées directes ou indirectes telles que : encourager des services résidentiels type co-living pour la mobilité des jeunes actifs et des seniors; ou encore, revoir la fiscalité des donations pour inciter aux transmissions anticipées de patrimoine vers les jeunes générations.
Désormais sous forme de Club des Penseurs AVIV, il poursuit son engagement et s’attache à des sujets identifiés comme prioritaires pour aller plus en profondeur en ouvrant le débat collectif. Les enjeux liés à l’inversion de la pyramide des âges et la transmission du patrimoine sont un premier volet.
Plusieurs voies sont identifiées
Informer des conséquences économiques et sociales du vieillissement:
- le coût de la dépendance: 30000€ en moyenne pour la fin de vie en établissement spécialisé,
- l’absentéisme en entreprise des aidants des personnes âgées dépendantes,
- l’inadaptation des logements au vieillissement de leurs occupants.
Inventer et promouvoir des formules de logement intergénérationnelles, notamment avec la création d’un statut de loueur senior, l’accès aux locations étant fermé aux personnes les plus âgées, en particulier par crainte des bailleurs du droit au maintien dans les lieux auquel les plus faibles revenus peuvent prétendre.
Mieux encadrer les EHPAD, produits d’investissement:
- renforcer le contrôle des ARS (agences régionales de santé) pour s’assurer de la qualité des prestations et des équipements,
- instaurer un contrôle des prix des chambres dans lesquelles les ménages investissent et un contrôle public de la qualité des gestionnaires (suivi des travaux à réaliser notamment),
- revoir le bail commercial qui lie les sociétés d’exploitation aux petits épargnants investisseurs pour le rendre plus protecteur des bailleurs,
- informer le grand public du devoir de conseil des commercialisateurs de chambres d’EHPAD.
Favoriser des formes d’hébergement adaptées au grand âge:
- équiper en ascenseurs les immeubles collectifs existants sur tout le territoire, le parc n’étant pourvu que pour moitié,
- intégrer aux plans pluriannuels de travaux des immeubles en copropriété une obligation de mise aux normes d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, sachant que 6% seulement des logements sont adaptés à l’occupation par des personnes âgées ayant des difficultés à se déplacer et moins encore d’immeubles collectifs pour leurs parties communes,
- démocratiser le prêt avance rénovation – créé par la loi Climat et résilience de 2021 – en rehaussant les plafonds de revenus des bénéficiaires,
- faire connaître au public les aides existantes pour les travaux d’adaptation des logements, nationale – MaPrimeAdapt’ – et locales, en particulier grâce au réseau des administrateurs de biens, des agents immobiliers et des notaires,
- faire de la pédagogie et promouvoir le viager sous toutes ses formes, viager avec bouquet et rente, viager avec démembrement de propriété, viager avec prêt in fine adossé… Il est d’ailleurs imaginable que l’État puisse se substituer aux personnes âgées nécessiteuses pour acquitter les frais d’occupation d’un EHPAD en se garantissant sur la valeur du logement appelé à faire l’objet d’une mutation à titre gratuit,
- créer un label pour les résidences seniors présentant des caractéristiques spécifiques aux occupants âgés désireuses de vieillir à domicile (espaces partagés, environnement choisi, espaces verts, gardien logé, équipements dédiés à la prévention des risques de chute…).
Adapter les dispositifs financiers et fiscaux aux seniors:
- favoriser l’accession à la propriété comme préparatoire de la retraite, en permettant la déductibilité des intérêts d’emprunt,
- créer des dispositions fiscales incitatives au profit des bailleurs qui logent des seniors à des loyers maîtrisés (dans le cadre de la création annoncée d’un statut fiscal de droit commun de l’investisseur privé),
- encourager les banques à financer les viagers, pour lesquels elles ne consentent pas de prêt à ce jour,
Innover pour financer la dépendance et protéger les personnes âgées incapables:
- encourager la titrisation par les banques sur la base des actifs détenus par les seniors, 70% des plus de 75 ans étant propriétaires immobiliers,
- créer un mécanisme de garantie par l’État des prêts bancaires privés accordés aux personnes âgées à faibles revenus,
- faire connaître le mandat de protection future, le mandataire pouvant notamment organiser le logement des personnes âgées sous tutelle ou sous curatelle,
- alléger les droits de succession sur l’immobilier en ligne directe.
- développer des dispositifs de dons défiscalisants pour les jeunes qui aident à subvenir aux besoins de leurs grands parents (à l’instar des mécaniques de dons caritatifs)
De nombreuses pistes à exploiter pour agir vite face à l’urgence des enjeux car 2040 c’est demain. Un sujet universel et profondément humain à adresser collégialement. Je remercie encore l’ensemble des penseurs qui ont pu participer aux échanges pour leur engagement et leur volonté de faire bouger les lignes.
Étaient présents au dîner-débat sur le thème “Loger nos aînés, faciliter la transmission de leur patrimoine.. état des lieux et solutions” : Enrique Muzard (Co-président du Club de l’évaluation et sociologue), grand témoin lors du débat, accompagné de Didier Bellier-Ganière (Délégué Général de la FPI France), Danielle Dubrac (Présidente de l’UNIS), Alain Meslier (Délégué Général de la Fédération des Ascenseurs), Mickael Nogal (Ancien député), Laurent Permasse (Président de la SOFIAP), Thomas Prud’Homoz (Notaire Associé chez KL Conseil), Didier Riebel (Président de l’ASCOP-EHPAD) et Cécile Roquelaure (Directrice des Etudes d’Empruntis). Un échange animé par le parrain du Club des Penseurs, Henry Buzy-Cazaux (Président de l’Institut de Management des Services Immobiliers) sous l’impulsion de Franck Le Tendre, Vice-Président en charge des Opérations chez AVIV (Groupe SeLoger Meilleurs Agents).