Une fois accordé, le bénéficiaire d’un permis de construire peut demander la modification du projet ayant été autorisé en sollicitant de l’administration la délivrance d’un permis modificatif. Le régime de ce permis de construire modificatif (PCM) est jurisprudentiel puisque le Code de l’urbanisme n’en traite que de manière anecdotique à travers la seule exigence d’un formulaire spécifique (article. A. 431-7 du Code de l’urbanisme).
Le permis modificatif est ainsi une sorte de fantôme du Code de l’urbanisme, quasi-absent de la réglementation tandis que son usage est très répandu dans la pratique. Si le régime du PCM n’est pas défini par les dispositions réglementaires du Code de l’urbanisme, il est cependant encadré par une doctrine et une jurisprudence administratives abondantes. Toutefois, il est à remarquer que ces sources administratives et jurisprudentielles se caractérisent, d’une part, par une évolution très rapide et, d’autre part, par une grande souplesse d’application en fonction des espèces.
À en croire le ministère, « l’absence de cadre réglementaire dans le Code de l’urbanisme permet ainsi au dispositif du permis modificatif de conserver une flexibilité qui profite autant aux porteurs de projet qu’aux services instructeurs des autorisations d’urbanisme » (Réponse ministérielle à la question n° 07825, JO Sénat, 27/12/2018, p. 6747).
Les recours au PCM ne poursuivent pas toujours le même objet. S’il s’agit le plus souvent de faire évoluer le projet déjà autorisé à la demande du bénéficiaire, le pétitionnaire peut y avoir recours par ailleurs pour régulariser une construction ou un aménagement déjà réalisé(e) mais non conforme au permis, voire pour purger l’illégalité de ce permis initial.
Or, les conditions de recours au PCM établies par la jurisprudence administrative viennent de connaître une évolution significative.
1. Les conditions habituellement opposées au PCM
En premier lieu, la délivrance d’un PCM n’est admise que lorsque le permis de construire initial est en cours de validité. Dans tous les cas, la construction ne doit pas être achevée, sinon l’auteur des travaux doit demander un nouveau permis de construire. Ainsi, le fait de déposer une déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT) prive le titulaire de l’autorisation, laquelle est rendue caduque par le dépôt de cette déclaration, du droit de solliciter par la suite une évolution du projet déclaré achevé en ayant recours à une demande de permis de construire modificatif (CE, 25 novembre 2020, n°429623, G. c/ commune de Jablines).
En second lieu, la délivrance d’un permis modificatif était conditionnée jusqu’ici par le fait que l’évolution devant être apportée au projet ayant été initialement autorisé demeure mineure. Dans le cas contraire, le titulaire de l’autorisation devant être modifiée était contraint de déposer une demande complète pour obtenir un nouveau permis de construire, parfaitement distinct du premier. La jurisprudence administrative était jusqu’alors concordante sur les conditions de fond opposables au recours au permis de construire modificatif. Il importait que ces modifications « ne [puissent] être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause la conception générale de la construction autorisée » (CAA Marseille, 26 Décembre 2019, n° 18MA00655).
En l’absolu, il était impossible de déterminer une frontière précise entre les évolutions susceptibles de relever d’un PCM et celles excédant son champ d’application. Seule une appréciation in concreto (au cas par cas) permettait de le déterminer. Le juge tenait compte d’un rapport de proportionnalité entre le permis initial et le permis modificatif et veillait au fait que l’objet des travaux ne change pas fondamentalement. Devaient au contraire faire l’objet d’une demande de nouveau permis de construire des changements importants, tel que le déplacement de plus de trente mètres d’une construction par rapport à son emplacement initial (Cour administrative d’appel de Lyon, 15 janvier 2019, n°17LY03703).
2. Le PCM peut désormais presque tout bouleverser !
Cette jurisprudence classique sur l’étendue des modifications susceptibles d’être apportées au projet autorisé vient d’être abandonnée !
Le Conseil d’Etat a rendu le 26 juillet 2022 un arrêt (CE, 26 juillet 2022, n° 437765, Madame D.) qui élargit le recours au PCM et selon lequel : « L’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature. »
Le projet autorisé peut donc désormais être l’objet de modifications dont l’ampleur n’est plus réellement soumise à condition. Il est juste exigé du PCM qu’il ne modifie pas la « nature » du projet. La question de savoir ce que recouvre l’expression « nature du projet » est assurément délicate. La jurisprudence ne manquera pas d’en préciser les contours.
À notre sens, la « nature du projet » peut être considérée comme l’appartenance de celui-ci à l’une des catégories de travaux établie par le code : constructions nouvelles et travaux sur constructions existantes, aménagements et lotissements, démolitions. Cette position nous semble étayée par la rédaction des formulaires de demande d’autorisations d’urbanisme. Dans le formulaire de demande de permis de construire maison individuelle (CERFA n° 13406*10), la rubrique 4.2. intitulée « Nature des travaux envisagés » dissocie la « nouvelle construction » et les « travaux sur construction existante ». Au sein du formulaire de demande de permis d’aménager et autres permis de construire (CERFA 13409*10), la rubrique 4.1 intitulée « Nature des travaux, installations ou aménagements envisagés » oppose quant à elle le « lotissement » aux autres travaux d’aménagement (création d’aires de stationnement, affouillements et exhaussements, etc.).
On peut considérer de la même manière que « la nature du projet » peut être assimilée à la destination ou sous-destination de la construction au sens des dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme. Mais il n’est pas certain que le juge endosse cette analyse…