Dire que la situation est complexe dans la distribution de crédits immobiliers ressort du doux euphémisme. La hausse des taux d’intérêt consécutive au relèvement des barèmes de refinancement auprès des banques centrales est loin d’être achevée, même si elle devrait ralentir dans les mois à venir. À peine les différentes hausses de 0,75 % en octobre et de à,50 % de décembre digérées, que la BCE a confirmé son intention de maintenir le durcissement de sa lutte contre l’inflation. Une nouvelle salve (0,50%) sur début février et une future (0,50% sans doute) début mars prochain. Et tout cela en assurant ne pas devoir forcément s’arrêter là …. Le franchissement du seuil du « taux neutre » est acté, avec un risque assumé de provoquer une récession sur la zone euro (sans doute déjà visible mais encore dissimulée dans les statistiques). L’avenir dira si cette stratégie était la bonne, mais en attendant, l’impact sur les barèmes de prêts bancaires est immédiat.
Cette hausse n’est pas en elle-même un obstacle fort. D’une part, parce que le taux d’intérêt demeure inférieur au taux d’inflation, ce qui signifie qu’en contractant un crédit avec ce différentiel, l’emprunteur fait une économie par rapport à un paiement « cash » du fait d’une non dévalorisation de son investissement. D’autre part, parce que même à 3 % ou 3,50 %, la capacité d’emprunt reste supportable au regard des 30 dernières années.
Le souci actuel est que les autorités bancaires nationales n’ont pas souhaité accompagner le rebond violent des taux, voire même ont durci les conditions d’octroi en 2020 à travers les normes du Haut Conseil à la Stabilité Financière. Bilan : le consommateur est protégé par un mécanisme de taux d’usure, calculé sur des crédits distribués le trimestre précédent, et n’a pas d’échappatoire au travers d’un allongement de durée, puisque le HCSF a bloqué les durées maximales à 25 ans.
Tout ceci a d’abord provoqué une exigence forte des banques d’apport personnel plus conséquent sur les projets. Puis les banques ont fermé le robinet des crédits à toutes les populations pouvant présenter un impact sur le Taux Annuel Effectif Global trop élevé et dépassant le taux d’usure. Ce fut le cas des primo-accédants (peu d’apport, durées longues), des investisseurs privés (plus le droit de calculer en différentiel les revenus locatifs existants ou à venir), des séniors (pour qui l’impact de l’assurance de prêt fait souvent « exploser » le TAEG). Avec les dernières hausses de taux d’intérêt, le spectre des personnes impactées s’est encore élargi. Certaines enseignes bancaires ont décidé de contingenter leur production de crédits sur le dernier trimestre et d’autres ont stoppé leur production jusqu’à nouvel ordre.
Malgré tout, l’appétence des ménages français pour l’achat d’un logement ne se détériore pas. Et si le parcours du financement se révèle tortueux, il n’est pas pour autant bloqué. En effet, tout le monde ne pourra pas satisfaire son envie, mais la préparation du projet peut donner lieu à de belles opportunités d’achat et à des montages financiers intéressants. Pour ce faire, il est bon de rappeler qu’il existe des solutions de crédit qui méritent d’être revisitées. Et puis surtout, l’innovation est passée par là !
Toutes ces solutions s’inspirent de dispositifs connus mais tombés en désuétude, et les recettes marchent toujours bien. En route pour la réinvention des financements utiles !
Le crédit relais : une solution souple qui souffre de méconnaissance
Dire que le crédit relais a mauvaise presse est une lapalissade. D’abord, parce que les distributeurs de crédits préfèrent s’abstenir plutôt que d’accompagner leurs clients dans un tel montage, qui exige un bon suivi de l’opération. Ensuite, de la part des ménages qui ont l’impression que ce type de crédit coûte très cher. Enfin, par les médias qui s’étaient rués sur le sujet lors de la crise des subprimes.
Pour rappel, un crédit relais est un prêt permettant de financer un nouveau bien sans avoir vendu son bien actuel. Déjà, cela signifie qu’il faut être propriétaire d’un bien. Ensuite, il faut que la valeur nette du bien soit capable de répondre aux critères des banques, qui ne retiennent qu’une quotité du montant de la valeur estimée. Et puis attention à l’encours de crédit restant dû sur le bien actuel, qui doit être inférieur au prix net recalculé par la banque.
Tout l’enjeu du prêt relais réside dans la qualité de l’estimation. Bien évidemment la banque préférera réaliser le prêt relais si le bien en vente est déjà sous compromis, voire après validation de l’accord de prêt du futur acheteur, mais ce n’est pas toujours le cas.
Lorsque rien n’est encore engagé, vous pouvez aussi recourir au prêt relais-revente. La subtilité par rapport à un prêt relais « traditionnel » est que le banquier reprend l’encours de crédit attaché au bien en vente. Ainsi, on purge le bien à vendre de toutes charges, que l’on reporte sur le nouveau bien. Certes, le montant du prêt d’achat ressort plus élevé, mais cette nouvelle ligne de crédit sera amortie dès la vente du bien de toute ou partie du net vendeur. Et elle permet de ne pas rester avec l’encours du bien en vente en stand-by.
Les solutions par placements financiers, pas seulement réservées aux gros patrimoines
Autre montage : le prêt sur gage financier. Du même concept que le prêt hypothécaire pur, il s’agit pour le banquier de mettre à disposition une somme d’argent permettant de réaliser l’achat du bien au comptant ou avec un très gros apport en s’adossant à des actifs financiers : comptes titres, épargne bancaire, contrats d’assurance vie… Le banquier vérifiera la sensibilité au risque de marché (financier cette fois), et pourra accorder un crédit sur la base de la valeur nette la plus basse. Si la valeur des actifs financiers continue de progresser, vous pourrez alors arbitrer une partie de ces actifs pour effectuer le remboursement par anticipation du crédit.
Dans le même ordre, pensez à vos éventuels plans d’épargne entreprise. Leur déblocage peut être anticipé sans pénalité fiscale pour l’acquisition d’un logement occupé au titre de résidence principale. Et si par chance votre banque est en relation avec le gestionnaire du compte titres du plan d’épargne, vous pourrez même obtenir un prêt sur gage des actifs du placement, avec des remboursements anticipés programmés au regard des mises en disponibilité des fonds.
Toujours au registre des actifs financiers, n’oubliez pas d’examiner la possibilité de solliciter une avance sur votre contrat d’assurance-vie. Pour augmenter son apport personnel et rassurer le banquier, c’est souvent un bonus qui fonctionne.
La co-acquisition participative, pour des biens situés sur des marchés liquides
Mais il n’y a pas que les « vieilles recettes » qui peuvent être des solutions alternatives au crédit amortissable d’acquisition.
Une jeune pousse de la « Fintech », VIRGIL, a conçu et fait valider le principe d’une co-acquisition participative. Le principe est le suivant : un ménage urbain – car la clé du succès du concept réside dans la fluidité et la liquidité du marché où se situent les biens – répond aux critères de revenus des banques, mais manque de disponibilités pour son apport personnel. Le ménage peut alors solliciter VIRGIL pour intervenir au projet. L’entreprise investit jusqu’à 100 000 euros de capital dans la limite de 20 % du prix du bien. En échange de cet apport, VIRGIL détient une quote-part de l’appartement et devient copropriétaire « dormant ». L’acquéreur est chez lui et entièrement chez lui. VIRGIL ne réclame rien pendant toute la durée d’immobilisation des fonds. Dans un délai de dix ans maximum, les acquéreurs peuvent choisir de revendre leur bien quand ils le souhaitent. VIRGIL récupère alors sa quote-part du prix de vente, selon des règles initialement convenues. Ils peuvent aussi choisir de racheter les parts de VIRGIL au prix du marché à tout moment au cours de ces dix années.
Durant toute la période d’intervention de VIRGIL, l’acquéreur bénéficie d’un accompagnement sur-mesure, et ce dès la première simulation du budget jusqu’à la remise des clés, en passant par l’obtention du crédit et la validation du bien. Si elle est limitée, cette solution peut tout de même répondre à de nombreuses situations rencontrées ces derniers mois chez les jeunes acquéreurs urbains.
La location accession, ou comment revisiter la prise d’un bien avant de l’acheter
Appelée maladroitement leasing immobilier résidentiel, le concept de la location accession est un dispositif presque aussi ancien que la vente elle-même. Le procédé consiste à permettre à quelqu’un de prendre possession d’un bien immobilier sans l’acheter immédiatement.
Un professionnel (généralement ayant un statut de marchand de biens) acquiert un bien destiné à être utilisé d’abord dans le cadre d’une location par un ménage, avec une option d’achat à horizon de 3 ans. Selon le montage, une fraction du montant du loyer peut même être affectée à un compte séquestre pour constituer un apport personnel, afin d’optimiser la levée de l’option d’achat à son échéance. Le principal risque repose sur le professionnel acquéreur du bien, qui doit supporter le risque locatif, mais aussi le risque de marché durant la période de location. S’agissant du locataire, le risque n’est pas nul non plus, car le bail mis en place n’est pas du même régime que les baux résidentiels ordinaires, et les sommes versées, à l’exception des fonds séquestrés pour constitution de l’apport personnel (restituables), seraient perdues et la sortie des lieux expéditive.
Ce concept a été réactualisé par plusieurs jeunes pousses, qui ont souhaité industrialiser le concept. On citera la société HESTIA récompensée au salon RENT 2022, ainsi que la société SEZAME, qui permet des sorties à tout moment, une fois la première année de location passée.
En des temps difficiles d’obtention du crédit intégral, cette formule permet de saisir le bien qu’on veut absolument, ou en cas d’urgence. D’autres situations peuvent aussi y trouver leur compte. Il n’y a que l’imagination comme limite… ou presque.
Merci à Clara TAIRRAZ, co-fondatrice de SEZAME, ainsi qu’à Saskia FISZEL et Keyvan NILFOROUSHAN, fondateurs de VIRGIL.