Pour le savoir, revenons aux principes qui régissent la responsabilité de l’agent immobilier avant d’en voir des illustrations .
Les principes de la responsabilité
En premier lieu, traitons des fondements de la responsabilité de l’agent immobilier pour aborder ensuite les différents types d’obligations.
Les fondements de la responsabilité
Il existe deux types de responsabilités : la responsabilité contractuelle (art.1231-1 du Code civil) et la responsabilité délictuelle (art. 1240 du Code civil). Le signataire d’un mandat agira, le plus souvent, sur le fondement de la responsabilité contractuelle et les tiers au contrat sur la responsabilité quasi-délictuelle.
Trois conditions doivent être réunies pour qu’une demande d’indemnisation aboutisse : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre eux. Si l’une de ces trois conditions fait défaut, la responsabilité ne peut être engagée. La seule existence d’une faute est insuffisante car elle « n’implique pas nécessairement l’existence d’un dommage en relation de cause à effet avec cette faute » (Cass. 2e civ. 11 septembre 2008, n°07-20857).
De même, « des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle » (Cass. 3ème civ. 3 décembre 2003, n°02-18033).
Les types d’obligations
L’agent immobilier est débiteur de deux types d’obligations : une obligation de moyens pour l’intermédiation et une obligation de résultat au titre de la rédaction du compromis.
Pour la recherche d’un acquéreur, l’agent immobilier ne garantit pas qu’il va trouver un acquéreur mais il s’engage à faire ses meilleurs efforts pour le trouver. C’est une obligation de moyen.
Cependant, quand il rédige le compromis, l’agent immobilier – comme tout rédacteur d’acte – est débiteur d’une obligation de résultat. À ce titre, il doit garantir l’efficacité des actes qu’il rédige (Cass. 3e civ, 28 novembre 2007, n°06-17758). Enfin, l’agent immobilier est responsable des fautes commises par ses salariés (art.1242 du Code civil). La situation est différente si le collaborateur est indépendant ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce dernier doit être assuré par une assurance en responsabilité civile.
Illustrations de mise en cause de responsabilité
Quand la responsabilité d’un agent immobilier est mise en cause, il lui est le plus souvent reproché un manquement à son obligation de conseil. Cette obligation de conseil recouvre une réalité extrêmement large et peut s’analyser en une obligation de vigilance , d’information et de conseil .
L’obligation de vigilance
L’obligation de vigilance résulte de dispositions légales ou de la jurisprudence.
- Tracfin : le professionnel de l’immobilier a une obligation légale de vigilance dans le cadre de la réglementation du Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (dite TRACFIN). Il en résulte diverses obligations pour les professionnels qui y sont assujettis dont une obligation de vigilance (art. L561-4-1 du Code monétaire et financier).
- Droit de rétractation : SRU : à propos de la purge par voie postale du droit de rétractation de l’acquéreur non professionnel d’un bien à usage d’habitation, la Cour de cassation juge depuis 2019 qu’il appartient au professionnel « de vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l’avis de réception de la lettre recommandée adressée aux acquéreurs » (Cass. 3e civ. 21 mars 2019, n°18-10772). À défaut, elle retient la responsabilité de l’agent immobilier qui avait purgé le droit de rétractation.
- Diagnostics : la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a retenu quant à elle la responsabilité d’un agent immobilier pour ne pas avoir vérifié un diagnostic Carrez. Le diagnostiqueur avait intégré à tort la cave dans le calcul de la Carrez. Or selon la Cour, par une « simple lecture » l’agent immobilier, « aurait dû vérifier l‘exactitude des informations qui lui étaient transmises » et s’apercevoir de l’erreur. (CA, Aix-en-Provence, 3 septembre 2019, RG 17/07459).
L’obligation d’information
L’obligation d’information est inscrite dans le Code de déontologie et l’agent immobilier doit informer les vendeurs et les acquéreurs de « l’ensemble des informations qui leur sont utiles pour qu’ils prennent leur décision de façon libre et éclairée » (art. 8-3 du Code de déontologie).
Ainsi, la responsabilité d’un agent immobilier a été retenue pour :
- n’avoir pas informé des acquéreurs avant la signature du compromis de précédents travaux contre la mérule, dont la mention figurait sur le titre de propriété (Cass. 1ère civ. 14 novembre 2019, n°18-21971).
- avoir insuffisamment informé des acquéreurs d’un sinistre résolu relatif à des fissures, en se bornant à indiquer que le dossier avait été clôturé sans solliciter du vendeur plus d’informations et de justificatifs et sans effectuer plus de recherches (Cass. 3e civ, 14 décembre 2017, n°16-24170).
L’obligation de conseil
L’obligation de conseil peut revêtir de nombreuses formes et les tribunaux peuvent être sévères à l’égard des professionnels de l’immobilier.
Ainsi, la cour suprême a retenu qu’« il incombait à l’agent immobilier d’informer ses mandants de la nécessité de porter à la connaissance des acquéreurs l’état d’avancement du projet de rocade ». C’est en vain que l’agent immobilier a soutenu que les vendeurs « n’avaient aucunement besoin du conseil de l’agent immobilier pour se rendre compte que leur silence délibéré trompait leurs cocontractants » (Cass. 1ère Civ, 9 janvier 2019, n°18-10245).
La responsabilité de l’agent immobilier peut également être retenue à propos de la solvabilité d’un acquéreur. Dans une affaire où les vendeurs étaient informés des faibles revenus de l’acquéreur, de l’absence de séquestre et de la renonciation à la condition suspensive de financement, la responsabilité du professionnel a été retenue car il ne justifiait pas avoir conseillé aux vendeurs de prendre des garanties, ni les avoir mis en garde contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur (Cass. 3e Civ. 11 décembre 2019, n°18-24381). On note ici la différence entre l’obligation d’information qui a été réalisée et l’obligation de conseil qui ne l’a pas été.
Enfin, si l’agent immobilier est tenu d’une obligation de conseil sur le visible et le su, il ne l’est pas sur l’invisible et le non su(1).
(1) « Vices cachés : quelle est votre responsabilité ? » par Caroline Dubuis Talayrach