Les propriétaires fonciers manquent de certitudes face aux vicissitudes de la planification. Tout élément contribuant à la stabilité du régime juridique applicable aux terrains est ainsi légitimement recherché. C’est particulièrement le cas pour les propriétaires de terrains nus constructibles, menacés par une disparition ou par une réduction de leurs droits à construire.
Dans ce climat anxiogène, les vertus stabilisatrices du certificat d’urbanisme rejaillissent. Sa sollicitation constitue le moyen de mettre le terrain « à l’abri » au moins pendant 18 mois, le temps suffisant pour vendre ou faire déposer une demande d’autorisation qui pourra être instruite sous l’empire des règles et de la fiscalité ayant été cristallisées au jour de sa délivrance.
Gel ou cristallisation des règles d’urbanisme
Le statut du certificat d’urbanisme tient dans l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme. Il en résulte que le certificat d’urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un « droit à voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat » (CE, 11 octobre 2017, n° 401878, M. et Mme A. c/ commune du Pallet).
Tout certificat d’urbanisme assure à son titulaire ce droit au gel ou bien encore à la cristallisation pendant 18 mois des dispositions d’urbanisme applicables au jour de sa délivrance. L’article L. 410-1 alinéa 4 du Code de l’urbanisme établit toutefois une exception à ce gel de la réglementation pour permettre l’application au terrain de dispositions nouvelles ayant pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Mais le jeu de cette exception est circonscrit à des hypothèses très limitées et la jurisprudence en la matière s’avère assez pauvre (CAA Bordeaux, 29 avril 2004, n° 03BX00418, Poulet). Pour le reste, le droit à la cristallisation joue à plein et son bénéfice est immédiat et largement invocable.
La garantie offerte par le certificat d’urbanisme est d’effet immédiat. Celui-ci produit ses effets dès le jour de sa délivrance qu’il ait été accordé de manière explicite ou tacite. Une absence de réponse à une demande valablement adressée à l’autorité compétente fait naître en toute hypothèse un CUa tacite dont le délai de validité de 18 mois commence immédiatement.
En définitive, tout demandeur d’un certificat d’urbanisme a l’assurance de disposer de ce droit à la cristallisation dès lorsqu’il a déposé un dossier de demande complet au guichet unique. Une fois saisie, l’autorité compétente ne dispose d’aucun moyen de différer sa réponse : ni par une demande de pièces complémentaires ; ni en ayant recours au sursis à statuer qui ne peut être valablement opposé qu’à une demande d’autorisation et non à une demande d’information.
Il suffit que le certificat d’urbanisme ait été délivré antérieurement à une demande d’autorisation pour produire ses effets sur elle, et ce même s’il a été accordé après le dépôt de ladite demande et que l’instruction de celle-ci n’est pas achevée.
Le bénéfice élargi de la « cristallisation »
Mieux, le bénéfice de la garantie est très largement invocable selon la jurisprudence administrative. Il s’agit d’une qualité récemment reconnue au certificat d’urbanisme par le Conseil d’Etat au prix d’une véritable audace jurisprudentielle. Il est constant qu’il n’est nul besoin d’être le demandeur d’un certificat d’urbanisme pour prétendre en bénéficier lors du dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme. L’article L. 410-1 CDU ne réserve pas à la seule personne qui a présenté la demande de certificat les droits qu’il confère pendant 18 mois.
Il y a quelques années, le Conseil d’Etat a franchi un nouveau cap en reconnaissant que la cristallisation produit ses effets sur une demande d’autorisation d’urbanisme même si l’auteur de celle-ci ne se réclame pas explicitement dudit certificat (CE, 15 décembre 2015, n° 374026, Commune de Saint Cergues).
On conclut dès lors que le droit à la cristallisation ne connaît pas de bénéficiaire dont l’identité serait déterminée de façon définitive au jour de la délivrance du certificat d’urbanisme puisqu’un tiers peut tout à fait en bénéficier sans même le demander. En définitive, le certificat d’urbanisme ne connaît à tout prendre qu’un bénéficiaire : le « terrain » visé aux alinéas 2 et 3 de l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme.
Attention aux formulaires cerfa pc/pcmi/dp
Sous ce nouvel éclairage jurisprudentiel, la rédaction des formulaires de déclaration préalable de travaux et de demande de permis s’avère à certains égards inappropriée.
Les formulaires CERFA 13406 – demande de permis de construire pour une maison individuelle et/ou ses annexes comprenant ou non des démolitions – et CERFA 13409 – demande de permis de construire ou d’aménager – intègrent une rubrique 3-2 « Situation juridique du terrain » dans laquelle il est demandé au pétitionnaire de répondre à la question « Êtes-vous titulaire d’un certificat d’urbanisme pour ce terrain ? » par les réponses « Oui », « Non » ou « Je ne sais pas ». Pour tenir compte de l’invocation élargie du bénéfice du certificat d’urbanisme, la question mériterait d’être reformulée de la sorte : « Savez-vous si un certificat d’urbanisme a été accordé sur le terrain ? ». La réponse « Non » ou « Je ne sais pas » ne déchargerait pas toutefois le service instructeur de l’obligation de procéder à une recherche de certificat d’urbanisme en cours de validité sur les parcelles cadastrales identifiées dans la demande par les soins du pétitionnaire et dont l’ensemble forme le « terrain » au sens des alinéas 2 et 3de l’article L. 410-1.
Enfin, et c’est plus gênant, le formulaire CERFA 13703 – déclaration préalable à la réalisation de constructions et de travaux non soumis à PCMI – ne fait aucune référence à l’existence d’un certificat d’urbanisme. Pourtant, le bénéfice du certificat d’urbanisme n’est pas circonscrit aux seules demandes de permis de construire qui seraient déposées dans le cours de sa validité. Les déclarations préalables sont elles aussi visées à l’article L. 410-1 alinéa 4 du Code de l’urbanisme. Il conviendrait de faire valoir dans l’encadré n° 3 « Le terrain » sous la dernière ligne relative à l’existence d’un lotissement, la même question : « Savez-vous si un certificat d’urbanisme a été délivré sur le terrain ? ».