L’absence totale d’un(e) titulaire du portefeuille dans la première équipe gouvernementale a choqué notre communauté professionnelle. Un titulaire dans la seconde n’a pas gommé la déception. Laissons à notre ministre le temps d’agir. Le menu qui lui est proposé est copieux : la construction neuve est en berne, les taux d’intérêt augmentent et l’accès au crédit est toujours plus difficile.
Et pourtant, le logement est rentable pour l’État : 40 Md de dépenses pour 80 Md de recettes ! Plus question de le traiter comme une variable d’ajustement budgétaire victime des arbitrages ! Parmi les chantiers qui s’ouvrent, en voici quelques-uns prioritaires.
Rééquilibrer l’offre
Il faut rééquilibrer l’offre de logements en accession ou en location avec la demande, faute de quoi, les mêmes causes produiront les mêmes effets : tension sur les prix et parcours résidentiel à double ou triple vitesse.
«La situation de l’accès au logemenent pourrait préfigurer un futur mouvement social.» Bernard Cadeau, past-président d’Orpi.
Resolvabiliser la demande
La demande doit être resolvabilisée autrement que par un traitement social de l’inflation. Certes, les taux bas ont permis de soutenir la demande, mais le revirement de la politique monétaire pour lutter contre l’inflation se traduit par une augmentation des taux, une baisse du pouvoir d’achat immobilier. La rentabilité locative est écornée avec un plafonnement à 3,5 % d’augmentation des loyers pour un an. La solidarité nationale joue pour les locataires, c’est normal, mais elle ne doit pas ignorer les bailleurs aux revenus modestes qui remboursent un crédit. Pourrait-on par exemple permettre une portabilité des crédits (obtenus à taux bas) en cas de revente suivie d’un rachat ?
Financer la rénovation énergétique
La rénovation énergétique des bâtiments est estimée à 190 Md d’euros. Les professionnels avancent le chiffre de 6 à 8 millions de passoires thermiques. Le Président Macron a fixé un objectif de 700 000 rénovations par an soit 3,5 millions au terme du quinquennat. Le compte n’y est pas ! Disposons-nous d’ailleurs des ressources techniques et humaines pour y parvenir ? Quid du financement ? Le succès du dispositif Maprim’rénov ne doit pas occulter une réalité : chaque dossier mobilise environ 5 000 euros, mais le coût moyen estimé pour une rénovation complète est de l’ordre de 50 000 ! Attention à un reste à charge à deux vitesses entre ceux qui peuvent la financer et les autres, qui subiraient une forme de double ou triple peine ! Nous avons un rôle majeur à jouer, tant au niveau de la pédagogie que de l’accompagnement des projets.
Aménager les territoires
La mobilité professionnelle est un gage de revitalisation des villes moyennes et de réindustrialisation. L’aménagement de ces territoires est un formidable atout de rééquilibrage de l’offre immobilière. Il serait bon de redéfinir les contours et le calendrier du ZAN, qui jette le doute sur les projets.
Loger décemment
Fin 2016, le candidat Macron s’engageait à ce que personne ne dorme plus dans la rue. Ils sont aujourd’hui 30 000 ; 300 000 autres sont logés en hébergement d’urgence à l’hôtel, dans des conditions précaires. De surcroît, 70 % des locataires du parc privé sont éligibles à un logement social, mais n’y ont pas accès. La situation de l’accès au logement pourrait préfigurer un futur mouvement social.
Comment ?
Sans doute faut-il changer de paradigme et sortir d’une vision comptable technique du logement, au profit d’une vision sociétale. Je propose la règle des 3 S :
- Simplifier l’acte de construire et de rénover, et l’intégralité de la fiscalité immobilière.
- Stabiliser.
- Sanctuariser et voter une loi de programmation pour les dix ans à venir, garantissant ainsi la pérennité de la politique entamée.
Enfin, je renvoie à l’initiative de Henry Buzy Cazaux, à l’origine d’un manifeste pour le logement et l’immobilier, qui pourrait servir de feuille de route à nos dirigeants !