JDA : Foncia, en quelques chiffres c’est…
Philippe Salle : En France, Foncia dénombre environ 500 agences, qui sont spécialisées dans l’un de nos trois métiers : la transaction, le syndic et la gestion locative. Ce chiffre évolue vite car en moyenne, nous rachetons un cabinet par semaine, soit environ 50 par an. Au total, nos agences Foncia représentent 2,5 millions de lots si on cumule la gestion locative et le syndic. Le syndic et la gestion locative pèsent environ 800 millions d’euros dans notre chiffre d’affaires tandis que la transaction – qui est représentée à la fois par Foncia et par notre réseau de mandataires effiCity – devrait cette année dépasser les 200 millions. Au global, Emeria devrait donc générer environ 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2022 et ainsi prendre la place de numéro un mondial.
JDA : Quels critères regardez-vous lorsque vous rachetez un cabinet ?
Ph. S. : Depuis mon arrivée à la présidence de Foncia en 2017, j’ai accéléré cette stratégie de croissance externe, qui a toujours existé au sein du groupe. Maintenant que le marché la connaît, nous recevons une centaine de dossiers chaque année. Nous rachetons des cabinets de toute taille, essentiellement spécialisés dans la copropriété et la gestion locative. Notre critère, c’est qu’ils réalisent entre 1 et 2 millions de chiffres d’affaires. Actuellement, nous nous intéressons à ceux qui sont présents sur la façade Atlantique, notamment à Bordeaux et Nantes. D’ici 2026, nous aimerions ainsi gérer 100 000 immeubles, contre 70 000 aujourd’hui, ce qui nous permettrait d’avoir entre 25 et 30 % de parts de marché.
JDA : En janvier dernier, la holding Foncia Groupe a été rebaptisée Emeria. Pourquoi cette nouvelle stratégie de marque ?
Ph. S. : Notre nouveau nom concerne uniquement notre marque ombrelle, non nos marques commerciales. Si nous avons choisi Emeria, qui vient de la déesse grecque de la lumière Héméré, c’est pour marquer le début de notre accélération à l’international, après quatre années de transformations. Étant donné que notre stratégie est désormais multi-marques (nous disposons de Reanovo en Allemagne, Domicim en Suisse, FirstPort en Angleterre…), nous ne voulions pas que le nom du groupe soit le même que le nom d’une marque. Nous souhaitions au contraire que la maison mère se distingue. Jusqu’ici, ce n’était pas grave que notre holding porte le nom de Foncia Groupe car nous réalisions 90 % de notre chiffre d’affaires en France. Mais notre trajectoire est désormais tournée vers l’international…
JDA : Comment se déroule votre développement à l’international ?
Ph. S. : Aujourd’hui, notre objectif est clairement de renforcer notre position de leader mondial des services immobiliers résidentiels. D’ici 2025, nous accentuerons notre développement dans trois zones : en France, en Allemagne et en Angleterre, où nous avons récemment racheté le numéro 1 de la gestion de la copropriété FirstPort. Nous souhaitons également nous installer dans les pays d’Europe du Nord tels que les Pays-Bas. D’ici 2030, nous souhaitons générer plus de la moitié de notre chiffre d’affaires à l’étranger. La France est, de loin, le marché le plus complexe, le plus réglementé et sur lequel les honoraires sont les plus bas pour les clients. Nous sommes donc convaincus que si nous sommes parvenus à nous développer en France malgré ces contraintes, nous réussirons à le faire à l’étranger.
JDA : Ces dernières années ont également été consacrées à l’amélioration de votre qualité de service. Allez-vous proposer de nouveaux services à vos clients français ?
Ph. S. : En France, nous proposons deux types de services : l’assurance, via notre société de courtage Assurimo et la réalisation de petits travaux, via notre filiale Tech-Way qui, à terme, proposera un réseau national de 300 techniciens. Pour autant, nous ne développerons pas d’autres services hormis ceux-là car il n’y a pas de demande en France. En Angleterre, nous développons par exemple un service de conciergerie. En France, nous avions testé ce service il y a quelques années mais cela n’avait pas fonctionné. Cela ne nous empêchera pas de continuer à nous entourer de partenaires. Nous collaborons par exemple avec Artémis pour les prêts dans la transaction et avec Irve pour l’installation de bornes électriques dans les copropriétés.
JDA : Quels sont vos projets sur le volet digital ?
Ph. S. : Les deux grands piliers de Foncia, c’est la croissance et la technologie. Notre priorité pour les mois à venir, c’est d’achever notre transformation technologique. Via notre « Digital Factory », qui regroupe une centaine de personnes en interne, nous déploierons par exemple un nouveau logiciel informatique dans l’ensemble de nos agences Foncia, d’ici mi-2023. L’objectif est également de pousser notre application mobile « MyFoncia », dont la première version est sortie en fin d’année dernière. Après une nouvelle phase de tests qui s’achèvera en fin d’année, nous lancerons son déploiement auprès de nos 2 millions de clients copropriétaires en 2023. Cette application leur permettra notamment de payer leurs charges et de voter lors des assemblées générales.
JDA : Quels futurs outils prévoyez-vous d’embarquer dans cette application mobile ?
Ph. S. : Nos équipes ont volontairement construit notre application de manière très ouverte afin de l’enrichir au fil de l’eau. Via un système d’API, nous pourrons par exemple intégrer les services de nos différents partenaires. D’une manière plus générale, nous souhaitons contribuer à la connectivité des immeubles et des logements. À terme, l’application adressera donc « les irritants » d’une copropriété, c’est-à-dire tous les problèmes relatifs aux portes de garage, aux ascenseurs, au chauffage collectif, à l’électricité, à l’eau, à l’interphone… Demain, le président du conseil syndical pourra, via son smartphone, avoir des alertes en temps réel sur ces « irritants ». Le syndic pourra, quant à lui, faire preuve d’une plus grande réactivité dans la gestion d’éventuels incidents.
JDA : En 2006, Foncia a lancé une activité de franchise, avant de l’abandonner deux ans plus tard. Avez-vous pour objectif de vous repositionner sur ce sujet, maintenant que le modèle est plus mature ?
Ph. S. : Non ! Aujourd’hui, nous maîtrisons parfaitement notre réseau et nous n’aurions aucun intérêt à développer notre activité en tant que franchise. Nous sommes déjà implantés partout en France. Dans la copropriété et la gestion locative, c’est un modèle qui n’a pas de sens. Dans la transaction, il en a davantage car avoir un réseau est relativement coûteux. Pour autant, si la transaction existe chez Foncia, c’est parce que nous disposons d’un portefeuille conséquent de copropriétaires. La moitié du volume de transactions est apportée par ce biais. Si nous n’avions pas ce « momentum », nous réfléchirions différemment. Mais aujourd’hui, c’est un modèle qui ne nous intéresse plus, y compris si les franchisés sont installés dans des territoires stratégiques pour nous.
JDA : Vous avez racheté le réseau de mandataires effiCity en 2014. Quel regard portez-vous sur son modèle d’affaires ?
Ph. S. : Les réseaux de mandataires ont pris environ 20 % des parts de marché dans la transaction. Nous avons choisi de répondre à ce phénomène en rachetant le réseau 100 % digital effiCity. Aujourd’hui, son modèle est éprouvé : effiCity ne cesse de grandir et fait même ses premiers pas à l’international, au Portugal. Le réseau enregistre une croissance forte, comprise entre 40 % et 50 % par an. À titre de comparaison, Foncia (qui est l’un de ses concurrents) a grandi de 10 à 15 % durant le premier semestre. Cette année, effiCity vise ainsi les 70 millions de chiffre d’affaires, contre environ 50 millions en 2021.
JDA : La marque Foncia est-elle toujours en phase de recrutement ?
Ph. S. : Oui, Foncia poursuit sa cadence de recrutements. En administration de biens, nous recrutons chaque année environ 1 500 personnes. En transaction, nous sommes devenus plus sélectifs depuis que le marché s’est retourné. D’une manière générale, nous sommes surtout sensibles au savoir-être des professionnels qui nous rejoignent, le savoir-faire pouvant être acquis. Nous recherchons par exemple des gestionnaires de copropriété qui savent rassurer nos clients, être à l’écoute… Ce sont des profils difficiles à trouver. Généralement, ceux des gestionnaires de copropriété ont suivi des études de droit et ont un bagage très technique. À terme, nous devrons certainement recruter des profils moins « techniques », mais qui auront une grande capacité à parler à nos clients.
JDA : Le DPE est un sujet qui agite la sphère de l’immobilier. Comment sensibilisez-vous vos clients à la rénovation énergétique de leur logement ?
Ph. S. : Le nouveau DPE est un sujet important pour nous dans la mesure où nous gérerons, d’ici 2026, 3 millions de logement via nos 100 000 immeubles. Notre rôle est donc de porter la bonne parole sur le sujet de la rénovation énergétique, qui doit être voté en assemblée générale de copropriété. C’est la raison pour laquelle nous allons déployer des référents dédiés à la rénovation énergétique dans chaque métropole. Ils sauront, par exemple, aller plus loin que les préconisations des diagnostiqueurs et conseiller nos clients sur l’isolation des murs, des fenêtres… C’est dans l’ordre des choses que les immeubles se verdissent. Pour autant, c’est coûteux et « Ma Prime Renov’ » ne sera pas suffisante. Nous attendons une aide supplémentaire de la part du gouvernement.
JDA : Que pensez-vous du calendrier proposé par le gouvernement pour rénover « les passoires thermiques » ?
Ph. S. : Je n’y crois pas ! Le bâtiment, c’est le temps long. On ne peut pas rénover un parc de 600 000 à 800 000 immeubles en l’espace de 4 ou 5 ans. Ce que l’on risque, c’est de mettre des centaines de milliers de familles dans la rue. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut se fixer cette échéance. 25 ans, ce n’est pas déraisonnable en matière de rénovation. D’autant qu’il faudra convaincre, au cours des assemblées générales, les investisseurs locatifs et les propriétaires occupants, qui n’ont pas les mêmes attentes.