JDA : Quel premier bilan dressez-vous de l’année 2022 ?
Aurélien Flament : Après une année 2021 relativement folle, le premier semestre de l’année est plus « schizophrène ». Le conflit en Ukraine a déstabilisé le pouvoir d’achat des Français, donc ralenti le volume de transactions. Cela impacte forcément le volume d’annonces mis en ligne sur notre site. Nous constatons, au cours du premier trimestre de l’année, un recul d’environ 17 %. Pour autant, ce n’est pas parce qu’il y a un appauvrissement des stocks que notre audience décline. Aujourd’hui, nous enregistrons entre 12 et 13 millions de visiteurs uniques, dont 5 à 6 qui sont exclusifs, c’est-à-dire qui n’utilisent que notre site (dont 1 million uniquement en Ile-de-France). Les Français sont donc toujours en recherche, même si certains candidats à la propriété doivent reporter leur projet, du fait de la situation économique.
JDA : Comment entrevoyez-vous la seconde partie de l’année ?
A. F. : L’activité immobilière est très corrélée à la situation en Ukraine. Si elle s’enlise, cela pourrait créer une forme d’inertie sur le marché, d’autant plus si la bourse se dégrade brusquement. On espère également que la baisse du volume d’acheteurs va desserrer les taux de crédit immobilier et ramener du contenu sur notre portail d’annonces. Cela risque d’ailleurs de crisper certains professionnels de l’immobilier, qui devront se partager de plus petites parts du gâteau. Concernant l’immobilier neuf, nous attendons toujours une redynamisation. Ces cinq dernières années, les offres commerciales ont diminué d’environ 30 %. Il est temps que cela reparte. Quoiqu’il en soit, 2022 devrait être une très belle année sur le front de l’immobilier, encore mieux que 2019 qui était une année record.
JDA : Y-a-t-il eu un avant/après Covid en matière d’usages sur leboncoin ?
A. F. : La pandémie a été un catalyseur de changements en matière d’expérience immobilière. Les parcours clients des acteurs, notamment ceux des réseaux de mandataires, sont devenus plus digitaux. Et, à mes yeux, ce n’est que le début. Maintenant que les particuliers ont compris que plusieurs étapes de l’avant-vente pouvaient se dérouler à distance, nous allons apporter davantage de services. Nous allons permettre aux locataires de se constituer un dossier en ligne pour l’envoyer directement aux propriétaires. En 2023, des outils de gestion locative pour les particuliers louant leur bien par eux-mêmes devraient également voir le jour. Nous réfléchissons enfin à proposer des services liés au financement, à l’assurance, au déménagement…
JDA : La digitalisation des parcours clients a-t-elle déjà une incidence sur le contenu des annonces immobilières ?
A. F. : Nous avions fait le choix, avant la crise sanitaire, de ne pas prioriser le marché de la visite virtuelle, qui n’était pas encore concret. Nous constatons, depuis, que cette approche de « pré-visite » permet aux propriétaires de gagner du temps et d’évacuer les curieux. La visite virtuelle a donc été naturellement déployée sur leboncoin au dernier trimestre 2021. L’usage pourrait se généraliser, d’autant que les outils de captation vidéo sont désormais accessibles depuis un simple smartphone et que la cible – les acquéreurs – est désormais mature. Pour autant, nous nous interrogeons sur l’urgence de développer davantage la visite virtuelle, les plans 3D et la vidéo sur notre portail, alors même que les outils plus « basiques » remplissent encore leur mission avec efficacité.
JDA : Quels nouveaux outils lancerez-vous ces prochains mois ?
A. F. : Nous avons à cœur de soigner la relation entre les vendeurs et les acheteurs. Alors que les mandats de vente se font rares depuis quelques mois, nous souhaitons aider les professionnels à optimiser leur prospection et à capter de nouveaux clients lorsque, par exemple, ils publient des annonces sur notre portail. Généralement, les agents immobiliers qui font de la pige sur leboncoin sont mal reçus par les particuliers. L’outil que nous souhaitons développer a pour objectif de les aider à identifier le meilleur moment pour solliciter ces particuliers, donc d’optimiser leurs chances de succès. C’est d’autant plus pertinent que 80 % des particuliers utilisent leboncoin pour valoriser leur bien et 60 % d’entre eux finissent par travailler avec un professionnel de l’immobilier pour le vendre ou le louer.
JDA : Est-ce un premier exemple d’application de ce qu’on appelle « l’immobilier prédictif » ?
A. F. : Il ne faut pas faire de sur-promesse quant aux projections que l’analyse de données peut faire. Mais oui, c’est grâce à nos algorithmes que nous pouvons déterminer à quel moment les professionnels de l’immobilier peuvent contacter les particuliers. L’avantage de notre portail, c’est qu’il est généraliste. Cela veut dire que nous accompagnons nos utilisateurs à tous leurs moments de vie, pas uniquement lorsqu’ils réalisent une acquisition immobilière comme c’est le cas de nos concurrents. Ce positionnement nous permet d’étudier leurs mobilités géographiques en amont du moment où elles se réalisent. Lorsqu’un utilisateur parisien cherche activement un emploi à Marseille, nous savons que l’étape d’après sera dédiée à la recherche d’un logement, par exemple. Nous pouvons donc déterminer à quel moment il est opportun de lui suggérer d’être accompagné par un professionnel.