« Contentieux : la purge du permis de construire », Vincent Le Grand – Universitaire et consultant en droit de l’urbanisme

Faute de s’assurer de la purge d’un permis de construire, tout porteur de projet s’expose à de sérieuses déconvenues.

Selon un proverbe tchèque bien connu, « celui qui a un bon voisin vendra sa maison plus cher ». Il va sans dire que  celui-là pourra aussi construire plus vite ! Car, comme toutes les autorisations d’urbanisme délivrées, le permis de  construire peut entrer en conflit avec des intérêts  que des riverains peuvent vouloir défendre. Alerté par l’affichage du permis sur le terrain, ce voisin, que l’on qualifie en droit  de tiers, est susceptible d’en contester la légalité.

Avant de saisir le tribunal administratif, il pourra introduire devant le maire de la commune un recours gracieux  dans l’espoir d’en obtenir le retrait. Les règles applicables au contentieux du permis de construire reposent dans le  Code de l’urbanisme sur un équilibre délicat offrant des garanties aux différentes parties : d’une part, au bénéficiaire  de l’autorisation, qui entendra de manière légitime sécuriser celle-ci en la rendant incontestable ; et, d’autre part, aux  tiers méritant d’être suffisamment informés pour faire valoir leur intérêt à contester l’autorisation.

Le délai de recours de 2 mois

Le délai de recours contentieux contre un permis de construire court, à l’égard des tiers, durant une période continue  de deux mois à compter de son affi chage régulier sur le terrain d’implantation du projet. Il s’agit d’un délai franc. Cela signifie qu’il ne prend en compte que des journées entières de 24 heures. Le premier jour « franc » est  donc le lendemain (J+1) car l’affi chage s’y trouvera bien établi 24 heures durant. Si le dernier jour du délai se trouve  être un samedi, un dimanche ou un jour férié, le recours introduit le premier jour ouvrable suivant est encore  recevable.

L’affichage du permis sur le terrain

L’affichage du permis de construire sur le terrain revêt une importance considérable. Obligatoire durant l’intégralité du chantier, cet affichage doit être régulier pour permettre le démarrage du délai de deux mois de  recours des tiers contre l’autorisation.

L’affichage s’effectue sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 cm. Le Code de  l’urbanisme impose qu’il soit établi sur le terrain « de manière visible de l’extérieur » (art. R. 424-15 CDU). La liste des renseignements qu’il comporte « doivent demeurer lisibles de la voie publique pendant toute la durée du  chantier » (art. A. 421-7 CDU).

C’est au titulaire du permis de construire qu’il appartient d’apporter la preuve de la régularité de l’affichage. Il  pourra à ce titre utiliser tout élément de preuve. Il lui est loisible par exemple de solliciter un ou plusieurs constat(s)  d’huissier. Faute d’affichage régulier, le délai de recours de deux mois ne pourra pas débuter. Le permis ne restera  pas pour autant contestable indéfiniment ; l’autorisation sera automatiquement purgée au terme d’un délai de 6 mois  suivant l’achèvement des travaux. Sauf preuve contraire, la date de démarrage de ce délai est celle de la  réception de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité de travaux (DAACT).

L’intérêt à agir du voisin requérant

Le plus souvent, le voisin requérant est une personne physique. Dans ce cas, le tiers n’est recevable à former un  recours contre un permis de construire que « si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à  affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe régulièrement ou pour lequel il bénéficie d’une promesse de vente, de bail,  ou d’un contrat préliminaire » (art. L.  600-1-2 CDU). C’est à l’auteur du recours d’apporter la preuve de son intérêt à agir et il lui appartient de préciser  l’atteinte qu’il invoque.

Pour apprécier l’intérêt à agir du requérant, le juge doit vérifier un à un les éléments factuels avancés de manière à  apprécier s’ils sont de nature à caractériser « l’atteinte directe » aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de  jouissance de son bien (CE, 10 juin 2015, n° 386121, Brodelle et Gino). L’intérêt à agir des tiers est évidemment  conditionné par leur proximité au regard du projet. Cette proximité peut être appréciée de façon différente selon  l’importance de la construction autorisée. Plus la construction est conséquente, plus sa zone d’impact est elle- même importante.

Prenons un exemple récemment jugé par le Conseil d’Etat, qui a décidé que, n’a pas d’intérêt à agir le tiers dont la  propriété, située dans un secteur demeuré à l’état naturel, est séparée de celle des bénéficiaires du permis de  construire par une parcelle longue de 67 mètres. Dans les faits, la maison du tiers est distante d’environ 200 mètres de l’habitation dont la construction est autorisée par ce permis. Les boisements présents sur les terrains en  cause ne suffisent pourtant pas à occulter toute vue et tout bruit entre le terrain d’assiette de la construction et la  propriété du requérant. Ces éléments ne sont pas, à eux seuls, de nature à établir une atteinte directe aux  conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien (CE, 18 mars 2019, n° 422460, Commune de Montségur-sur-Lauzon).

L’obligation d’information à la charge du requérant

L’auteur du recours contre un permis de construire est astreint à une double obligation d’information (art. R. 600- 1 CDU). Il lui faut notifier son recours à l’auteur de la décision – le maire – et au titulaire de l’autorisation. La  notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à  compter du dépôt du recours au tribunal. La notification est réputée accomplie à la date d’envoi  de la lettre.

Informé de l’existence de ce recours, le titulaire du permis de construire prend le plus souvent la décision de ne pas  débuter le chantier ou de suspendre les travaux s’ils ont déjà commencé, bien que ce ne soit pas une  obligation. En effet, l’introduction d’un recours contre un permis de construire devant le maire ou devant le  tribunal administratif n’entraîne pas la suspension de celui-ci.

Pour ne pas attendre cette éventuelle notification et  engager ses travaux en toute sérénité, le titulaire du permis de  construire peut se faire délivrer par le greffe du tribunal administratif compétent un certifi cat de non-recours attestant de l’absence de recours contentieux contre son autorisation (art. R.600-7 CDU).

Ainsi, pour achever notre propos sur un autre proverbe, de même qu’un homme averti, un permis de construire  purgé en vaut deux !

 

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Vincent LE GRAND: Vincent LE GRAND est universitaire et consultant en droit de l'urbanisme et de l'aménagement. Il répond à toutes demandes de consultation et propose aux acteurs de l'immobilier des accompagnements adaptés en assistance juridique (VLG CONSEIL). Vincent LE GRAND a créé et dirige le diplôme d'université "Droit de l'urbanisme" au sein de l'Université de Caen Normandie, seule formation continue ouverte en e-learning dans ce domaine à l'échelle nationale