Nombre de professionnels de l’immobilier passent l’étape de l’estimation d’un bien dès lors que le propriétaire ou un confrère en a déjà donné un prix. Pourtant, il me paraît essentiel de réaliser tout de même un avis de valeur. Car si l’on explique souvent au vendeur l’intérêt d’une estimation faite par un professionnel de l’immobilier, ce sujet est pourtant rarement abordé dans l’intérêt même du professionnel.
L’importance d’un avis de valeur
Pour rappel, un avis de valeur est là pour exprimer la valeur du bien ; c’està-dire son prix de vente et non son prix de mise en commercialisation. C’est toute la différence entre le marché réel et le marché théorique. En tant que professionnel de l’immobilier, expliquer cette distinction au vendeur relève de votre devoir de conseil et d’information (on l’oublie trop souvent). Pour ce faire, il est important de vous baser sur des ventes réelles afin d’être dans le concret pour le vendeur.
D’ailleurs, notez que si certains conseillers annoncent le prix de mise en commercialisation, d’autres présentent le prix auquel sera vendu le bien. La différence semble minime et pourtant, comprenez que ces deux stratégies sont diamétralement opposées.
Prix de mise en commercialisation et prix de vente
Dans le premier cas, le professionnel qui annonce au vendeur le prix de mise en commercialisation de son bien laisse d’entrée de jeu une porte ouverte à la négociation. Cette position présente la difficulté de ne plus pouvoir vraiment maîtriser le niveau de négociation et de ce fait, il vous fait prendre le risque de vendre le bien moins cher.
Dans le second cas, le professionnel qui préfère annoncer le prix de vente d’un bien ne laisse place à aucune négociation de la part des acquéreurs. L’objectif est d’en obtenir le meilleur prix possible dans un délai court. J’avoue préférer cette option. Cela vous permettra également de vérifier votre avis, de faire le tri entre toutes les estimations réalisées par vos confrères et celle faite par le propriétaire. Vous aurez ainsi une vision éclairée qui vous permettra d’adapter votre stratégie de prise de mandat et de dialogue. Lors de vos rendez-vous, vous devrez expliquer au vendeur que l’écart potentiel de prix entre toutes les estimations réalisées est peut-être dû à cette différence de stratégie de mise en vente choisie par le conseiller ou l’agent immobilier. Nous écartons ici évidemment l’estimation de complaisance.
Par ailleurs, rappelez-vous que l’estimation sert à donner une information fiable sur la valeur du bien, valeur sur laquelle le vendeur pourra s’appuyer à un instant T – même si cela ne lui plaît pas -, notamment pour envisager pour son projet d’acquisition. Ainsi, le tromper sur la valeur de son bien serait une véritable erreur… surtout si le client s’engageait sur une autre acquisition trop onéreuse. Caroline Theuil, juriste experte en évaluation, nous a informés à juste titre qu’un avis de valeur pouvait engager votre responsabilité (article du 10 octobre 2019 sur le site du Journal de l’Agence).
Je vous délivre ainsi ici cinq points capitaux permettant de comprendre à quoi sert vraiment un avis de valeur, car ne pas connaître le prix auquel va se vendre un bien pourrait vous mettre dans l’impasse.
En quoi l’avis de valeur vous est utile ?
1) Positionner correctement le bien sur son marché et cibler le bon avatar. Cela vous permettra d’amener les bons acheteurs, ceux qui ne négocieront pas (ou peu) le prix. L’objectif est d’optimiser le délai de vente au meilleur prix.
2) Apporter de la valeur à un vendeur ayant déjà réalisé une estimation en ligne. Votre rôle est ainsi
de confirmer ou d’infirmer le résultat trouvé par le logiciel d’estimation ; c’està-dire expliquer en quoi vous êtes d’accord ou non et en apporter les preuves concrètes.
3) Détecter les prix paliers qui font basculer radicalement entre deux typologies de biens. Sur certains secteurs, vous trouverez sensiblement les mêmes biens dans une fourchette allant de 200 000 à 250 000 €. Mais pour quelques milliers d’euros supplémentaires, vous franchissez le palier des 250 000 €. Pour 255 000 € ou 260 000 €, vous ajouterez donc au bien une terrasse si c’est un appartement ou une piscine si c’est une maison. Cela fait basculer la catégorie d’acheteurs. Or, un bien sans piscine ou sans terrasse sera totalement évincé du marché par ces derniers si le vendeur persiste à être en concurrence avec des biens correspondant à une toute autre demande.
4) Savoir vers qui doit peser la pression de la négociation. Votre rôle est d’offrir le meilleur prix au vendeur. Pour cela, vous devez connaître le prix auquel doit être vendu de manière juste le bien et savoir sur quel interlocuteur actionner le levier de la négociation. Si le bien est trop cher par rapport au marché, c’est au vendeur de baisser son prix en acceptant la négociation. Si le bien est au prix du marché et que l’acheteur fait une offre en dessous, la négociation devra s’exercer sur l’acheteur en lui démontrant la valeur du bien, afin de le faire renoncer à cette baisse de prix injustifiée. Pour autant, pensez que la négociation ne doit pas être systématique. Votre rôle est de préserver à la fois les intérêts du vendeur et de l’acheteur, en étant le médiateur de la valeur du bien.
5) Pour finir, une astuce « savoir-faire » : la fourchette de prix donnée au vendeur doit être la plus faible possible en pourcentage. Un écart de 10 000 euros sur un bien à 100 000 euros n’est pas du tout la même chose que sur un bien à 300 000 euros. Donnez-vous, de préférence, une limite en pourcentage : par exemple, un écart de 5 % maximum entre la fourchette haute et basse. Au-delà, vous risquez de perdre en crédibilité. Plus l’écart de fourchette sera moindre, plus votre avis sera impactant. À l’inverse, une fourchette trop grande vous desservira et risque de vous éloigner du prix souhaité de votre mandat. Imaginons que votre fourchette donnée soit entre 200 et 250 000 €, le vendeur souhaitera tenter une mise en vente à 300 000 €, par effet miroir à votre grand écart
En revanche, si vous donnez une fourchette plus précise entre 200 et 205 000 €, le vendeur s’en rapprochera davantage et tentera au maximum 210 000 €. Attention, estimer un bien fait partie d’un processus complet. Si vous vendez trop tôt votre prix sans vous être mis d’accord avec le vendeur sur le principe de travailler ensemble, vous risquez d’entendre de sa part le fameux et redouté : « Super vous êtes sympa, vous avez fait un travail formidable, mais je vais me débrouiller seul.e ». Ou pire, vous aurez travaillé pour la concurrence. Pour que cela n’arrive pas, prenez soin de respecter les étapes du processus de prise de mandat et veillez à apporter suffisamment de valeur à vos prospects.