Le cas du copropriétaire majoritaire est loin de faire figure d’exception. Il arrive en effet plus souvent qu’on ne le pense qu’au cœur d’une copropriété, un seul copropriétaire détienne plus de la moitié des tantièmes. Pour éviter l’application systématique de la loi du plus fort, la législateur a prévu de limiter les pouvoirs d’un tel copropriétaire. Est-ce pour autant suffisant ?
La répartition des voix en assemblée générale.
Par application des dispositions de l’article 22 de la loidu 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose, en assemblée générale, d’un nombre de voix proportionnel à la quote-part qu’il détient sur les parties communes.
Il arrive ainsi, qu’un copropriétaire possédant plusieurs lots, détienne un nombre de voix supérieur à la somme des voix des autres copropriétaires. Mais ce n’est pas le seul cas de figure en la matière puisqu’il n’est pas rare de rencontrer au sein d’une copropriété moyenne un lot notablement plus important que les autres (un gros commerce par exemple)
Face au copropriétaire majoritaire, la loi impose la réduction de voix
Dans un souci d’équité, le législateur a toutefois prévu que lorsqu’un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires. En d’autres termes, lorsqu’un copropriétaire est majoritaire, le nombre de ses voix est ramené à la somme des voix de tous les autres copropriétaires réunis.
L’article 16 du décret du 17 mars 1967, précise en outre que les majorités de voix exigées par les dispositions de la loi de 1965 pour le vote des décisions de l’assemblée générale et le nombre de voix prévu à l’alinéa 1 de l’article 8 dudit-décret sont calculés en tenant compte de la réduction résultant des dispositions de l’article 22.
Le but de telles dispositions est, on l’aura compris, d’éviter qu’un copropriétaire majoritaire soit tout puissant en assemblée générale.
Les limites de l’article 22
Par principe, il est donc difficile, voire impossible de se soustraire aux dispositions de l’article 22, les décisions ainsi adoptées pouvant être frappées de nullité.
Mais, en pratique, certains copropriétaires majoritaires peu scrupuleux peuvent chercher à éluder frauduleusement l’application de l’article 22, afin de conserver le contrôle de l’assemblée générale.
Pour ce faire, ils cherchent généralement à transférer la propriété d’une partie de leurs lots à un prête-nom, telle une société civile immobilière ou une personne physique de confiance, (souvent liée par un lien familial). Ces pratiques frauduleuses sont clairement condamnées par la jurisprudence : la Cour de cassation précise notamment qu’une assemblée générale « doit être annulée lorsqu’il est établi que l’acte translatif de propriété d’un lot de copropriété, a été réalisé au profit d’un tiers dans le seul but de faire obstacle à l’application du principe de réduction des voix, institué par l’article 22, en permettant ainsi à un copropriétaire majoritaire de sous-évaluer artificiellement sa quote-part de parties communes, tout en conservant la maîtrise des décisions en assemblée« .
L’application de l’article 22 admet toutefois des limites et cette disposition législative ne résout au final pas grand-chose, car elle modifie peu la position dominante du copropriétaire majoritaire. En effet, en dehors de toutes pratiques frauduleuses, la réduction de voix imposée par l’article 22, ne permet pas toujours d’empêcher le copropriétaire majoritaire de bloquer toutes les décisions qui ne lui conviennent pas, car seules les décisions nécessitant la majorité absolue imposent au copropriétaire majoritaire de composer avec les autres copropriétaires. Il suffit par exemple qu’un seul des copropriétaires soit absent lors d’un vote effectué à la majorité pour que le vote du copropriétaire majoritaire prime.
Gardons enfin à l’esprit que, quelle que soit la situation, rien ne peut être voté sans l’accord du copropriétaire majoritaire et que le seul pouvoir qu’ont les copropriétaires minoritaires est d’empêcher le copropriétaire majoritaire de voter ce qu’il veut, à condition d’être unanimes et tous présents le jour de l’assemblée générale.
Recours en cas d’abus de majorité
En cas d’abus de majorité, le seul recours possible, des copropriétaires minoritaires, est d’engager une procédure pour abus de position dominante à l’encontre du copropriétaire majoritaire. Il est alors nécessaire de démontrer d’une part que les décisions du copropriétaire majoritaire vont à l’encontre des intérêts de la copropriété et d’autre part, qu’elles causent un préjudice individuel ou collectif.
Pour autant, en pareille hypothèse, le tribunal ne peut se substituer à l’assemblée générale et prendre les décisions nécessaires, même s’il lui appartient de prendre les mesures d’urgence et conservatoires.