Peut-on exercer le métier d’agent immobilier sans carte professionnelle ? Non évidemment et, l’on peut se demander si ce sujet mérite un article. Toutefois, la réalité peut être plus complexe qu’il n’y paraît et la jurisprudence s’en fait régulièrement l’écho.
Premier rappel important : l’exercice sans carte ou sans attestation est passible civilement de la perte du droit à rémunération (honoraires ou dommages et intérêt) et de poursuites pénales pour exercice illégal. Précisons qu’une carte ou une attestation non valable est assimilée à une absence de carte ou d’attestation.
I- La carte professionnelle d’agent immobilier
Les formalités de carte (délivrance, modification, renouvellement) peuvent être faites en ligne (https://www.cciwebstore.fr/), envoyées en recommandé avec accusé de réception ou remises en mains propres contre décharge. Une fois votre format choisi, vous ne pourrez pas en changer : tout en ligne ou tout par courrier. Pas de mixte.
A. La délivrance initiale de la carte
La délivrance initiale ne pose généralement pas de difficulté. Les conditions à cumuler sont les suivantes : capacité professionnelle (diplômes et/ou expérience professionnelle), honorabilité (vérification du bulletin n°2 du casier judiciaire), assurance en responsabilité civile et garantie financière. Celles-ci doivent être remplies durant toute la durée de la carte laquelle, à défaut, n’est plus valable.
Un professionnel ne peut pas exercer tant que sa carte n’a pas été délivrée et ce, même si la demande est «en cours». Si vous choisissez de confier la constitution de votre société à un professionnel (avocat, expert-comptable ou notaire), certains proposent également de réaliser les formalités de cartes professionnelles. Ensuite, dès que vous devenez titulaire d’une carte professionnelle, vous êtes inscrit sur le fichier national des agents immobiliers (https://www.cci.fr).
Ce site permet de vérifier en ligne que chaque professionnel est bien titulaire d’une carte en cours de validité (ou d’une attestation d’habilitation). Dernière précision sur la garantie financière : l’activité « Transactions » peut être exercée sans garantie financière, à la condition de prendre l’engagement de ne détenir aucun fonds.
B. Le renouvellement de la carte
C’est à cette étape que les choses peuvent se compliquer. Rappelons donc la nécessité de respecter les délais et la procédure de renouvellement de votre carte.
- Le délai : la demande de renouvellement de votre carte doit être « présentée deux mois avant la date d’expiration de la carte » (article 80 du décret du 20 juillet 1972). Cependant en pratique, il est possible que votre demande déposée dans le délai légal soit rejetée par certaines Chambres de commerce et d’industrie (CCI) qui considèrent que la demande de renouvellement doit être déposée dans les deux mois de l’échéance. Si tel est le cas, vous n’aurez d’autre choix que de redéposer votre dossier dans les deux mois.
Notez que les délais de traitement sont très variables et qu’il est impératif que vous ayez obtenu votre renouvellement avant l’expiration de la date de validité de votre carte en cours. À défaut, vous serez considéré en exercice illégal. J’entends souvent que si la demande a été faite avant l’expiration de la carte, en cas de contrôle de la DGCCRF, l’agence serait « couverte » même si elle exerce après l’échéance. J’avoue ne pas partager cette analyse qui, en l’absence de texte, reposerait sur une tolérance administrative ne permettant pas à mon sens d’échapper à la qualification juridique de l’exercice illégal et ses conséquences.Enfin, lors des cessions d’agences (par cession de parts ou d’actions) et/ou de changement de dirigeant, les dirigeants pensent souvent qu’ils n’ont pas à renouveler « leur » carte puisqu’ ils vendent et/ou démissionnent. C’est faux, les dirigeants de société n’ont pas de carte. C’est la société qui est titulaire de la carte et le représentant légal qui remplit des conditions de capacité et d’honorabilité. La subtilité est de taille et la conséquence directe est que la carte de la société doit être renouvelée en cas de cession de titres et/ou changement de dirigeants. - Les pièces : la demande de renouvellement doit être signée du représentant légal et accompagnée de pièces listées sur le site : https://www.cciwebstore.fr/. N’oubliez pas que pour obtenir le renouvellement d’une carte professionnelle, chaque titulaire ou son représentant légal doit justifier de quarante-deux heures de formation tous les trois ans, incluant deux heures sur la non-discrimination à l’accès au logement et deux heures sur les autres règles déontologiques. N’attendez donc pas le dernier moment pour faire vos formations et constituer votre dossier de renouvellement .
II- L’attestation d’habilitation
Elle est obligatoire pour tout collaborateur remplissant les conditions.
A. Quand la demander ?
Période d’essai, délais de la CCI, contrat d’apprentissage, besoin urgent… autant de raisons pour lesquelles les attestations d’habilitation ne sont parfois pas demandées. Pourtant, tout collaborateur en contact avec la clientèle doit avoir son attestation dès son premier jour de travail.
Dans l’attente de l’attestation, certains font signer les mandats par une personne habilitée mais cela ne règle que partiellement la situation. En effet, doivent être habilités les collaborateurs qui « négocient, s’entremettent ou s’engagent » pour le compte du titulaire de la carte (article 4 Loi n°70-9 du 2 janvier 1970). Pouvoir s’engager et signer les mandats est l’une des trois actions que peut faire un collaborateur habilité. Le seul fait de négocier et/ou s’entremettre sans être titulaire de l’attestation est potentiellement une cause de perte du droit à honoraires.
B. Étendue des pouvoirs délégués
Avoir une attestation est nécessaire, mais il est aussi vivement conseillé d’être précis sur les pouvoirs délégués. La Cour de cassation a eu à trancher ce sujet dans une affaire où la nullité d’un mandat était soutenue au motif que l’attestation du collaborateur ne précisait pas qu’il était habilité à signer les mandats. La Cour a finalement retenu que dans la mesure où le collaborateur était habilité à détenir des fonds, il disposait des pouvoirs les plus larges et pouvait donc signer le mandat (Cass. 1e civ. 3 nov 2016, n°15-23234). La solution aurait pu être différente si le collaborateur n’avait pas été habilité à recevoir des fonds. Soyez donc précis sur les pouvoirs délégués .