« Et si l’on tuait la loi Hoguet ? », Henry Buzy-Cazaux Président de l’IMSI

La loi Hoguet est dans l’univers immobilier sacrée. Sauf qu’aujourd’hui, elle accuse son âge et est menacée de toutes parts.

Quand on prononce son nom, qui est celui de son inspirateur, on se signe. Et si quelqu’un vient à la profaner, on la  brandit telle un crucifix. Une preuve récente ? La reconnaissance obtenue par la FNAIM dans la loi Élan des titres  d’agent immobilier et d’administrateur de biens, et la tentative de ce même syndicat, désormais soutenu par le SNPI,  d’associer aux titres un symbole – la VESTA – et d’obtenir l’onction publique. Bref, on ne touche pas à la loi Hoguet.

Hoguet, inadaptée ?

Sauf qu’elle est menacée de toutes parts, même par les pouvoirs publics. Le quinquennat et la législature qui  s’ouvrent pourraient bien lui être fatals. Elle a dû d’abord s’accommoder, notamment à l’émergence des réseaux de  mandataires qui lui ont en un sens donné un second souffle, mais elle n’est pas adaptée à ces nouveaux modèles. Le  législateur de 1970 misait tout sur la responsabilité de proximité du dirigeant de cabinet ou d’agence, et les  préfectures puis les CCI ont fait vivre un système départemental, fondé sur un éloignement minimum entre le  manager et ses préposés, négociateurs ou gestionnaires habilités par lui à s’entremettre. Avec le digital et  l’organisation des réseaux de conseillers indépendants, ce modèle est chamboulé. La loi accuse son âge. Elle ne  prévoit rien de ce qui n’existait pas lorsqu’elle est née.

Hoguet, restrictive ?

Ce n’est pas tout. Le gouvernement lui-même s’interroge sur l’utilité de maintenir en vie une loi dont certains  jugent en haut lieu qu’elle ferme l’accès aux professions. Eh oui, cinquante ans après son vote, alors qu’on la croyait moderne et consumériste, on la regarde d’un œil suspect. Les instances européennes ont ouvert le bal pour  constater que ce qu’il est convenu d’appeler la restrictivité est trop forte chez nous par rapport à nos voisins  européens. Un indicateur est ainsi calculé, composé du poids de la règlementation, de l’exigence de qualification, d’autres exigences  d’accès et des exigences pour l’exercice. À ce jeu-là, avec un taux proche de 2, quand les Pays-Bas ou l’Allemagne sont proches de zéro, nous apparaissons comme les mauvais élèves. Seuls nos amis belges nous préservent du bonnet   d’âne : avec leur Institut national, ils fleurtent avec un indice de restrictivité de 3.

Les services de Bercy se demandent si nous ne faisons pas de zèle. Alors apparaît une doctrine à laquelle aucun esprit  formé à la loi Hoguet n’est préparé : on pourrait en tout cas libéraliser les activités de transaction, les plus  sujettes à un exercice ouvert et transfrontalier, en abaissant les barrières à l’entrée, en faisant à la gestion un sort différent. Cette idée déjà met à bas le dogme d’une loi du 2 janvier 1970 qui a voulu un sort commun aux agents  immobiliers et aux administrateurs de biens. Ensuite, elle fait courir le risque d’une profession à deux vitesses. Les  réseaux de mandataires s’en réjouiraient-ils ? On les sait par exemple tièdes, ainsi que leur syndicat, l’UNIS, pour que soit publié le décret de la loi Alur qui préciserait les obligations d’aptitude pesant sur toute personne appelée à  s’entremettre par habilitation obtenue au nom du titulaire de la carte professionnelle. Plusieurs figures estiment que  cette disposition fermerait l’accès aux fonctions de négociateur, voire de gestionnaire.

Dans le même temps, un rapport de la Cour des comptes sur le bon usage des fonds publics en copropriété observe  que les subventions allouées aux immeubles en difficulté sont utilisées par des professionnels insuffisamment  contrôlés, les syndics. La Cour note que ces acteurs ne sont pas réunis en ordre et qu’à ce titre, ils ne présentent pas les garanties de discipline et de rigueur que la collectivité est en droit d’exiger d’acteurs qui manient de l’argent  public. Intéressant de voir comme les regards sur la transaction et la gestion tiraillent le modèle de la loi Hoguet.

«La loi accuse son âge. Elle ne prévoit rien de ce qui n’existait pas lorsqu’elle est née.», Henry Buzy-Cazaux Président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, vice-président de FIABCI-France

Anticiper pour défendre un idéal immobilier

Que sortira-t-il de tout cela après le renouvellement du personnel politique au sortir des urnes ? Cela va dépendre des élus et de leurs convictions économiques. Soit ils tiendront notre vieux modèle pour exemplaire, soit ils le  tordront. Les organisations professionnelles vont également jouer un rôle déterminant. Aucun gouvernement  n’agira sans elles… et il serait heureux qu’elles soient solidaires. Il n’y a pas de tenants en leurs rangs de tout  libéral, mais ceux qui ont une marque puissante et différenciante pourraient préférer que les règles communes  soient moins drastiques, histoire de se développer plus vite sans bride. Les acteurs du digital pourraient également  voir dans l’abolition des règles une chance inespérée. On entend qu’à rebours le concept d’ordre  professionnel ferait son chemin, auquel on prête la vertu de doter les professions d’une dignité et d’une  respectabilité majorées. On lui attribue surtout l’atout d’opposer au gouvernement et au parlement une force institutionnelle qui épargnerait aux agents immobiliers et aux administrateurs de biens les humiliations  règlementaires si fréquentes, donnant au passage au corps professionnel le pouvoir de s’expurger de ses brebis galeuses.

«La loi Hoguet est bel et bien dans le collimateur. Le monde a changé depuis sa promulgation et feindre de l’ignorer
serait coupable.»

L’urgence d’une réflexion mature et cohérente est là. La loi Hoguet est bel et bien dans le collimateur. Le monde a  changé depuis sa promulgation et feindre de l’ignorer serait coupable. Il faut anticiper pour éclairer les décideurs  publics avant qu’ils ne se forgent un avis et ne balaient l’existant sans discernement. Ceux qui ont connu  l’immobilier sans régulation sont bien âgés ou morts et ne peuvent témoigner des dangers. En revanche, les  hérauts du marché sont de plus en plus nombreux. Le péril d’une situation chaotique existe. Les relations entre  professionnels sauraient-elles se stabiliser et ne pas faire la part belle au chiffre et au résultat, avec une course au  gigantisme délétère ? En fait, l’enjeu n’est pas de faire primer un modèle politique, il est de défendre un idéal  durable de l’immobilier, essentiellement pour le service aux particuliers, mais aussi pour l’immobilier d’activité.

 

 

 

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Henry Buzy Cazaux: Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat. Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement. Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.