La digitalisation des métiers de l’immobilier, accélérée par la crise sanitaire, pousse les professionnels à s’équiper en masse et à rattraper leur retard. « Nous avons vendu près de 250 000 signatures électroniques ces dernières années. Nous avons également beaucoup investi autour du Web, dans le SEO, le référencement, le web marketing ou encore la multidiffusion, très importants pour l’activité commerciale de nos clients », indique Patrice Silvere, président de DP Logiciels. Dans le même temps, Septeo équipe près de 16 000 agences avec ses outils, 2 000 administrateurs de biens et quelque 5 000 études de notaires : « Nous avons dépassé nos objectifs de croissance en 2021 et nous tablons pour 2022 sur un chiffre d’affaires encore supérieur, de l’ordre de 300 millions d’euros », indique Hugues Galambrun, CEO de Septeo.
Acheter ou se faire racheter
Les derniers mois ont été marqués par de multiples rachats chez les géants du logiciel. En mars 2021 Septeo achète Modelo, le leader dans la rédaction d’actes en ligne. Vient ensuite, en juin, Kinaxia, spécialisé dans l’expertise immobilière. En septembre, l’entreprise s’offre Netty, une start-up qui propose aux professionnels de la transaction une solution clé en main avec logiciel de transaction, sites web, webmarketing, le tout proposé sous la forme d’un abonnement, sans engagement de durée.
Même stratégie du côté de DL Software qui s’offre, en août 2021, le groupe Gercop. Un acteur historique, fondé en 1978, qui compte 19 000 clients. Au mois de novembre, c’est Jestimo, spécialisée dans l’évaluation immobilière des biens en vente et en location, qui tombe dans l’escarcelle de DL Software. De quoi consolider un pôle immobilier dont le chiffre d’affaires atteint les 150 millions d’euros pour des solutions plébiscitées par près de 25 000 clients gestionnaires d’actifs, administrateurs de biens et agents immobiliers.
DP Logiciel a de son côté multiplié les acquisitions en six ans (Rodacom, Tissot, et tout récemment Webgenery), permettant ainsi au groupe de revendiquer en mai 2021 plus de 15 000 utilisateurs licenciés et 1 000 000 de lots. « Le marché français est un marché fini », souligne Jérôme Revy, fondateur de Proptech Property Business. « Une fois les outils vendus, pour augmenter son chiffre d’affaires il faut racheter ses concurrents », ajoute-t-il.
Une stratégie d’autant plus facile à réaliser pour Septeo, DL Software et DP Logiciel depuis qu’ils sont adossés à de puissants fonds d’investissement. Le premier, valorisé à 1 milliard d’euros, est la propriété du fonds britannique Hg. Le second est soutenu par le fonds d’investissement américain TA Associates. Le dernier est accompagné par Andera Partners.
Miser sur la diversification
Face à ces gros groupes adossés à des fonds, d’autres sociétés misent sur des achats plus ciblés, comme La Boîte immo, qui aime à se définir comme « une PME indépendante et 100 % française » dont les outils équipent déjà près de 8 000 agences immobilières indépendantes. Spécialisée dans le segment de la transaction, l’entreprise n’exclut pas d’adapter son offre, dès 2022, à travers le développement d’une solution de gestion locative.
Vilogi, autre acteur indépendant, travaille également à la convergence des métiers à travers sa nouvelle application Vilogi & me, sortie en novembre 2021. « Cette application permet de diminuer les appels entrant pour le syndic de 20 % à 30 %. Elle est aussi simple d’utilisation qu’une application bancaire et nous travaillons déjà sur de nouvelles fonctionnalités pour les mois et années à venir comme la possibilité de payer directement le loyer ou les charges de copropriété depuis Vilogi & me ou encore de combiner l’application au logiciel de gestion des événements », indique Samuel Essaka Ekedi, directeur du développement chez Vilogi.
La croissance par le développement de nouveaux outils est l’un des ressorts utilisés par les indépendants pour se distinguer, tout comme le développement à l’international comme le fait la société Apimo : « Nous n’avons pas vocation à devenir un gros groupe. Nous nous concentrons sur les logiciels de transaction en mettant l’innovation en avant. Par exemple, nous travaillons beaucoup sur un process qui donnerait l’impression à l’acquéreur ou au vendeur que l’agence est ouverte 24h/24 et 7j/7 en ligne. On automatise le plus de tâches possible à travers des chatbots intelligents. Pour l’international, nous avons deux bureaux en Italie, un au Luxembourg, un en Tunisie et un à Bruxelles », indique Nicolas Guillaud de Saint-Ferréol, président d’Apimo. Une stratégie payante pour l’entreprise. Elle voit son chiffre d’affaires progresser de 32 % en 2021 et espère bien en faire autant en 2022. Pourtant, partir à l’étranger n’est pas toujours simple : « Le problème est qu’il faut se confronter aux acteurs étrangers lorsqu’on mise sur l’international ainsi qu’à la législation locale et au mode de commercialisation qui peut différer de la France. C’est plus difficile de s’exporter », constate Jérôme Revy.
Le lead à tout prix
Reste que les stratégies de rachat devraient perdurer avec pour ces Gafa deux grands objectifs. Le premier, constituer l’écosystème le plus complet possible en proposant à leurs clients de nombreux services complémentaires. Le second, accélérer le développement d’outils favorisant la captation de lead et donc de futurs mandats pour les agents immobiliers. Car si les acquéreurs sont au rendez-vous, poussés par des taux très bas, les vendeurs, eux, sont plus diffi ciles à saisir. « Sur le secteur transactionnel, les Legal tech peuvent tirer leur épingle du jeu et venir renforcer ces gros groupes », anticipe Jérôme Revy. Tout comme l’ensemble des process permettant, dans le secteur de la gestion locative, d’automatiser certaines actions comme la vérification du dossier du locataire ou encore l’édition d’une formule adaptée de garantie d’impayé de loyer. La crise sanitaire et ses conséquences sur les locataires poussent en ce sens. L’avenir des Gafa du logiciel immobilier n’est pas près de s’assombrir.