Dans son arrêt du 31 mars 2022, la Cour d’appel de Basse-Terre a eu a connaître d’un litige opposant un agent immobilier à son mandant vendeur. En l’espèce l’agent immobilier avait obtenu d’une venderesse un mandat de vente. L’agent immobilier a réalisé la mission d’entremise confiée par la conclusion d’une promesse synallagmatique de vente avec un acquéreur. Mais quelques temps plus tard, la venderesse n’a plus souhaité vendre son bien.
L’agence a alors assigné la venderesse pour se voir verser la clause pénale prévue au compromis de vente. La juridiction de première instance a rejeté la demande, ce qui a été confirmé par la Cour d’appel au motif que la vente ne pouvait être considérée comme conclue car la venderesse était propriétaire indivise avec ses deux enfants à la suite du décès de son mari.
La venderesse faisant valoir la faute de l’agence par son défaut de vérification du titre de propriété sur lequel il était mentionné son acquisition de l’époque avec son défunt mari. Dans le cas présent, l’agence s’était contentée de déclarations de la venderesse sur sa qualité de seule propriétaire. Aussi le professionnel de l’immobilier n’aurait pas pu ignorer que des investigations complémentaires auraient dû être menées pour s’assurer de l’ensemble des personnes disposant des droits sur le bien vendu et de leur consentement.
Les obligations de vérifications à la charge de l’agent immobilier
L’arrêt n° 21/00217 est riche d’enseignements en ce qu’il décrit les obligations de vérifications à la charge de l’agent immobilier :
« … il revenait dès lors à l’agent immobilier de vérifier personnellement, au prix d’un minimum d’investigations relevant de son domaine de compétence et portant sur des données accessibles (cadastre, documents d’urbanisme…), la consistance matérielle et juridique des biens qu’il est chargé de vendre et par suite le titre de propriété du bien immobilier soumis à son mandat de vente et les pièces d’état civil justifiant de la qualité de propriétaire de son mandant »
« Qu’il convient de rappeler en effet qu’un agent immobilier, en tant que négociateur et rédacteur d’acte, est tenu d’un devoir d’information et de conseil afin de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention »
« toutes les parties à l’acte auquel il prête son concours sont créancières d’une information loyale et de conseils adaptés, y compris celle qui ne l’a pas mandaté, envers qui, en cas de défaillance, l’intermédiaire professionnel engagerait alors sa responsabilité délictuelle ; »
Qu’ainsi se doit-il, au-delà de ce que son mandant lui déclare, de contrôler les risques juridiques susceptibles de faire obstacle à la réalisation de la vente par acte authentique ; que la consultation du titre de propriété par l’agent immobilier, qui lui aurait permis de vérifier également le statut civil de sa mandante et la nature de son régime matrimonial relevant ici du régime légal constitue une vérification personnelle indispensable à l’élaboration de l’acte ; »
Les documents à recueillir
Cet arrêt rappelle bien les devoirs de vérification dès la prise du mandat de vente et les documents à récolter :
- Le document constitutif du titre de propriété (une copie peut être demandée au Service de la Publicité Foncière),
- L’avis de taxe foncière, dont le nom des assujettis devrait correspondre aux personnes propriétaires,
- Les justificatifs d’identité des propriétaires,
- Mais aussi éventuellement pour corroborer les renseignements ou approfondir les investigations :
- Un état hypothécaire hors formalité auprès du Service de la Publicité Foncière,
- Demander un extrait d’acte de naissance au mandat,
- Un extrait de la matrice cadastrale auprès du Service des Impôts
En résumé, au risque d’engager sa responsabilité, l’agent immobilier ne doit pas croire sans avoir vu. Dès le stade du mandat, bien que l’on puisse être empressé de réaliser l’aspect commercial de l’opération, il convient d’en assurer la sécurité juridique avec la constitution d’un dossier solide.