Avant de répondre à notre question initiale, permettez-moi de partager quelques réflexions et convictions personnelles sur notre industrie des services immobiliers. Notre profession est à un tournant, pire, sur une ligne de crête peu confortable. Nous sommes pris entre deux réalités : d’une part, la part globale de marché des professionnels de l’immobilier stagne autour de 65 % (70 pour les plus optimistes) et d’autre part, l’importance réelle du digital et du numérique bouscule nos métiers.
Dans le premier cas, le plafond de verre est solide et nous ne sommes pas en mesure de capter les 35 % de parts de marché qui nous échappent. Dans le second, la multitude d’outils numériques offre aux particuliers un formidable prétexte pour tenter (et parfois réussir) de se passer des professionnels, tant il est vrai que les produits et services sont pensés par leurs créateurs « user centric » seulement. Et pour cause, que d’évolutions dans notre écosystème ! On observe tout d’abord une fragmentation du marché, comparable à une tectonique des plaques : les continents se sont mués en archipels. Puis, l’apparition de nouveaux modèles, tels les mandataires ou les systèmes hybrides type KW, de nouveaux acteurs, avec à la clé une nouvelle répartition des parts de marché qu’il ne faudrait pas ignorer.
Le boom du numérique et du digital
Une recomposition partielle du marché s’opère sous forme de concentration et de constitution d’un groupe leader, ARCHE en l’occurrence. Notons également que l’arrivée massive de capitaux ne manquera pas de continuer à modeler notre secteur. Pourtant, en marge de toutes ces nouveautés, un invariant absolu demeure : le vendeur aspire à adresser un maximum d’acquéreurs potentiels, tandis que l’acquéreur veut accéder au plus large choix possible. Voici la seule question à laquelle nous devons impérativement répondre, faute de quoi les particuliers feront leur marché sans nous !
«Les utopistes de la première création d’un fichier partagé ont dû se battre pour en faire accepter le principe. Faisons le même effort de clairvoyance !», Bernard Cadeau past-président d’Orpi
Agréger du contenu pour le partager
La piste que nous avons ? Celle de partager notre contenu. Les exemples ne manquent pas, certains existent depuis longtemps, ils ont fait leurs preuves et on remarque même souvent que ceux qui ont partagé (du savoir-faire, des équipements) se sont renforcés. Trois grandes banques françaises étudient également la mutualisation de leurs distributeurs de billets pour, je cite : « renforcer l’offre de services pour nos clients et obtenir un meilleur maillage territorial tout en diminuant les coûts » ! Enfin, et c’est sans doute le plus emblématique, TF1, France Télévisions et M6 ont créé SALTO, plateforme de partage de contenus audiovisuels, non par altruisme mais par nécessité.
Dans notre domaine, le partage de contenu ne peut s’opérer qu’avec des mandats exclusifs. C’est la seule façon de maîtriser son marché et le partage permet de lever la principale objection du vendeur : « Et si je souhaite confier la vente à un autre professionnel ? ». Certains d’entre nous l’ont compris et ne travaillent plus autrement ; ils et elles peuvent témoigner qu’in fine, ils sont gagnants.
Certes, le partage est une réalité mais elle est trop éparse ; différents systèmes (associatifs ou commerciaux) existent sans rassembler une majorité d’utilisateurs. Notre enjeu supérieur est l’union. Regardons le marché tel qu’il est et non tel qu’on pourrait le rêver. Soyons pragmatiques, fuyons les décisions dictées par l’émotion et le calcul. Les mentalités doivent évoluer. Les utopistes de la première création d’un fichier partagé ont dû se battre pour en faire accepter le principe qui n’allait pas de soi. Faisons le même effort de clairvoyance ! Les ambiguïtés devront être levées si nous voulons bâtir le futur ensemble. Passons du « politiquement correct » au « commercialement incontournable ». Souvenons-nous que « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».