Si 2021 marque un millésime exceptionnel pour le marché de la transaction immobilière, les autorités de régulation du marché bancaire durcissent les règles de distribution du crédit immobilier, à travers un renforcement des contraintes décidées par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF). Le motif invoqué ? La protection des ménages et la surveillance de leur endettement. Si cette approche pour l’accession à la résidence principale rencontre un écho limité d’un point de vue prudentiel, elle reste incompréhensible pour l’investissement locatif. Les critères ne font aucun cas de la notion de reste à vivre essentielle dans la solvabilité des emprunteurs, ils ne tiennent ni compte de la particularité des revenus fonciers, ni de la situation patrimoniale des investisseurs. Dans un marché du neuf déjà compliqué, ces restrictions donnent alors un coup de poignard supplémentaire à la demande.
Des règles qui gênent le crédit
Outre le durcissement des normes pour l’endettement des emprunteurs, le régulateur a précisé quelques règles sur le calcul de l’endettement en janvier 2021, faisant notamment état de l’obligation de prise en compte de l’intégralité des revenus et des charges. Concrètement, cela signifie la disparition du principe de calcul par différentiel. Jusqu’ici, certaines banques n’appliquaient encore que la différence entre les loyers encaissés avec la charge d’emprunt correspondant, et affectaient le solde obtenu soit en déduction des revenus, soit en augmentation des charges. Mais en leur demandant d’abandonner cette règle de calcul, on va faire peser l’intégralité de la charge d’emprunt sur le poids des charges, risquant d’alourdir les taux d’endettement dans le même temps.
Un autre élément d’importance est que les encours d’emprunt existants sont repris selon les nouvelles règles de calcul dès présentation d’un nouveau projet. Autant dire que les multi-investisseurs qui misaient sur l’effet de levier des bonnes opérations précédentes sont attrapés par les nouvelles règles.
Dernière précision du HCSF : la comptabilisation des charges d’assurance de prêt dans le calcul de l’endettement. Si cette pratique était déjà en vigueur dans une majorité d’établissements bancaires, ceux-ci l’appliquaient strictement pour la résidence principale, et de façon parfois allégée dans le cadre des emprunts sur du locatif.
Un effet négatif sur les emprunteurs
Intéressons-nous maintenant aux effets de ces décisions. S’agissant de l’appétence des investisseurs privés, le durcissement des conditions d’accès au crédit est un frein immédiat. Les courtiers en crédit — sollicités par les primo-accédants — ont déjà constaté depuis début 2021 une baisse de 50 % des dossiers traités et aboutis pour cette part de leur activité (source : APIC octobre 2021).
Si l’attente de nouvelles rassurantes des constructeurs et promoteurs quant au devenir des dispositifs de défiscalisation a trouvé un embryon de réponse dans les annonces du ministère du Logement pour le « Pinel », les tergiversations du début d’année ont pesé sur les sorties de programmes et les décisions des détenteurs de foncier. À cela s’ajoute la réserve des collectivités territoriales quant à l’urbanisation de leur territoire, la gestion tendue des budgets municipaux, la tension sur les approvisionnements et sur les prix des matériaux du bâtiment.
Enfin, reste que l’investissement locatif est piloté par la confiance ; dans la pertinence ou l’opportunité de l’investissement, dans la sécurité des revenus, la constitution du patrimoine, et dans la stratégie d’investissement plus globalement. C’est là que se télescopent d’une part, les conditions favorables du crédit et le besoin de logements, et d’autre part, des propos multiples visant à alourdir la fiscalité du logement, à réduire les avantages fiscaux et à serrer les règles d’accès au crédit. La moindre épine supplémentaire peut donc suffire à crisper les intentions des investisseurs.
S’agissant des demandes de leur clientèle, les banques ont dû s’accommoder des nouvelles règles d’octroi et ont réaménagé leurs calculs pour l’analyse du risque emprunteur. Certaines ont assoupli la quotité retenue pour les revenus locatifs ; au lieu d’une pondération à 70 ou 80 % des loyers encaissés, elles ont décidé de prendre en compte la totalité des revenus. Si ces mesures sont de nature à faciliter l’obtention des prêts, elles n’en mettent pas moins l’emprunteur face à ses responsabilités. Il faudra donc être vigilant ou prendre toutes les garanties utiles. Ce qui aura forcément une répercussion sur les charges.
Des accommodements possibles
Heureusement, certains motifs de quiétude persistent. D’abord, le besoin de logements demeure important et c’est une priorité pour les ménages. Sur le plan technique dans l’obtention des crédits, les précisions apportées par le HCSF laissent peu de liberté aux prêteurs et investisseurs, mais leur portée est floue. En effet, le HCSF fait référence à la protection des ménages et au Code de la consommation, et édicte en même temps ses règles à propos des logements résidentiels. Cela pose le sujet des personnes morales investisseurs : une SCI par exemple, est une personne morale échappant au champ d’application. Mais comme les normes portent sur le logement résidentiel, on peut logiquement interpréter l’inclusion de cette donnée dans le champ d’application. Dès lors, la décision appartiendra à la banque.
Parions enfin sur la raison face à la réalité du marché : à terme, le besoin insatisfait de logements ne pourra plus supporter cet encadrement du crédit. Le bien-fondé de ce dernier pourrait bien voler en éclat, selon le résultat des élections ou en cas de surchauffe sociale.