Si chacun est pressé de conclure dès lors qu’acheteur et vendeur se sont entendus, la signature d’une vente immobilière est souvent retardée par une formalité préalable : la purge du droit de préemption urbain (DPU). Mieux vaut ne pas l’oublier… Le non accomplissement de cette formalité fait courir le risque d’une action en nullité de la vente. Cette action se prescrit en cinq ans à compter de la publication de l’acte portant transfert de propriété (art. L. 213-2 alinéa dernier du code de l’urbanisme (CDU)). Une telle omission est d’ailleurs susceptible d’engager la responsabilité du notaire instrumentaire.
Le DPU permet à la collectivité publique qui en est bénéficiaire de se substituer à l’acquéreur éventuel d’un immeuble. La vente n’est pas forcée mais le choix de l’acquéreur par le vendeur n’est plus libre. Le droit de préemption est donc une technique moins brutale et psychologiquement plus supportable que l’expropriation. La préemption n’intervient que si le propriétaire manifeste son intention de vendre et s’il ne renonce pas ensuite à la vente en jugeant insuffisant le prix proposé par le bénéficiaire du droit de préemption ou par le juge consulté.
La purge du DPU n’est toutefois nécessaire que si le terrain intègre une zone dans laquelle cette prérogative a été préalablement instituée. Or, le DPU ne peut être institué que dans des secteurs limités tels que les zones urbaines et zones à urbaniser des plans locaux d’urbanisme, les secteurs délimités à cet effet dans les cartes communales, le périmètre de zones d’aménagement concerté ou d’autres périmètres spécifi ques définis à l’article L. 211-1 CDU.
Ainsi, pour déterminer si le terrain objet d’une vente est situé dans l’un de ces secteurs, le notaire chargé de la vente adresse le plus souvent une demande de certificat d’urbanisme d’information à la mairie concernée.
Le champ d’application du DPU
Le fait que le terrain intègre un périmètre dans lequel un DPU est institué n’implique pas nécessairement de procéder à la purge. En effet, certains immeubles sont exclus de son champ d’application même s’ils sont localisés dans un périmètre concerné. Il existe deux catégories de biens exclus du champ d’application du DPU :
- Les biens cités à l’article L. 213-1 CDU ne pouvant jamais faire l’objet d’un DPU ;
- Les biens cités à l’article L. 211-4 CDU échappant en principe au DPU sauf à ce que le titulaire décide de recourir à un DPU « renforcé ».
Pour l’essentiel, on retient que toute vente d’un terrain non bâti est soumise au DPU, sauf si ce terrain est issu d’un lotissement exclu du champ d’application du DPU par une délibération expresse du conseil municipal pour une durée maximale de 5 ans. Il s’agit d’une sorte d’engagement de la collectivité à ne pas perturber la commercialisation des lots issus de l’opération d’aménagement. Quant aux terrains bâtis depuis plus de 4 ans, ils sont systématiquement soumis au DPU. Toutefois, tout immeuble dont la construction a été achevée il y a moins de 4 ans est exclu du DPU simple, mais peut faire l’objet d’un DPU renforcé.
Le devoir d’information auprès de l’administration
Notez que toute aliénation d’un bien soumis à l’application du DPU doit être précédée — à peine de nullité — par l’envoi ou le dépôt d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) à la mairie du bien concerné (article L. 213-2 CDU). L’envoi de cette DIA n’est pas conditionné par la réception d’une offre d’achat : un propriétaire peut à tout moment proposer son bien au titulaire du droit de préemption. Son intention d’aliéner suffit pour qu’elle soit « déclarée » au titulaire du DPU.
Le formulaire de la DIA doit être adressé en quatre exemplaires par pli recommandé avec avis de réception ou déposé contre décharge à la mairie de la commune du bien. Il peut également être envoyé par voie électronique et doit, dans ce cas, faire l’objet d’un accusé de réception ou d’un accusé d’enregistrement électronique. Juridiquement, cette déclaration constitue une simple pollicitation, c’est-à-dire une offre de contracter sans qu’elle ne soit acceptée par la partie à laquelle elle a été présentée. De fait, le propriétaire peut rétracter unilatéralement son offre de vente résultant de la DIA avant la décision du titulaire du DPU.
La décision du titulaire du DPU
La notification de la DIA déclenche un délai de réponse de deux mois. Au cours de ce délai d’instruction, le titulaire du DPU peut adresser au propriétaire une demande de visite ou une demande unique de communication de renseignements complémentaires permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble ou, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière (art. L. 213-2 CDU). Dans ce cas, le délai est suspendu.
Le titulaire du DPU ne se décide pas seul. Dès lors que le prix ou son estimation excède 180 000 euros, il doit recueillir l’avis de la Direction de l’immobilier de l’État sur le prix de l’immeuble dont il envisage l’acquisition. Sa décision peut alors être de trois natures différentes. Le plus souvent, il s’agit d’une renonciation expresse ou tacite à l’exercice du DPU. Le droit de préemption ayant été purgé, la vente peut être réalisée légalement. Seconde hypothèse, il peut arriver que le titulaire du DPU notifie au cours des deux mois d’instruction une décision de préempter au prix et conditions proposés dans la DIA. La vente devient alors définitive et un acte authentique permettra de constater le transfert de propriété (art. R. 213-12 CDU).
Enfin, dernière hypothèse : le titulaire du DPU peut notifier une décision de préempter à un prix plus bas que celui indiqué dans la DIA. Le vendeur peut dans ce cas renoncer à la vente ou accepter le prix fi xé par le titulaire du DPU. S’il ne renonce pas à la vente mais maintient son prix, le titulaire du DPU devra saisir le tribunal judiciaire dans un délai maximum de 15 jours (art. R. 231-11 CDU). À défaut, le titulaire du DPU est réputé avoir renoncé à l’exercice du DPU. Lorsque la fixation judiciaire du prix intervient, le titulaire du DPU est en mesure de renoncer à l’acquisition. S’il consent à acheter le terrain au prix fixé par le juge, le règlement du prix doit être opéré dans les quatre mois suivant la décision (art. L. 213-14 alinéa 2 CDU). En l’absence de paiement ou de consignation de la somme due, ou s’il y a obstacle au paiement, le titulaire du droit de préemption est tenu de rétrocéder le bien préempté à la demande du propriétaire. Ce dernier peut alors en disposer librement. Ouf, il était temps !