La question en réalité se pose pour tous changements de mandataires, que ce changement résulte d’une fusion Transmission Universelle de Patrimoine (TUP), d’une vente de fonds de commerce, de la cession d’un portefeuille, d’un apport, d’une location gérance ou d’une scission. Peu importe la nature juridique de l’opération. La Cour de cassation vient d’en donner une nouvelle illustration à propos du mandat de syndic suite à une fusion-absorption. Je vous propose de faire le point de la re-signature des mandats en traitant successivement du mandat de syndic (I), puis des mandats de vente, location et de gestion (II) avant d’aborder ce qu’il y a lieu de faire (III).
I – Le mandat de syndic
La cour suprême vient de rappeler (Cass. Civ. 3e , 28 janvier 2021, n° 19.22714) que la fusion-absorption de deux sociétés n’emporte pas transfert des mandats de syndic. C’est l’occasion de rappeler que les différentes réglementations applicables à une opération juridique peuvent se télescoper ou être contradictoires. En pareil cas, ce sont le plus souvent les réglementations spéciales (Loi Hoguet et loi sur la copropriété) qui priment sur les autres règles (droit civil, droit des sociétés et droit commercial). En matière de syndic, la question se pose notamment lors des réorganisations de groupes : fusion, fusion-absorption, TUP au cours desquelles les modalités du transfert des mandats ne sont pas toujours prises en compte, du fait notamment d’une compartimentation entre les aspects dits « corporate » et les aspects métiers. Or s’agissant d’une activité réglementée, il est nécessaire d’avoir une vision globale. C’est ce que nous rappelle la Cour de cassation.
Quel est le pitch de l’arrêt de la cour suprême ? Pour obtenir l’annulation d’une assemblée de copropriété, l’un des copropriétaires arguait de ce que le syndic qui avait convoqué l’assemblée n’avait pas de mandat. Une assemblée des copropriétaires avait bien mandaté une société A mais cette dernière avait disparue suite à une fusion-absorption au profit de la société B qui avait convoquée l’assemblée des copropriétaires.
La cour juge sans surprise « que la loi du 10 juillet 1965, excluant toute substitution du syndic sans un vote de l’assemblée générale des copropriétaires, ne permet pas à une société titulaire d’un mandat de syndic de dessaisir les copropriétaires de leur pouvoir exclusif de désignation du syndic par le moyen d’une opération de fusion-absorption ayant pour résultat, après disparition de sa personnalité morale, de lui substituer la société absorbante, personne morale distincte ».
Cette solution est classique à propos d’une fusionabsorption (notamment Cass. Civ. 3e , 29 février 2012, n° 10-27259, Cass. Civ. 3e , 13 novembre 2012, n° 11-23121) ou d’une location gérance (Cass. Civ. 3e , 18 novembre 1997, n° 96-12303) mais elle est transposable à l’identique à toutes autres opérations juridiques (apport, fusion sans disparition de la personne morale, scission, etc.) aboutissant à un changement de la personne désignée.
A contrario, quand la personne morale ne change pas, il n’y a pas de problème et ce même si la société change de forme sociale et de dénomination (Cass. Civ. 3e , 28 avril 2011, n° 10-14298). C’est un peu comme lorsqu’une femme se marie : même si elle choisit de changer de nom, c’est toujours la même femme.
Pour une société, si vous avez le doute d’un changement de mandataire, un critère très simple peut vous être utile : le numéro du Registre du Commerce et des Sociétés. Si le numéro n’a pas changé, il n’y a pas changement de mandataire.
II – Le mandat de gestion, de vente et de location
Pour les mandats de gestion, de vente ou de location, la question de la re-signature des mandats se pose de la même façon en cas de changement de mandataire et ce quelle que soit l’opération juridique à l’origine de ce changement : cession, apport, fusion, location gérance, TUP (Article Cession, fusion et Transfert de mandats par Me Caroline Dubuis-Talayrach, publié dans le Journal de l’Agence de septembre 2018, page 58). Là encore c’est un point qui est souvent sous-estimé avant la réalisation de l’opération.
Les clauses les plus usuelles d’agrément et de substitution, si elles sont satisfaisantes sur le plan civil, ne règlent pas tous les sujets notamment au regard de la réglementation Hoguet (loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et Décret n° 72-678 du 20 juillet 1972) concernant la détention de mandat et la formalité de l’enregistrement. Pourtant les solutions existent.
III – Que faire ?
Vous pouvez être tenté de penser que la question du transfert des mandats ne vous concerne pas car vous ne céderez ni votre fonds de commerce, ni un portefeuille de clients mais les titres de votre société et qu’en outre, vous ne prévoyez pas de réorganisation de sociétés ou d’activités.
Cependant, il est fréquent que l’opération juridique initialement envisagée soit revue, notamment pour des raisons comptables, juridiques, fi scales ou bancaires. Sans compter que la vie est pleine d’imprévus. Il est donc prudent de bien préparer la transférabilité
de vos mandats.
À chaque mandat sa solution mais une règle est commune à tous : la nécessité d’anticiper. Le transfert des mandats de syndic se fera différemment des autres mandats (gestion, vente, location) car il convient de tenir compte de la réglementation sur la copropriété. Pour les mandats de gestion, vente, location, il pourra être mis en place une solution commune ou différenciée selon le procédé opérationnel choisi.
D’une façon générale, il est conseillé avant une opération de cession ou de fusion de consulter en amont un conseiller spécialisé dans la réglementation Hoguet, en droit des affaires et droit des sociétés. Il vous donnera de la visibilité sur le déroulé de l’opération et pourra la gérer en totalité (cession, fusion et aspects règlementaires) ou vous conseillera spécifiquement sur les aspects loi Hoguet et le transfert de mandats.
Il est probable que certaines clauses de vos mandats seront à modifier. Or ces modifications et l’harmonisation de votre parc contractuel prendront du temps, c’est la raison pour laquelle il faut encore une fois anticiper.
Le paradoxe est que, quand les clients disposent du temps nécessaire pour mettre à jour leurs mandats, ce n’est pas un sujet d’actualité ; mais quand le sujet le devient, c’est souvent trop tard pour mettre en œuvre certaines mesures. Cela ne sera, certes, pas un obstacle à la réalisation de l’opération mais elle se fera selon des conditions différentes de ce qu’elles auraient pu être.