C’est un drôle de truc, l’attachement. Ça pousse à faire toutes sortes de choses folles qu’on ne devrait pas. » Si l’écrivaine américaine Joyce Maynard vise ici l’attachement à l’être humain, ce concept peut parfaitement être étendu aux choses matérielles. En matière de vente immobilière par exemple, l’attachement de certains propriétaires à leur bien les pousse à adopter des comportements irraisonnés, notamment lorsque l’on aborde la question du prix. Si le délai moyen de vente d’un bien immobilier est d’environ trois mois, ce délai varie en fonction de plusieurs critères tels que l’emplacement, l’état d’ensemble du bien, la disposition des pièces… et le prix.
Avec l’emplacement, le prix est le premier critère retenu par les acquéreurs dans leur recherche. Il importe donc de ne pas le fixer de manière arbitraire, au risque de bloquer la vente.
Gare aux attentes du vendeur
Entre le désir de vendre au meilleur prix, le libre accès aux données immobilières, la réalisation de travaux conséquents ou l’attachement sentimental du propriétaire à son bien, les raisons sont nombreuses pour expliquer la tendance qu’a généralement le vendeur à gonfler de 10 % en moyenne la valeur de son bien.
Or, on le sait, la clé d’une vente réussie réside principalement dans la fixation d’un prix juste, et ceci, dès la première mise en vente. L’inadéquation entre l’évaluation du bien et son prix de vente réel génère trop souvent une situation de vente complexe, pouvant aller jusqu’au blocage total de celle-ci. C’est la fameuse situation tant redoutée du bien « grillé ». Afin de ne pas se retrouver dans une telle impasse, il importe de rappeler que l’estimation du bien ne doit pas reposer sur les attentes du vendeur, mais bien sur la réalité du marché. À cet égard, nous pouvons rappeler que les professionnels sont tenus à une obligation déontologique de connaissance du marché, afin de vérifier l’adéquation de leur estimation du bien immobilier au regard de la conjoncture (décret du 28 août 2015). Beaucoup se disent que c’est une évidence, mais le vendeur est roi… et têtu ! S’il est concevable de tenter une vente au prix imposé par le vendeur, il reste nécessaire de lui rappeler l’adéquation prix/valeur du bien et de lui imposer un changement de stratégie en cas de non réaction ou d’une faible réaction du marché.
Valeur vénale et prix de mise en vente
Pratiquement, l’estimation d’un bien destiné à la vente consiste, dans un premier temps, à l’évaluer en raison de sa valeur vénale, c’est-à-dire du prix probable auquel le bien pourrait être vendu. En cela, la mission de l’agent immobilier s’approche de celle de l’expert immobilier. Mais elle en diffère pourtant puisqu’au-delà de la détermination de la « fair value », de la juste valeur, le professionnel de l’immobilier se doit d’établir une valeur marchande à laquelle le bien est susceptible d’être vendu dans les meilleurs délais et conditions possibles.
Une seconde étape vient ensuite corser l’exercice : la prise en compte de la concurrence. Il importe effectivement de s’attacher tout particulièrement au prix de vente pratiqué par la concurrence sur des biens similaires à celui qu’on envisage d’introduire sur le marché. Dès lors, nous ne sommes plus dans la recherche de juste valeur, mais du prix de mise en vente. Cette concurrence est, elle, dictée par l’arbitrage des acquéreurs en fonction de leurs aspirations à un instant donné, auxquelles est associée une enveloppe financière.
Dans ce contexte, la surévaluation d’un bien, le prive mécaniquement d’acheteurs potentiels qui, pour le prix demandé, sont en droit d’attendre des prestations supérieures, ou qui pour les prestations proposées, attribuent une enveloppe financière inférieure. C’est ce message fort que, dans son émission, Stéphane Plaza, tente d’inculquer au futur vendeur « gourmand » lorsqu’il lui présente par exemple un bien similaire au sien, vendu récemment dans le quartier, à un prix inférieur à celui attendu.
Attention au bien « grillé »
Or, lorsque cette surévaluation perdure dans le temps, elle peut également conduire à « griller » le bien sur le marché. Et lorsqu’un bien est considéré comme tel, seule une baisse significative du prix peut permettre d’en relancer la vente. La conséquence d’un tel mécanisme est de se retrouver à vendre le bien en deçà de son prix de marché réel alors même que, mis à un prix raisonnable au
départ, il se serait vendu sans peine. N’oublions pas également, qu’en telles circonstances, le vendeur est généralement frappé d’amnésie rétrograde, et qu’en conclusion, c’est l’agent immobilier qui endosse le rôle du professionnel inefficace.
Mais c’est très certainement ailleurs que la sanction est le plus à craindre, puisqu’en surévaluant un bien (pour satisfaire le vendeur mais également pour souffler un mandat à la concurrence), le professionnel néglige tout particulièrement le devoir de conseil auquel il est tenu. Il peut finalement être sanctionné en raison d’une perte de chances subie par le vendeur, ce que n’a pas manqué de rappeler encore récemment la jurisprudence (Cour d’appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 25 mars 2021 n°19/01978).
Au-delà du défaut de conseil qui peut être reproché au professionnel de l’immobilier et du manque à gagner subi par le vendeur, vendre un bien en dessous de son prix réel revient aux yeux de l’administration fiscale à une dissimulation du prix réel. À ce titre, elle est en droit de procéder à un redressement fiscal afi n de recouvrer les droits de mutation dont elle estime avoir été lésée. Cerise sur le gâteau,
cette rectification est généralement assortie de pénalités conséquentes.