Instauré en juillet 2013, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) fit suite au Cofreris (Conseil de régulation financière et du risque systémique), lui-même créé en 2010 après la crise des subprimes pour mieux prévenir les risques adossés au secteur bancaire et financier. Selon la définition du ministère de l’Économie, le HSCF est « l’autorité macroprudentielle chargée d’exercer la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique. »
Des taux d’intérêt bas et des durées de crédit longues
L’apparition des recommandations du HCSF fin 2019 s’inscrit dans un contexte de niveau historiquement bas des taux d’intérêt. Cela signifie qu’en cas de remontée des taux, le système bancaire français, solide au regard des obligations et des normes internationales de solvabilité, peut se retrouver en difficulté, et notamment en crise de liquidité, en cas de revirement de la tendance sur les taux nominaux ou sur les notations des organismes de surveillance. Or, le système bancaire français se distingue dans le paysage européen par la production de crédits longs et à taux fixes.
Premières mesures contraignantes
Préoccupé par cette courbe de production, le HSCF conseille aux établissements bancaires de modérer les conditions de leur production. Prises dans la dynamique de marché, les banques tardent à réagir, ce qui pousse le HCSF à émettre des règles contraignantes fin 2019 : réduction des durées maximales de prêt à 25 ans, respect plus strict des taux d’endettement pour les ménages à 33 % et une alerte sur la quotité de financement au-delà de la valeur des actifs. Seule marge de manoeuvre : la possibilité pour les banques de déroger, à hauteur de 15 % de leur production, à ces règles avec, cependant, une forte prise en compte (75 %) des primo-accédants dans cette marge de dérogation.
Toujours dans la dynamique de la demande (près de 40 milliards d’euros de prêts acceptés sur les derniers mois 2019 ne seront débloqués qu’au cours du premier quadrimestre 2020 !), les banques appliquent différemment ces consignes, provoquant un discours plus autoritaire du gouverneur de la Banque de France lors de ses voeux aux acteurs financiers fin janvier 2020, puis quelques semaines
plus tard sa demande auprès de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) de se faire remonter des états mensuels sur les situations.
Tour de vis supplémentaire
Pendant la première période de confinement, les banques absorbent les retards de traitement et les statistiques de production des crédits continuent d’affoler les autorités de tutelle… Tout ceci débouche, début août 2020, sur la publication de recommandations plus strictes encore, puisque la note du HCSF va jusqu’à préciser les méthodes de calcul de l’endettement, notamment en regard du calcul par différentiel sur les investissements locatifs. Les acteurs de l’immobilier et les courtiers en crédit, en se mobilisant à l’automne pour demander aux autorités de régulation de prendre en considération la situation et les effets perceptibles pour les ménages dans la satisfaction de leurs projets, obtiendront fin décembre 2020 un réaménagement des recommandations.
Désormais, le taux d’endettement maximum est porté à 35 %, la durée maximale de 25 ans est maintenue mais pourra être complétée de la période de préfinancement (jusqu’à 2 ans) pour les opérations dans le neuf et, enfin, la marge dérogatoire de 15 % est portée à 20 %, mais avec des applications plus précises encore. C’est ainsi que parmi ces 20 %, devra être prise en compte la part des crédits ayant pour objet l’achat de la résidence principale qui devra représenter 80 % de la dérogation, et les primo-accédants pourront représenter
jusqu’à 30 % du total de la dérogation (donc des 20 %). Par contre, les banques seront assujetties à un contrôle de ces critères chaque trimestre et devront avoir écrit leurs règles d’application et leur politique de distribution du crédit immobilier.
Enfin, le HCSF en a profi té pour introduire une contrainte, largement usitée, mais non écrite jusqu’alors, s’agissant du calcul à intégrer les primes d’assurance de prêt dans la charge de remboursement du crédit.
Une politique qui creuse les inégalités
Au final, si les objectifs de mise en garde du système bancaire face à une dérive surchauffée possible du crédit paraissent légitimes, au regard notamment des missions du HCSF, on peut regretter qu’il n’y ait pas davantage de coordination avec d’autres décisions politiques touchant à l’offre et que les moyens mis en oeuvre ne produisent qu’un creusement des inégalités, déjà bien mises à mal avec les conséquences de la crise sanitaire et économique.
On peut regretter aussi l’absence de prise en compte du « reste à vivre » dans les conditions d’octroi, l’absence de discernement dans le calcul d’endettement entre un accédant à sa résidence principale et un investisseur qui recevra d’autres revenus et l’absence de prise en compte de l’obligation d’allonger les durées initiales pour certaines catégories d’acheteurs, essentiellement les jeunes ménages.
Rappelons à cet effet que la durée moyenne de détention des logements au titre de la résidence principale demeure stable – aux environs de 7-8 ans – et que l’argument des taux d’intérêt renchérissant exagérément le coût du crédit et limitant l’amortissement du capital ne tient plus face aux conditions actuelles de marché.
Et tout ceci d’autant que le taux de défaillance des ménages en termes de crédit est au plus bas historique, salué en cela par le gouverneur de la Banque de France lui-même début 2020, au vu des statistiques 2019, et à nouveau début 2021, par rapport aux chiffres 2020.