Les acteurs immobiliers oeuvrent désormais dans un monde dans lequel les aspirations sociétales et citoyennes de la part des clients sont fortes. L’éthique va redessiner le monde post crise et la raison d’être de l’entreprise sera moins d’être activiste que d’encourager ses clients à apporter le changement.
Sous le signe des valeurs
Si la pandémie a fait émerger l’importance de la rencontre, de l’échange, du partage, du lien social, elle a aussi révélé l’importance de la solidarité, de la responsabilité, du respect, de l’humilité et du sens collectif comme valeurs humaines essentielles pour assurer notre résilience qu’elle soit organisationnelle ou individuelle.
Les clients du nouveau monde sont en quête d’utilité sociale, d’éthique et d’engagement citoyen. Les professionnels de l’immobilier
vont devoir se saisir de cette nouvelle donne et considérer le client en tant qu’individu agissant au sein d’un écosystème en fonction de ses propres valeurs et croyances. Cela interroge le sens et la mission que se propose l’entreprise. La question de la raison d’être et donc sa définition devient essentielle. De nombreux acteurs ont impulsé des initiatives pour intégrer ces mutations dans leur stratégie et afficher sur leurs murs leur mission. Les exemples ne sont pas légion dans le secteur immobilier – on notera l’engagement de Nestenn et de quelques agences indépendantes comme De la Cour au Jardin sur ce crédo.
La raison d’être doit s’incarner dans l’action
Toutefois, définir et afficher sa raison d’être, communiquer sur les engagements sociaux, économiques, environnementaux et citoyens n’a de sens et de crédibilité que si ces derniers s’incarnent dans des actions concrètes visibles et mesurables, au premier rang desquelles l’attitude et le comportement de vos collaborateurs. Sans cela, il est fort à parier que cet affichage conduira plus à la défiance qu’à la confiance des clients.
Affirmer que vous êtes engagé ne fait pas de vous une entreprise engagée, surtout lorsque chaque marque se présente comme un champion du genre (1), qui peut-on croire ? Thomas C. Schelling (2), philosophe et économiste américain, disait : « On peut toujours déclarer qu’un pistolet est chargé mais ce n’est qu’en tirant qu’on en offre la meilleure démonstration. ». Une autre façon de dire que les mots n’ont aucune valeur. Seules les actions véhiculent une certaine information, une preuve d‘une autre nature que la parole. La raison d’être doit être une raison d’agir, l’étoile polaire qui assure la mobilisation des collaborateurs et l’engagement de chacun à donner le meilleur de soi, ni plus ni moins.
Ne pas chercher à être un héros mais un initiateur
Se positionner comme ayant un rôle important à jouer dans la vie des clients en voulant leur bien (3) est une approche intéressante. De son bien (propriété) à son bien (ses intérêts), c’est l’attention portée à l’homme, à la relation, à son accompagnement, que souligne le jeu de mots. Ne serait-il pas intéressant de penser aussi aujourd’hui à son bien en tant que personne, celui qui me permettrait de me transformer, d’être celui que je veux être ? La marque peut être décrite comme un système identitaire et considérée comme un moyen de communication avec les autres mais également constituer un repère par rapport à soi-même (4). A ce titre elle peut jouer un rôle transformationnel. C’est au demeurant ce que défend Thomas Kolster (5). Pour cet auteur, le rôle des marques doit être d’aider les gens à se réaliser et c’est de cela que naîtra le changement. L’organisation prend alors tout son sens.
Dans l’ère post «raison d’être», soyez un coach !
A peine réapparu, le concept de raison d’être est semble-t-il déjà dépassé… Dans cette nouvelle ère qui se profile, les clients n’achèteront plus ce que vous faites ou pourquoi vous le faites, mais plutôt quelle personne vous pouvez les aider à devenir. Ce qui importe désormais est la différence que vous pouvez faire, du rôle que vous pouvez jouer dans la vie des gens en soutenant leurs croyances et leurs rêves.
Et concrètement que faire ?
Montrez quelles ressources vont permettre à vos clients de s’engager, impliquez vos collaborateurs et vos clients dans des actions citoyennes : organisez des ramassages de déchets, motivez vos troupes pour participer à des initiatives solidaires, créez du lien avec les personnes de votre écosystème proche en proposant des cafés citoyens. L’initiative de Carmen Immobilier sur le partage de ses locaux s’inscrit dans cette invention de modes de vie responsables et solidaires.
Pour conclure
Nous avons pris conscience de la nécessité d’agir de façon responsable, mais parfois nous n’en avons pas les moyens. Le rôle des marques pourrait être de nous donner les moyens d’atteindre nos objectifs, de nous améliorer, de nous transfigurer, de nous dépasser. Peut-être la contribution positive citoyenne de votre entreprise procèdera- t-elle davantage de la façon dont vous coachez les gens pour s’engager que de votre propre engagement…
(1) Je pense ici à la Journée de la femme et aux déclarations des acteurs sur la parité, à l’heure où les fakes vont bon train et où il est facile de présenter les statistiques comme bon nous arrange.
(2) « Stratégie du conflit », Thomas Crombie Schelling, Paris, PUF, 1960, 1986 pour l’édition française, 312 p.
(3)« Parlons de vous, parlons biens » ; « L’appli qui vous veut du bien » ;« #Bien ensemble », etc. pour ne reprendre que ces exemples.
(4) « L’attachement à la marque : proposition d’une échelle de mesure », Jérôme Lacoeuilhe, Recherche et applications en marketing, 2000, volume 15, n° 4, 61-77.
(5) « The Heros trap », Thomas Kolster, Roudlege, 2020, 292 p.