Bien difficile et hasardeux, en cette première partie d’année, de faire des pronostics sur le marché 2021, et pour cause. Mais quelques éléments émergent toutefois ; l’activité reste bonne, mais les stocks de mandats diminuent. Les prix semblent faire une pause, mais les indices d’une tension durable du marché se multiplient. Et si l’on se tourne vers la production de nouveaux logements, le constat est implacable : 40 000 ventes en moins en 2020, des autorisations de construire et des mises en chantier au plus bas .Le tout sur fond d’élections municipales (jamais favorables à la construction) et de crise sanitaire et économique ! N’en jetez plus ! Ah si, j’oubliais : l’Insee annonce 4 millions de nouveaux foyers à l’horizon 2030, c’est-à-dire demain ! Une longue démonstration est inutile : dans un contexte de pénurie et structurellement déséquilibré entre offre et demande, le déficit va s’accentuant, et les logements non lancés en 2020, 2021 et 2022 pèseront très lourd sur le marché des prochaines années.
Assouplir les règles
Dans moins d’un année aujourd’hui, une nouvelle équipe gouvernementale, quelle qu’elle soit, devra gérer cette situation et proposer des solutions pour les cinq années à venir. Ce choc de l’offre que nous n’avons pas vu devra bien enfin arriver, car les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut à la fois rénover massivement ET construire beaucoup !
De nombreuses propositions existent : citons la suppression temporaire de la taxation des plus-values sur les cessions de terrains à bâtir, un dispositif unique d’amortissement de l’investissement locatif, la création du statut du bailleur privé qui serait alors considéré comme un agent économique à part entière, la refonte des donations permettant de flécher plus rapidement l’épargne vers l’investissement, la dissociation du foncier et du bâti. Cette dernière proposition est une piste majeure pour rendre abordable l’accès au logement en zones tendues ; un premier projet vient d’être lancé par la Mairie de Paris. Ajoutons le développement du logement inter-médiaire, l’allègement des normes (il y en a 8 000) qui renchérissent le coût de construction ou bien encore la densification.
«La surélévation du bâti existant permet de réduire l’artificialisation en luttant contre l’étalement urbain.», Bernard Cadeau Past président ORPI
Pour une densification intelligente
Permettez-moi de m’arrêter sur ce dernier point en plein débat sur le projet de loi Climat et résilience qui pose le principe de zéro artificialisation nette des sols dans ses articles 39 à 58. Comment alors concilier construction massive et arrêt de l’artificialisation des sols ? Deux pistes : la première, le PLU bioclimatique qui serait adossé au PLU et obligatoire – attendons de voir ; la seconde, la surélévation.
Cette solution offre de nombreux avantages. Rappelons tout d’abord que l’habitat ne représente que 41,9 % des terres artificialisées, 320000 friches industrielles sont répertoriées. L’arrêt complet de l’artificialisation des sols, sans prendre en compte le contexte économique local ou les ajustements nécessaires au bassin de vie, serait une erreur ! Il amènerait à un paysage figé, ne prenant en compte ni les évolutions de population ni l’activité des territoires. C’est en effet au niveau des communautés de communes ou d’agglomération que le débat doit être tranché. Tout est question d’échelon pour la prise de décision.
La surélévation, ou densification intelligente, permet de réduire l’artificialisation en luttant contre l’étalement urbain. Elle permettrait par exemple de gagner 12 % d’habitat à Paris. Comparativement à la construction neuve traditionnelle, elle est économe en coûts et en durées de travaux tout en maintenant l’activité dans les locaux concernés. Elle permet au passage l’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments concernés. Elle favorise enfin la mixité sociale et générationnelle. De nombreux avantages, donc, même si cette solution ne peut être unique. Elle devra se combiner avec toutes les autres. Tout dépendra de la volonté politique : elle devra être totale, déterminée, intégrée dans un plan durable, sans faille, et tournée vers un double objectif : rééquilibrer offre et demande et rendre ainsi le logement plus accessible.