La quête d’informations permettant d’aboutir à la signature d’un mandat est essentielle pour un agent immobilier ou un administrateur de biens. Aussi, le professionnel peut-il envisager de rémunérer certains apporteurs d’affaires. Mais quel est le statut de ces apporteurs d’affaires au regard de la loi Hoguet ? L’apport d’affaires en immobilier est-il possible ? Si oui, à quelles conditions ? Ces questions sont d’importance car si l’apport d’affaires relève de la loi Hoguet, les sanctions peuvent être alors pénales (exercice illégal de l’activité d’agent immobilier) et civiles (perte du droit à rémunération).
I. Le principe
L’apport d’affaires en droit commercial ne pose pas de difficultés particulières. Cependant, quand cette opération concerne une activité réglementée (immobilier, banque, assurance), elle doit être étudiée au regard du champ d’application de ladite activité. Car sans le savoir, l’apporteur d’affaires peut « entrer » dans le champ d’application d’une activité réglementée et de ce fait être en exercice illégal des activités d’agent immobilier, banquier ou d’assureur. En immobilier, il faut donc analyser l’article 1 de la loi Hoguet qui dispose que « la présente loi s’applique aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives » aux opérations de vente, location, gestion de biens immobilier ou de syndic.
Relevons avant tout que cette définition est large et qu’en cas de doute, ce sont les juges qui apprécieront souverainement et au cas par cas la situation qui leur est soumise. Il existe certaines exceptions visées à l’article 2 de la loi Hoguet qui ne sont pas reprises ici dans un souci pédagogique et eu égard au format de l’article.
A. La rémunération
La rémunération est souvent évoquée à l’occasion des apports d’affaires, pourtant elle n’est pas un critère d’application de la loi Hoguet. En effet, l’article précité n’en fait pas une condition d’application du statut. Peu importe que l’apport d’affaires soit rémunéré ou non et peu importe le montant de la rémunération. La cour d’appel de Paris a récemment fait une application de ce principe à propos d’une rémunération de plus de 80 000 euros (CA Paris, 1, ch. 8, 5/6/2020, n° 19/16391). Si la rémunération n’est pas un critère, le critère d’habitude, lui, est déterminant : les paiements intervenus au profit d’un apporteur d’affaires peuvent constituer la preuve de l’habitude.
B. L’habitude
La loi Hoguet s’applique aux personnes « qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui […] ». L’habitude est donc un critère d’application de la loi Hoguet. Ainsi, une personne qui effectue une fois un apport d’affaire ou même une intermédiation rémunérée ne sera pas visée par la loi Hoguet (Cass. 1re civ., 27/1/2001, n° 99-14005). Mais si la même personne réalise deux opérations d’intermédiation, elle tombe sous le coup de la loi Hoguet (Cass. crim., 2/11/1978, n° 77-93464). Seul compte le nombre de fois – une fois – et non la périodicité.
C. La profession des parties
La profession des parties est également sans incidence sur le champ d’application de la loi. (cf. notamment CA Bordeaux du 25/11/2020, n° 18- 00893, et Cass. 1re civ. du 17/12/1991, n° 90-11935) Pourtant on entend très souvent que la loi Hoguet ne s’applique pas entre professionnels de l’immobilier : c’est vrai… et faux. Car il ne faut pas confondre la profession des parties et la délégation de mandat. La loi Hoguet ne s’applique pas dans le cadre d’une délégation de mandat mais elle s’exerce lorsque le vendeur est agent immobilier et qu’il confie la vente de son fonds et de ses murs à un confrère (Cass. 1re civ., 23/1/2019, n° 18-11677), ou dans des relations entre un promoteur et un agent immobilier (Cass. 1re civ., 1/7/2020, n° 19-15009, Cass. 1re civ., 17/12/ 1991, n° 90-11935).
Le principe étant posé, qu’en est-il de la position des tribunaux sur la notion même d’apporteur d’affaires ?
II. La position jurisprudencielle
L’apport d’affaires est-il assimilable au fait de prêter son concours à titre accessoire à une opération de vente, location, gestion locative ou syndic ?
A. La position de la Cour de cassation
La Cour suprême définit l’entremise immobilière comme étant la recherche de clients et la négociation, ou en l’une de ces missions seulement (Cass. 1re civ., 8/7/1986, n° 84-15731 ; Cass. 1re civ., 18/6/2014, n° 13-11543). Ainsi elle juge que la loi Hoguet s’applique « […] notamment à un apport d’affaires » (Cass. 1re civ., 17/12/1991, n° 90-11935).
B. Vers une évolution de jurisprudence ?
Pourtant, de récentes décisions de cours d’appel jugent au contraire que l’apporteur d’affaires n’est pas soumis à la loi Hoguet (CA Aix-en-Provence, 5/1/2021, n° 19- 11033 ; CA Paris, 1, ch. 8, 5/6/2020, n° 19/16391). Contrairement à la position de la Cour suprême, elles font un distinguo entre l’apporteur (ou l’indicateur d’affaires) et la négociation. La cour d’appel de Chambéry (6/11/2018, n° 17-00811) semble suivre ce raisonnement, alors que celle de Bordeaux se rallie à la position de la Cour de cassation en jugeant que « la Cour ne peut que constater que les opérations pour lesquelles les commissions sont demandées entraient, même en tant qu’apporteur d’affaires, dans le champ d’application de la loi du 2 janvier 1970… » (25/11/2020, n° 18-00893).
Plus généralement, et à l’heure de la digitalisation et des plateformes, il serait souhaitable que la Cour de Cassation définisse précisément les prestations qui relèvent de la loi Hoguet et les autres. En effet, le tribunal de commerce de Paris a récemment jugé que le fait d’interroger un candidat acquéreur sur son plan de financement et donc de le qualifier, ne constituait pas une prestation relevant de la loi Hoguet, au motif que ce service était « véritablement annexe » à l’ensemble des autres prestations proposées (diffusion d’annonces, photographies, numérisation du bien, visite virtuelle), elles-mêmes ne relevant pas de la loi Hoguet. Pourtant l’article 1 de ladite loi vise bien les personnes qui « se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives » aux opérations de vente, location, gestion de biens immobilier ou de syndic. Ce jugement ayant été frappé d’appel, attendons donc la position de la cour d’appel avant éventuellement celle de la Cour de cassation.