Le projet de loi 3C, comme Convention Citoyenne pour le Climat, sera bientôt soumis au parlement par la ministre de la transition écologique. Son vrai nom est explicite : « projet de loi portant lutte contre le réchauffement climatique et enforcement de la résilience face à ses effets ». Le logement y occupe une place considérable. Il nous fait entrer de plain-pied dans l’ère de la coercition, sans que soit révolue l’ère des aides : MaPrimeRénov’, dotée de plus de deux milliards d’euros, en est la preuve. L’État espère aussi que le combat pour la performance énergétique de l’habitat permette d’éradiquer l’insalubrité et la dangerosité, l’indignité en somme.
Les logements classés F ou G décrétés indécents
Cette fois encore, les professionnels de l’immobilier ont leur destin en main. Ils ont le choix entre désavouer le pouvoir politique qui rajoute encore aux obligations des propriétaires, ou devenir les bras armés de la transition environnementale. Car, enfin, ce qui se passe peut être regardé comme une opportunité exceptionnelle pour les intermédiaires, qui seuls sauront accompagner les Français dans la mutation de leur patrimoine et leur épargner la disqualification.
Louer un logement classé F ou G dans l’échelle du diagnostic de performance énergétique ne sera plus possible en 2028 : la loi relative énergie-climat de 2019 avait prévu l’éradication des passoires thermiques à cette échéance et le projet de loi 3C en interdit tout simplement l’exploitation locative. Ces logements deviennent non décents, à l’instar de logements atteints de pathologies techniques lourdes. En outre, en vertu de la même loi de 2019, le loyer des logements classés F ou G situés dans les agglomérations tendues ne peut plus depuis, le 1er janvier 2021, faire l’objet d’une augmentation. La future loi 3C va étendre cette interdiction à tout le territoire. L’histoire s’accélère et la vertu environnementale s’impose en critère discriminant du marché locatif.
Elle ne sera pas moins cardinale pour les copropriétés : un triptyque d’obligations arrive, demandé par les professionnels : audit énergétique, plan pluriannuel de travaux et estimation de leur montant, base de calcul de l’épargne du fonds travaux. Pas de sanction prévue dans le projet de loi… Le débat pourrait introduire l’interdiction de cession du lot d’un immeuble qui n’a pas observé la loi. Sanction ou pas, on voit mal un candidat à l’acquisition jeter son dévolu sur une copropriété peu soucieuse de sa performance énergétique, fût-elle dans un quartier prisé d’une ville recherchée.
« Beaucoup de propriétaires seront conduits par les enjeux et la complexité à faire confiance aux intermédiaires professionnels. »
Un enjeu crucial pour l’intermédiation
En clair, la valeur verte s’impose partout. Ce sont les propriétaires qui sont visés par les obligations, mais les pouvoirs publics comptent à juste titre sur les mandataires. Comme d’habitude, les particuliers qui autogèrent, vendent et louent eux-mêmes s’exonéreront des règles pour trop d’entre eux. D’autres préféreront faire confiance aux intermédiaires. Dans ce contexte, la communauté professionnelle doit être sans réserve du côté de la vertu énergétique. En finir avec les annonces sans DPE, encore un tiers d’entre elles, avec des biens indécents ou indignes dans les portefeuilles des agences, avec les copropriétés non immatriculées, sans doute encore un tiers des 670 000 du pays – elles ne sont pas éligibles aux aides publiques au termes de la loi Alur : les syndics, fautifs, l’ont oublié et l’Anah, qui distribue MaPrimeRénov’, va veiller au grain.
Gagner la croisade de la valeur verte n’est pas une option pour les professionnels. En contrepartie, les pouvoirs publics doivent contrôler les particuliers et ne pas laisser s’installer deux parcs, l’un vertueux, l’autre indifférent au progrès environnemental. La voie de la réaction ou seulement de la tiédeur serait fatale aux agents immobiliers et aux gestionnaires : ils sortiraient du jeu alors qu’ils peuvent en être les organisateurs.