Si la nullité du mandat n’est jamais un sujet à sa signature, cela peut très vite en devenir un en cas de difficultés : vente en direct, non respect de l’exclusivité, acquéreur refusant de payer les honoraires… Alors raison de plus de connaître les nullités… pour mieux les éviter.
I. Les nullités du mandat de vente
Ces trente-cinq nullités sont celles au visa de la loi et du décret dits Hoguet (loi n° 70-9 du 2/1/1970 et décret n° 72-678 du 20/1/1972) mais il en existe d’autres (Code de la consommation). Nous nous concentrerons ici sur les nullités dites Hoguet parmi lesquelles on peut distinguer trois catégories : celles relatives à la carte et aux attestations (1), celles relatives au formalisme du mandat (2) et enfin celles relatives au registre des mandats (C).
A. Carte professionnelle et attestation d’habilitation
1. La carte
La délivrance de la carte ne pose pas de problème. Par contre, ce qui est souvent mésestimé, ce sont les causes de perte de validité ou les difficultés de renouvellement. – Pendant la période de validité, la perte de la garantie financière sans souscription d’une nouvelle ou sans modification de la carte avec la mention « sans détention de fonds » pour l’activité de transaction est une cause connue. Mais des modifications statutaires de la société titulaire de la carte (dirigeant, siège, forme, dénomination…) peuvent aussi potentiellement porter atteinte à sa validité sans que vous en ayez conscience. Pour un exemple à propos d’un changement de gérant (CA Toulouse 1re, 19/09/2005, n° 05/02960). Il est donc conseillé que la personne en charge du suivi juridique de votre société ait également en charge les formalités de carte professionnelle, pour les effectuer s’il y a lieu.
– Lors du renouvellement, s’il n’intervient pas avant l’échéance précédente, le professionnel exerce sans carte pendant la période intermédiaire : sur le plan civil, il a y perte du droit à honoraires (Cass. 1re civ., 18/6/2014, n° 13-11543 ; Cass. 1re civ., 15/5/2007, n° 06-1717957) ; sur le plan pénal, c’est de l’exercice illégal.
Veillez à déposer vos dossiers a minima deux mois avant l’échéance (art. 80 du décret), à faire régulièrement vos formations et à demander à l’avance vos justificatifs d’assurance(s) et de garantie(s) fi nancière(s). Les tolérances administratives éventuelles sont sans incidence sur la perte du droit à honoraires et une carte en cours de renouvellement n’est pas une carte renouvelée.
2. L’habilitation
Toute personne qui négocie, s’entremet ou s’engage (art. 4 de la loi Hoguet) doit être titulaire d’une attestation d’habilitation. C’est le titulaire de la carte qui doit faire la demande. Le défaut d’attestation d’habilitation est sanctionné civilement par la perte du droit à honoraires (Cass. 1re civ., 5/4/2012, n° 11-11569 ; CA Montpellier, 10/4/2018, n° 15-06170) mais également pénalement (art. 14 loi Hoguet).
Non seulement les collaborateurs doivent avoir une attestation en cours de validité, mais les pouvoirs qui leurs sont confiés doivent être précis sous peine de risquer encore la nullité et la perte du droit à honoraires (A contrario, Cass. 3, nov. 2016, n° 15-23234). Les obligations de carte et d’habilitations ne sont pas nouvelles mais ce qui l’est, c’est que les informations les concernant sont en libre accès en ligne sur le site de la chambre de commerce et d’industrie (www.cci.fr).
B. Formalisme du mandat
Ce formalisme résulte essentiellement des articles 6 et 7 de la loi Hoguet et des articles 51, 73, 78, 92 du décret du même nom. Il est constitué à la fois par des conditions matérielles, des mentions obligatoires et des conditions de formes.
Les conditions matérielles : on peut notamment relever que le mandat est un contrat écrit conclu préalablement au début des négociations : il ne peut donc pas être oral (Cass. 1re civ., 5/6/2008, n° 04-16368) ou résulter d’un courrier (Cass. 1re civ., 8/4/2010, n° 09-12007) sous peine de nullité.
Les conditions de formes : les clauses d’exclusivité, pénales ou de résiliation doivent être en caractère très apparents sous peine de nullité (Cass. civ. 3e, 29/5/1996, n° 94- 19708)
Les mentions obligatoires sont notamment celles relatives à une durée limitée (Cass. 1re civ., 18/10/2005, n° 02-16046), des honoraires déterminés ou déterminables (Cass. 1re, civ., 30/11/2016, n° 15-24024), l’indication de la partie qui en aura la charge, les moyens utilisés pour diffuser des annonces, les conditions dans lesquelles le mandant est autorisé à recevoir et verser des sommes d’argent, et pour les mandats ayant une clause pénale ou une clause d’exclusivité, les conditions de résiliation (liste non exhaustive).
S’agissant de l’exclusivité et depuis 2014, le mandat doit préciser les actions qui vont être réalisées ainsi que les modalités et la périodicité des comptes-rendus. Il ne faisait pas de doute que l’absence de ces mentions était sanctionnée par la nullité du mandat notamment, car elles figurent à l’article 6 de la loi qui est d’ordre public. Ce que vient de confirmer la Cour suprême (Cass. 1re civ., 9/9/2020, n° 19- 17925) : dans cette affaire, après la signature du compromis, le vendeur renonce à la vente et indemnise les acquéreurs. L’agence assigne alors le vendeur en paiement de dommages et intérêts, lequel s’oppose à cette demande en arguant de la nullité du mandat. La Cour donne raison au vendeur : « … le contrat de mandat (exclusif) […] ne comportait pas l’énumération des actions que le mandataire s’engageait à réaliser […] et que l’agence immobilière ne démontrait pas avoir satisfait à cette obligation légale […] le mandat était nul et que l’agence immobilière ne pouvait prétendre à des dommages et intérêts, dès lors que le préjudice invoqué trouvait sa cause dans l’irrégularité du contrat qui lui était imputable. »
A noter que l’agence immobilière n’avait pas soutenu qu’il s’agissait d’une nullité relative et couverte par la ratification ultérieure.
C. Tenue du registre des mandats
Les mandats doivent être enregistrés dans un ordre chronologique dans un registre coté sans discontinuité et relié (Cass. 1re civ., 15/5/2015, n° 14-15993) sans blanc, rature ni surcharge sous peine de nullité et de perte du droit à honoraires.
II. La relativité des nullités
Depuis 2017, la situation du professionnel au regard du droit à rémunération s’est cependant améliorée. La Cour suprême juge désormais que le non-respect des prescriptions formelles des mandats est sanctionné par une nullité relative (Cass. ch. mixte, 24/2/2017, n° 15-20411). Cela implique qu’une nullité de forme :
- ne peut plus être soulevée par toute partie y ayant intérêt ;
- qu’elle est susceptible de ratification (Cass. 1re civ., 20/9/2017, n° 16-12906).
C’est sur la base de ce revirement que la Cour suprême a reconnu un droit à honoraires de 86 000 euros à un administrateur de biens qui n’avait pas de mandat. Les tribunaux depuis appliquent cette nouvelle jurisprudence. Pour un exemple de ratification de nullité de mandat et de paiement des honoraires du professionnel Cf. CA Lyon 1re civ. a, 28/11/2019, n° 17/05562.
En tout état de cause, les précédents développements demeurent, a minima, toujours d’actualité dans les rapports avec le mandant, et il convient donc de les respecter.