Si la crise liée au covid a conduit à la prise de conscience de la digitalisation nécessaire des process pour la survie d’une organisation, une seconde prise de conscience devra être celle de l’émergence d’un nouveau type de clients marqués par le confinement. Les cadres de l’interaction imposés par les nouvelles règles sanitaires et les stigmates du confinement sur les individus vont rendre nécessaires l’adaptation de la gestion de la relation client et le développement de nouvelles compétences pour le collaborateur .
Un nouveau client : le survivalist consumer (1)
Une analyse (2), publiée dans la revue médicale The Lancet, pointe les effets négatifs du confinement (distanciation sociale, télétravail…) sur notre santé psychique et notamment sur le stress. Selon les auteurs, le confinement est prédictif de symptômes de stress post-traumatique, de comportements d’évitement et de colère, soulignant par ailleurs que cet état ne s’arrête pas pour autant à la sortie du confinement. Perte des revenus et/ou des relations commerciales, précarisation et fragilisation des travailleurs indépendants, font partie des facteurs identifiés comme étant responsables de ces symptômes. Si ce syndrome post-traumatique ne concerne vraisemblablement qu’une infime partie de vos clients, d’autres études ne manquent pas de souligner les effets négatifs du confinement et de la crise. Notamment une altération de la confiance envers les autres, une réduction du niveau d’enthousiasme et une sociabilité affectée par la distanciation physique. Une nouvelle catégorie de clients va émerger : plus anxiogènes, méfiants et désenchantés. Ces nouveaux consommateurs, traumatisés par le Covid-19, ne seront peut-être pas prêts de remettre les pieds en agence, ni disposés à ce que des personnes investissent leur bien immobilier pour une visite.
Si la digitalisation était un pourvoyeur du maintien de l’activité, elle pourrait à l’avenir être nécessaire pour composer avec ces nouveaux clients. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle catégorie de clients nécessite une adaptation des pratiques professionnelles.
Réinventer la rencontre de services
Au-delà de l’obligation réglementaire, la peur du virus par un pan de la population conduit au bouleversement de l’ensemble des règles de conduites à tenir. Pour tenir compte d’un degré variable de stress des clients face à la contamination, la relation est, au mieux, distanciée voire virtualisée. Dans ce dernier cas, c’est l’ensemble des cadres de l’interaction qui est bouleversé. Cette situation est potentiellement regrettable lorsque l’on sait que c’est de la rencontre et de la conversation avec l’autre que naît l’épaisseur d’une relation. Le ton de la voix, l’expression faciale, les postures corporelles sont autant de signes sur lesquels un bon commercial peut s’appuyer pour s’adapter à son client, faire preuve de bienveillance et réduire son anxiété. À distance, le sens se dérobe par défaut de matérialité. Une interaction virtuelle rend plus difficile l’accès à cette parole invisible, ce qui complexifie la compréhension des besoins du client. Si la distanciation sociale n’exclut pas le face à face, elle soulève toutefois un problème, celui de la sécurité affective. Les recherches de John Bowlby (1958) (3) ont permis d’établir un lien entre contact physique ritualisé (poignée de main par exemple) et sécurité relationnelle ; et ce quel que soit l’âge. L’absence de contact physique, ou à tout le moins de proximité, peut nous rendre nostalgiques et réduire notre sécurité affective.
Sachant que la transaction immobilière est particulièrement anxiogène parce qu’émotionnellement impliquante, cette distanciation sociale pourrait être problématique. De fait, la socialité, dont le socle était jusqu’à présent la coprésence corporelle, va devoir se redéfinir à distance (1 m), voire être cachée derrière des écrans. Le professionnel devra faire preuve de créativité pour exprimer sa sympathie, son empathie, rassurer son client et construire la confiance par écrans interposés. Il devra également être fin psychologue pour distinguer les individus pour lesquels maintenir un mètre de distance pourrait nécessiter un effort important et induire un désagrément insidieux de ceux pour qui au contraire cela sera vecteur de réduction de stress.
Les softs skills, la clé du monde d’après
Soutenir une relation client nécessite deux types de compétences :
1. les hard skills, c’est-à- dire une intelligence mécanique et analytique qui implique la capacité à exécuter vite et bien, avec précision et constance, des tâches clairement définies ;
2. les soft skills, soit une intelligence intuitive et émotionnelle qui se réfère à l’adaptabilité relationnelle, l’intelligence des situations, l’empathie. Ces soft skills, reconnues par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et le BIT (Bureau international du travail) comme les compétences clés du XXIe siècle, seront encore plus essentielles dans l’après confinement. Notamment le savoir-être et l’empathie, compétences déterminantes dans le secteur immobilier compte tenu du type de transactions (anxiogènes et émotionnellement impliquants), seront demain capitaux pour créer une relation de confiance.
Un bonjour, un sourire … et un peu d’humour
Le monde d’après, sera composé de clients encore plus méfiants et anxieux. Les recherches en psychologie ont montré les bénéfices de la socialité sur la confiance et le stress. La distanciation sociale nous permet encore de dire bonjour, de sourire et de faire de l’humour, profitons-en…. Mais judicieusement !
1. Sachez dire bonjour. S’il est de bon ton de dire bonjour, encore faut-il avoir le ton juste ! Dire bonjour, c’est reconnaître l’autre en tant que personne, mais il convient toutefois de ne pas oublier de le regarder dans les yeux et de porter attention à son intonation. Les recherches en psychologie soutiennent l’importance de l’intonation sur la confiance. Un bonjour optimal doit se terminer par une intonation plus aiguë(4).
2. Souriez ! Ceci vous rendra plus agréable à votre client ! En sus d’être convivial, le sourire est un antistress (5). Il libère chez votre interlocuteur des hormones du bien-être dont les effets bénéfiques se traduisent par une réduction du rythme cardiaque et de la tension artérielle.
3. Faites de l’humour… L’humour accroît l’efficacité de la communication, fluidifie les relations et augmente la confiance et la volonté de se fier à un partenaire d’échange en qui l’on a foi(6), à condition toutefois d’en avoir la maîtrise pour ne pas paraître importun et d’en faire usage au bon moment.
1 Terme emprunté à Éric Briones, directeur de la rédaction du Journal du luxe.
2 « The psychological impact of quarantine and how to reduce it : rapid review of the evidence », S. Brooks al., 2020, The Lancet, vol. 395, issue 10227, pp. 912-920.
3 Sur la théorie de l’attachement.
4 http://www.cnrs.fr/fr/comment-faire-bonne-impression-en-disant-bonjour
5 « Grin and bear it : Smiling facilitates stress recovery », T.Kraft and S. Pressman, 2012. Association for Psychological Science, septembre, pp. 1-7.
6 « L’usage de l’humour par les vendeurs et son impact sur la performance : le rôle de la phase d’exploration et du type d’humour », L. Lunord, L. Bompar et C. Saintives, 2028. Recherche et applications en marketing, vol. 33 n° 2 pp. 6-26.