Le constat qui s’est renforcé avec le déclenchement de la crise sanitaire et l’enchainement de ses conséquences économiques et sociales, au-delà de la satisfaction que permet la comparaison entre la situation de la France et celle de la plupart de ses partenaires de l’Union Européenne, paraît assez largement partagé : la question du logement et de l’habitat entendue au sens économique et social reste pleinement posée dans le contexte d’une crise du logement qui n’en finit pas de durer, qui n’épargne aucun territoire ni aucune catégorie de ménages, même si elle pénalise particulièrement les plus modestes et les plus fragiles, les jeunes et les familles mono parentales, les retraités et les travailleurs pauvres notamment. Et elle ne cesse d’interpeler ceux qui dénoncent, depuis le début des années 2010 notamment, un asservissement des politiques publiques du logement à la contrainte de moyens budgétaires forcément rares et toujours limités.
Une crise multiforme et complexe aux origines anciennes qui s’est renforcée au cours des dernières années, une crise qui additionne nombre de crises plus facilement identifiables (temps de transport, abandon des territoires ruraux et intermédiaires, exiguïté des logements, inadaptation à la lutte contre le réchauffement climatique, renforcement de la ségrégation urbaine, …), une crise qui a provoqué des déséquilibres quantitatifs impressionnants avec un déficit en logements qui s’établit maintenant au-delà du raisonnable et qu’il ne semble plus possible de régler simplement par des mesures techniques (fussent-elles organisées au sein de ces trop fameuses « grandes lois » de la République), voire technocratiques dont l’objectif ultime n’a jamais été que de chercher à économiser des ressources budgétaires « rares ».
Et pourtant, face à ce constat largement partagé, la décision du « politique » ne cherche plus à en imposer au décideur en dernier ressort et qui a maintenant pris le contrôle de la définition et de la mise en œuvre de la politique du logement, l’administration des Finances.
Derrière des mesures techniques presque jamais évaluées comme cela est pourtant imposé à ceux des Parlementaires des deux Assemblées cherchant à améliorer la situation du logement en France, un grand pan de la « boîte à outils » dont l’efficacité avait néanmoins été démontrée en dépit de déclarations programmatiques guère étayées a été défait. A force de réglages de paramètres, de sous-actualisations de barèmes, de délimitation arbitraire de zones, de redéfinition de bénéficiaires, … des dispositifs entiers ont été engloutis dans des réformes qui, « plus sociales » les unes que les autres, ont détruits des régulateurs économiques et sociaux qu’aucune redéfinition de politique salariale/des revenus ne peut plus compenser : les taux d’effort se sont alourdis pour les plus modestes presque toujours en raison de la modestie de leurs rémunérations pour un travail qu’aujourd’hui une partie de la société a redécouvert mais qui jusqu’alors lui paraissait bien souvent trop payé, le coût de l’accès à un logement décent s’est fortement accru après des années de remise en cause des dispositifs de solidarité nationale, le choix du statut d’occupation a été abandonné pour les moins aisés qui vivent comme une assignation à résidence ce qui aurait dû n’être qu’une étape de leur parcours résidentiel, les prix de la centralité et de l’accès aux équipements collectifs se sont envolés créant des inégalités nouvelles devenues intolérables comme la crise des Gilets Jaunes l’a rappelé…
A force de ne pas avoir assez construit pendant plus de dix années et d’avoir répété qu’il ne pouvait en être autrement d’autant que la rénovation du parc de logements allait tout solutionner, une partie du parc occupé bascule dans l’obsolescence. Et les désordres ne s’arrêtent pas là : faute de logements en quantité suffisante, les exclusions du et par le logement se renforcent, des emplois ne sont pas créés, les entreprises butent sur le manque de logements lorsqu’elles souhaitent se développer ou élargir leur périmètre d’action économique, l’activité économique générale en est pénalisée, les délais de transport entre domicile et travail se sont allongés … La montée de l’insécurité dans le logement s’est renforcée et la France est insatisfaite de ses conditions de logement.
Tout cela est connu, bien sûr, et les effets pervers induits ont été largement analysés depuis de trop nombreuses années. D’autant que les remises en cause d’objectifs ambitieux pour la politique du logement se sont renforcées et que des décisions publiques mal fondées n’ont rien arrangé sous le couvert de nouvelles lois « logement ». Pourtant il est toujours aussi difficile de comprendre pourquoi une telle situation perdure, eu égard aux conséquences sociales, économiques et environnementales que cela peut avoir.
Le déclenchement de la crise sanitaire de la Covid-19 et la récession économique de grande ampleur qu’elle a provoquée vont fortement impacter le secteur du logement et de l’habitat, pour de nombreuses années. Avec la chute de la construction sociale et privée qui a été amplifiée, avec l’effondrement des marchés de la transaction, avec la panne de la rénovation énergétique du parc de logements, avec la destruction d’une partie de l’appareil de production du secteur, … les déséquilibres quantitatifs ne vont que s’aggraver. La tentation sera forte, une fois l’émotion de la crise passée de reprendre ces vieilles habitudes qui ont conduit à l’abandon de territoires et des industries qualifiées de traditionnelles qu’ils hébergeaient mais qui font cruellement défaut depuis mars dernier. Elle fera ressurgir les préférences d’une technocratie parisienne qui a placé dans le tout métropolitain l’avenir des politiques du logement, alors que le confinement dans des espaces logement exigus a renforcé dans les cités et les villes des périphéries le sentiment que l’avenir n’est pas forcément dans la lutte contre l’artificialisation des sols, mais qu’il est plus probablement dans le pré …
Le chemin qui doit être parcouru semble donc très long, pour atteindre cet objectif partagé par celles et ceux qui se préoccupent de la définition et de la mise en œuvre des politiques du logement : permettre à chacune et à chacun de se loger dans des conditions normales de dignité et de confort, tout en supportant une charge financière en adéquation avec le niveau de ses ressources, dans un environnement sain, agréable et propice à l’épanouissement des personnes, et en respectant la liberté de choix du statut d’occupation du logement. Et les questions qui se posent sur la manière dont le chemin sera parcouru sont nombreuses ! Mais il ne peut s’agir et dans tous les cas de figure, que d’une réponse politique : si les objectifs, les voies et les moyens de la politique du logement doivent être au préalable débattus et clairement identifiés et évalués, mais aussi s’adapter aux évolutions sociétales, aux enjeux et aux défis qu’il convient de relever face à des objectifs économiques, sociaux et environnementaux par nature ambitieux, … seule la représentation nationale doit décider en dernier ressort. Mais vraiment décider, et ne plus qu’avoir à avaliser les propositions formulées par une administration qui ne devrait être là que pour éclairer la représentation nationale.
Aussi, cette année, les Entretiens d’Inxauseta proposent de travailler sur ce que devra être une politique du logement et de l’habitat ambitieuse, juste et solidaire, au service des citoyens et de la société. Il ne peut s’agir de simples réflexions, il faut en revanche participer à la reconstruction d’une véritable stratégie claire, transparente, acceptée et appropriée … et qui soit dotée des moyens nécessaires pour réussir.
La première table ronde permettra de recueillir les réactions et les diagnostics des principaux responsables professionnels et financiers qui seront impliqués dans la mise en œuvre de la politique du logement que tous et chacun pourraient appeler de leurs vœux. La seconde table ronde va donner la parole à ceux qui font les Lois de la République et qui réfléchissent aujourd’hui sur ce que voudra dire « se loger et habiter » dans la France de demain.
Demandez le programme
14h00 Ouverture : Vincent Bru, Député des Pyrénées-Atlantiques, Mouvement Démocrate
Introduction : Quelle place pour le logement dans la France de demain ? par Michel Mouillart, Professeur d’Economie, FRICS
14 h 30 Diagnostic, réactions et propositions des principaux acteurs de l’habitat
Emmanuelle Cosse, ancienne Ministre du logement, Présidente de Coallia Habitat
Alexandra François-Cuxac, Présidente de la Fédération des Promoteurs Immobiliers
Didier Ridoret, Président de la SMA BTP
Olivier Salleron, Président de la Fédération Française du Bâtiment
Jérôme Terpereau, Président du Directoire de la Caisse d’Epargne Aquitaine-Poitou Charentes
Animation : Ariane Artinian, Rédactrice en chef, Journal de l’Agence et MySweet’immo et Pierre Chevillard, rédacteur en chef PAP
16 h 00 : Se loger et habiter dans la France de demain
Marc-Philippe Daubresse, ancien Ministre du logement, Sénateur du Nord, Les Républicains
Annie Guillemot, Sénatrice du Rhône, Parti Socialiste
Jean-Luc Lagleize, Député de la Haute-Garonne, Mouvement Démocrate
Stéphane Peu, Député de Seine-Saint-Denis, Parti Communiste Français
Eric Piolle, Maire de Grenoble, Europe Ecologie Les Verts
Animation : Catherine Bocquet, Rédactrice en chef, Immoweek et Benoît Barbedette, Rédacteur en chef, News Tank Cities