1er janvier – 15 mars : la continuité
Tout avait pourtant bien commencé. En ce début de 1er semestre 2020, le marché de l’immobilier ancien poursuivait la trajectoire amorcée depuis plusieurs années. La demande était très soutenue (+30 % par rapport au 31 décembre 2019), les délais de vente restaient sous la barre des 90 jours et les transactions progressaient de 6 % par rapport à décembre 2019.
17 mars – 10 mai : la pause
Le 17 mars, le confinement donne un coup de frein à l’activité des agences immobilières, qui plonge de 90 %. Certaines, comme celles du réseau Laforêt, parviennent à maintenir un flux d’activité grâce à des solutions distancielles, comme les visites virtuelles ou le parcours client digitalisé. Toutefois, l’interruption de l’ensemble de la chaîne immobilière (administrations, banques, offices notariaux…) marque la pause des transactions immobilières.
Pour autant, certains signes laissent alors à penser que la reprise sera très active. Ainsi, dès l’instant où le président de la République annonce l’échéance du 11 mai comme date de déconfinement, les demandes de rendez-vous en agences affluent. Les locataires qui n’ont pas pu visiter, les vendeurs qui ont signé la vente de leur bien juste avant le confinement mais n’ont pas encore trouvé leur futur logement, les investisseurs qui ont profité de cette période d’inactivité pour préciser leurs projets, tous ceux qui ont désormais envie de verdure, d’une terrasse ou d’une pièce en plus pour télétravailler… Tous sont présents à la réouverture des agences.
11 mai – 30 juin : le rattrapage
Comme pressenti, le redémarrage est tonitruant. En moins d’une semaine, les agences immobilières retrouvent 90 % de leur activité d’avant confinement sur la signature de mandats, de baux et de compromis. Dans les semaines qui suivent, le rebond ne fait que s’amplifier. La demande explose à +48 % par rapport au mois de juin 2019. Un phénomène lié d’une part à la reprise des projets envisagés ou amorcés avant le confinement, d’autre part à de nouvelles envies nées pendant ces longues semaines. De nombreux Français ont adopté le télétravail, maintenu après le 11 mai dans beaucoup d’entreprises, et la recherche de résidences secondaires pour un budget inférieur à 150 000 euros, à moins de 2 heures en voiture des grandes métropoles, bondit. Les Parisiens se renseignent sur les maisons en Normandie, les Lyonnais se tournent vers les lacs de Savoie, tandis que les Bordelais parcourent les Landes.
Au-delà d’un coin de verdure, la connectivité fait son apparition dans les critères de sélection d’un bien à la campagne : le télétravail est bel et bien passé par là. Les investissements locatifs reprennent également et représentent 24 % des transactions depuis la reprise. Plus que jamais, les Français ont le sentiment que la pierre est la valeur refuge par excellence. Enfin, si l’on considère le cumul du 1er semestre, la demande équivaut à celle de l’année précédente, avec une sur demande avant et après le confinement qui compense les 2 mois d’inactivité.
Une offre en très légère progression
Face à une demande toujours aussi soutenue, l’offre reprend des couleurs, avec une progression de 2 % par rapport au mois de juin 2019. Les dossiers de mise en vente augmentent, car rappelons que l’immobilier est intimement lié aux événements de la vie (naissance, séparation, succession…) et que ces derniers se sont poursuivis pendant le confinement, provoquant cet effet de rattrapage.
Les secundo-accédants franciliens, parfois las du confinement, se décident à vendre pour rechercher un bien avec une terrasse, un jardin ou une pièce en plus. Avec l’extension du télétravail, certains réfléchissent à s’éloigner de la capitale et des villes comme Évreux, Compiègne ou Rambouillet prennent leur revanche grâce à des prix attractifs.
Des prix solides
Beaucoup se posent la question des prix. Vont-ils baisser ? Contre toute attente, ils se maintiennent. L’offre reste très nettement inférieure à la demande. L’effet de rareté est donc renforcé malgré le rattrapage. Beaucoup de Français veulent boucler leur achat avant septembre, ce qui ne favorise pas la baisse des prix. Sur certaines grandes métropoles où la pénurie est particulièrement forte, on enregistre même des hausses. C’est notamment le cas à Paris où le prix moyen progresse de 1,2 % depuis le début de l’année, pour atteindre 10 478 €/m². Les biens qui disposent d’un balcon ou d’un jardin voient leurs prix réévalués à la hausse. Néanmoins, nous devrons attendre l’automne pour savoir si la solidité des prix se confirme.
Des transactions à la hausse
Depuis le 11 mai, le nombre de transactions est à la hausse par rapport à l’année précédente : +12 % au national, +15 % en région, +9 % en Île-de-France. Une fois n’est pas coutume, Paris reste en retrait avec +4 %, mais c’est une question de temps. Des milliers de Parisiens sont partis se confiner dans les régions et ont tardé à regagner la capitale. D’autant que les grandes entreprises dont le siège se situe à Paris ou à la Défense ne rouvriront pas totalement leurs bureaux avant la rentrée de septembre.
Cette reprise vigoureuse doit être nuancée par la frilosité des banques à accorder des crédits aux ménages dépassant 33 % d’endettement. En effet, avant même la période de confinement, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) avait recommandé aux organismes financiers de limiter la durée des prêts et de revenir au taux d’endettement usuel. Les banques ont adopté ces recommandations, pensant ainsi regagner les marges qu’elles avaient perdues au fil des années du fait de la baisse des taux d’intérêt et du phénomène de renégociation de crédit. Conséquence directe de cette prise de position, les primo-accédants et les jeunes actifs sont en partie exclus de l’accession, d’autant qu’ils concentrent souvent les fragilités : peu, voire pas d’apport, des revenus moins élevés, un CDI récent…
Les marges de négociations
Les marges de négociations, à savoir l’écart entre le prix de vente et le prix acté, ne peuvent être considérées que sur les ventes réalisées avant et après le confinement. Cet écart n’a été que peu impacté par la crise, puisqu’il s’établit à 4,52 %, soit -0,16 point par rapport au premier semestre 2019 avec, dans le détail, 2,63 % à Paris, 3,13% en Île-de-France et 4,80 % pour les régions.
Les enjeux pour le second semestre 2020
L’immobilier ancien est soumis à une forte saisonnalité. Une partie importante des transactions se réalisent au printemps pour une prise de possession à la rentrée de septembre. Cette période correspond au mois de mars, avril et mai et a donc été clairement amputée. Les mois de juillet, août et septembre seront donc décisifs pour la reprise des transactions. C’est à l’issue de cette période que nous saurons si le retard accumulé durant le confinement pourra être résorbé cette année.
À ce jour, il est donc particulièrement difficile de prédire la fin de l’année 2020. Néanmoins, un premier enjeu tient dans la position que vont prendre les banques vis-à-vis des emprunteurs. Il nous semble important que le HCSF assouplisse ses recommandations, faites en décembre 2019 dans un contexte très différent, afin de ne pas exclure du marché les primo-accédants et les acquéreurs les plus modestes.
Reste l’incertitude économique. Malgré le soutien du gouvernement, unique dans le monde en raison de son ampleur, pour limiter les défaillances d’entreprises et les destructions d’emplois, avec les mesures de chômage partiel et le Prêt Garanti par l’État qui minimiseront les impacts économiques de la crise sanitaire, une envolée du chômage sur le dernier trimestre est à prévoir. Il est donc indispensable que le gouvernement engage sans attendre un plan de relance pour soutenir le logement.
Des mesures à prendre d’urgence
La généralisation du prêt à taux zéro (PTZ) dans l’ancien fait partie des premières mesures nécessaires. Actuellement, il est réservé aux logements situés dans les zones les moins tendues, mais également accordé sous conditions de travaux. Non seulement le prêt à taux zéro pourrait être étendu à tout le territoire, mais sa quotité de travaux pourrait raisonnablement être ramenée de 25 % à 15 % et consacrée à la rénovation énergétique ou à la transformation numérique des logements.
Deuxième action à privilégier, élargir le périmètre du dispositif Denormandie destiné à développer l’offre locative en centre-ville. Actuellement réservé à moins de 250 villes, celui-ci pourrait être étendu à toutes les communes sans critères d’éligibilité. Enfin, troisième et dernière mesure à prendre, rétablir l’APL accession en métropole comme dans les DROM. Cette mesure permettant aux foyers les plus modestes de réduire le poids de remboursement d’un crédit immobilier a largement fait ses preuves par le passé.
« En France, la filière logement représente 15 % du PIB, 77 milliards de recettes fiscales, 2 millions d’emplois directs et 500 000 indirects : c’est un véritable réacteur sans lequel la reprise économique ne se fera pas. Ces mesures sont à prendre d’urgence si nous voulons maintenir la dynamique, les prochains mois seront décisifs pour notre secteur comme pour l’économie de notre pays », conclut Yann Jéhanno, Président du réseau Laforêt.