« La clause pénale & le mandat de l’agent immobilier « , Me Cyril SABATIE

Rappelons que la clause pénale est une clause d’indemnisation forfaitaire qui fixe par avance le montant de l’indemnité qui sera due en cas d’inexécution du contrat dans lequel elle figure, ici le mandat.

L’article 1231-5 du Code civil dispose ainsi « lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».

Désormais les mandats des intermédiaires immobiliers comportent systématiquement une clause pénale. Pour se protéger, l’agent immobilier a par exemple la faculté d’introduire dans son mandat une clause interdisant au mandant de traiter, directement ou indirectement, avec un acquéreur présenté par lui ou ayant visité les lieux avec lui.

A titre d’exemple, la cour d’appel d’Aix en Provence dans un arrêt du 14 mai 2019 n°17-13526 a condamné à 7000€ de dommages et intérêts des acquéreurs qui ont acheté sans le concours de l’agence après avoir pourtant fait une offre (refusée) par son intermédiaire. La cour fait ici application de la clause pénale figurant dans le mandat de recherche signé avec l’agence :

« Le mandant s’interdit, en son nom, avec son conjoint ou partenaire de PACS, ou encore sous la forme de toute société dans laquelle il aurait une participation, de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire pendant le cours du présent mandat et de ses renouvellements ainsi que pendant les 12 mois suivant l’expiration ou la résiliation de celui-ci, avec un vendeur dont le bien lui aurait été présenté par le mandataire ou un mandataire substitué. »

Dans cette affaire les acquéreurs indélicats se retrouvent à devoir régler les honoraires de la seconde agence et des dommages-intérêts à la première à laquelle ils avaient confié un mandat de recherche.

Depuis le 1er juillet 2015 et le décret du 24 juin 2015, la clause pénale est plafonnée au montant des honoraires stipulés dans le mandat.

Or, pour qu’une telle clause trouve application, l’article 78 du décret du 20 juillet 1972, pris pour l’application de la loi du 2 janvier 1970 dite Hoguet, dispose notamment que lorsqu’un mandat est assorti d’une clause pénale, ou lorsqu’il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires seront dus par le mandant même si l’opération est conclue sans les soins de l’intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d’une stipulation expresse du mandat (dont un exemplaire a été remis au mandant).

Mais surtout ce texte prévoit que cette clause pénale doit être mentionnée en caractères très apparents.

Les contentieux relatifs à la clause pénale naissent le plus souvent à l’occasion des actions menées par les agents immobiliers qui se sont fait « doubler » par leur mandant et qui souhaitent le règlement de leurs honoraires à titre indemnitaire.

En effet, face à la rigueur de la loi Hoguet, les mandants indélicats ont coutume de soulever le non-respect du formalisme impératif du mandat, et notamment de la clause pénale.

La clause pénale du mandat doit être considérée comme nulle si elle n’est pas en caractères très apparents.

La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 22 novembre 2019 n°17-02781, confirme une jurisprudence désormais constante, rappelant que la clause pénale du mandat doit être considérée comme nulle si elle n’est pas en caractères très apparents.

Dans cette espèce, la clause pénale était en caractères gras, mais d’autres clauses l’étaient également sur la même page. Selon les magistrats bordelais cette situation ne permettait pas aux mandants de mesurer sa portée… L’agence qui réclamait le paiement de ses honoraires à titre indemnitaire est donc déboutée de sa demande pécuniaire.

Précisons effectivement, comme l’a déjà affirmé la Cour de cassation, que « le défaut de tels caractères entraîne, non la nullité du mandat, mais celle de la clause » (Cass. civ. 5 mars 2015 n°14-13062 – voir également Cass. civ. 17 janvier 2018 n°16-26099).

Rappelons que la Cour de cassation a déjà validé des clauses pénales stipulées pour des durées allant jusqu’à 24 mois, dès lors que leurs termes sont clairs et précis (Cass. 1re civ., 2 oct. 2007, n° 06-14.238, n° 1095 D ; Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-15.661, n° 921 D ; Cass. 1re civ., 20 oct. 2011, n° 10-25.199, n° 989 D).  Ces clauses doivent ainsi être stipulées dans des limites raisonnables, conformément aux recommandations de la Commission des clauses abusives (Recomm. Comm. clauses abusives n° 2002-01, 13 déc. 2001 : BOCCRF n° 3, 26 févr. 2002).

A noter que depuis la loi dite Alur du 24 mars 2014, qui a modifié l’article 6 de la loi dite Hoguet précitée, et le décret n°2015-724 du 24 juin 2015, le montant de cette clause pénale est plafonné. En effet depuis le 1er juillet 2015 cette clause ne peut prévoir le paiement d’une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat.

 

 

 

 

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Cyril Sabatié: Cyril SABATIE est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet LBVS AVOCATS. Il dispose également de deux autres cabinets sur Nice et Angers destinés principalement au conseil des professionnels de l’immobilier et de la construction. Il a été notamment Directeur juridique de la FNAIM et est l’auteur de divers parutions et articles sur le droit immobilier, en particulier l’ouvrage COPROPRIETE aux éditions Dalloz-Delmas. Il est également membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) et de la Chambre des experts immobiliers FNAIM (CEIF).