Etendard des politiques de relance de l’accession au logement, outil d’ajustement des aides de l’État aux ménages modestes, levier indispensable à la bonne santé des constructeurs et promoteurs, le prêt à taux zéro est devenu en vingt cinq ans un symbole fort du marché immobilier.
Et pourtant… Il aura connu pas moins de sept réformes pour s’ajuster à la politique des gouvernements, mais aussi à celle des banques. Lorsque l’équipe du président Macron s’empare du sujet fin 2017 pour répondre à la demande de visibilité dans la politique du logement des pouvoirs publics, les taux d’intérêt sont à la baisse, provoquant sur trois ans une vague importante de renégociations des encours de crédits immobiliers. Mais c’est du côté de la Cour des comptes que le coup de canon retentit le plus fort. L’organe superviseur des comptes publics met en garde, depuis début 2016, sur le coût important des commissions reversées aux banques distributrices du PTZ, tandis que le marché du logement se reprend.
En période de resserrement budgétaire, c’est un argument qui résonne. L’État décide de se libérer progressivement, et selon un calendrier écrit sur quatre ans (jusque fin 2021), de l’emprise sur ses comptes du prêt réglementé. Le zonage est réutilisé pour diviser le soutien au neuf et à l’ancien en fonction des secteurs géographiques dits tendus (zones A, A bis et B1), avec une disparition programmée des aides en secteur distendu pour le neuf en 2020.
Nous y sommes désormais. Que va-t-il se passer dans quelques semaines ? N’est ce pas aussi un signal d’un désengagement plus complet de l’État à l’heure où le nombre de transactions vole de records en records ?
1er Janvier 2020 : suppression du PTZ dans le neuf pour les zones B2 et C
Comme prévu dans le calendrier de désengagement de l’État, le PTZ ne sera plus éligible dans le neuf pour les zones B2 et C, c’est-à-dire dans les villes dont la population est inférieure à 250 000 habitants. Pour l’ancien, rien ne bouge. Le PTZ continuera d’être éligible dans ces villes sous réserve – sans modification – que le projet prévoit des travaux d’aménagement, de réhabilitation ou d’amélioration représentant au minimum 25 % du montant total de l’opération.
À noter que pour les zones tendues, rien ne change dans les conditions d’accès ni dans les tranches de calcul (sauf modifications de dernière minute lors du vote de la loi de finances en décembre 2019).
Au-delà de ces informations, il convient de regarder de plus près les particularités qui font que les ménages peuvent peut-être continuer de bénéficier du PTZ bien que présents en zones B2 et C. Il faut savoir que certaines communes ont demandé à changer de zonage, au regard de la situation de tension sur le logement, qui est analysée par la région puis transmise au ministère de la Cohésion des territoires. La ville de Poitiers a ainsi obtenu son transfert en zone B1 en juillet dernier. De plus, si la ville est signataire d’un Contrat de redynamisation de site de défense (CRSD), elle peut obtenir par dérogation les conditions maximales du PTZ.
33 477 PTZ accordés en moins en 2018
Il n’en reste pas moins que les principaux acteurs touchés par la disparition du PTZ dès 2020 ne cessent de mettre en avant l’impact immédiat sur la capacité d’accès au logement, notamment pour les ménages modestes ou les jeunes. La production de prêts à 0 % a d’ailleurs été directement impactée dès lors que la diminution de la part du PTZ dans le financement a été mise en place. De 123 477 dossiers en 2017, il est tombé à 90 000 en 2018. On attendra les chiffres de 2019 compte tenu de la durée de mise en place lorsqu’il s’agit de constructions par exemple. Mais si le lien de causalité est avéré, on peut logiquement anticiper une nouvelle baisse de volumes sur l’exercice, compte tenu de la chute des ventes dans le neuf jusqu’ici.
Incertitude au delà de 2021
Comme il s’agit d’un dispositif d’aide réglementaire et légal, le prolongement du PTZ ou ses aménagements sont soumis à approbation du Parlement, notamment dans le cadre de la loi de finances. Avec la bonne tenue des ventes de logements et la poursuite du resserrement budgétaire, le calendrier annoncé jusque fin 2021 ne devrait pas être remis en question. Le projet de loi touchant aux dépenses de logement, au sein du projet de loi de finances, a été déposé début novembre. On notera qu’au sein même du parti au pouvoir, le rapport de la députée Stéphanie Do a soulevé le sujet du rabotage des aides (PTZ et APL) en insistant sur l’impact social inégalitaire et en prônant le rétablissement à l’identique des dispositions.
Mais dans un contexte également très favorable des taux d’intérêt, le différentiel entre le PTZ et les prêts du secteur libre bancaire (1,32 % sur 25 ans en moyenne, selon le dernier Observatoire Crédit Logement/CSA d’octobre 2019) donne une raison supplémentaire à la Cour des comptes de maintenir la pression, même si l’économie réalisée semble au final très minime (estimée à 1 milliard d’euros).
Le sujet portera davantage sur l’exclusion des ménages modestes quant à leurs projets d’accession, notamment dans des maisons individuelles et en zone rurale. D’autant que les banques, pressées par les autorités financières de réduire les financements sans apport, se montrent elles aussi plus regardantes sur cette population.
Et si on changeait les règles ?
Si d’hasard, les taux d’intérêt devaient rester bas durablement, le surcoût de la disparition du PTZ ne serait pas en lui-même l’élément le plus dérangeant. Un rapide comparatif permet de mesurer l’impact de la disparition du PTZ en zones B2 et C en janvier 2020. On y voit que le surplus s’élève entre 5 000 et 7 500 euros. Or, il existe des prêts bonifiés accordés par les collectivités locales et distribués par des banques sous convention avec celles-ci, qui permettent de compenser partiellement ce surcoût. Mais toutes les communes n’ont pas forcément les moyens d’agir de la sorte. Ce qui est le plus arrangeant pour les emprunteurs, c’est le différé qui existe dans le fonctionnement du PTZ. Il suffirait alors de prévoir un mécanisme de différé partiel dans le montage ou d’orchestrer d’autres aides en le combinant avec le prêt principal bancaire, comme le PTZ le prévoit.
On pourrait aussi revoir la notion actuelle de primo-accédant qui, d’un point de vue fiscal, définit celui qui n’a pas été propriétaire de sa résidence principale dans les vingt-quatre mois précédant son achat. On pourrait ainsi réduire cette aide ou cette bonification à la seule première accession réalisée dans sa vie. On pourrait aussi baliser le profil des ménages qui peuvent bénéficier du PTZ en limitant l’âge et en confirmant la notion de plafonnement des revenus. Enfi n, on pourrait aussi rediriger les fonds issus du 1 % de contribution des entreprises à la construction en organisant un dispositif d’aide efficace à l’accession des jeunes ménages pour leur premier achat au titre de résidence principale. Et pourquoi pas une avance conditionnée dont le remboursement serait fait lors de la vente du bien ayant bénéficié de l’aide ?
À une heure où le monde financier explore des terres inconnues, l’ingéniosité doit être au rendez-vous, surtout lorsqu’il s’agit d’ancrer les nouvelles générations dans un contexte mouvant.